Modélisation de la plasticité et d’endommagement

Modélisation de la plasticité et d’endommagement

Dans ce chapitre, on utilisera les résultats des deux derniers chapitres (§3, §4) pour modéliser le comportement élastoplastique et l’endommagement ductile de notre matériau. La modélisation de la plasticité nous sera indispensable dans la description du clivage (Chapitre §6) et puisqu’on ne s’intéresse dans cette étude qu’à la description de la partie basse de la transition ductile-fragile, la modélisation préliminaire de la rupture ductile qu’on présentera dans ce chapitre ne sera pas exploitée dans la suite. Néanmoins, cette modélisation fournira quelques résultats préliminaires pour les études futures dans la partie haute de la transition ductile-fragile. Dans un premier temps, une étude de l’effet du paramètre de Lode ℒ sur l’amorçage ductile sur les éprouvettes non fissurées sera menée. Dans un deuxième temps on proposera de fournir une identification préliminaire des paramètres de notre modèle d’endommagement sur les éprouvettes 𝐴𝐸𝜒. Tous les calculs dans ce chapitre sont effectués à l’aide de Code_Aster en utilisant les éléments à 5 champs non locaux en formulation logarithmique présentés dans l’étude bibliographique (§2). 

Modélisation de la plasticité

L’observation macroscopique des faciès de rupture des éprouvettes axisymétriques 𝐴𝐸𝜒 et 𝑇𝐶6 (§4) montre que la section minimale conserve une forme circulaire après déformation. Le comportement du matériau est alors un comportement élastoplastique isotrope. La surface d’écrouissage ℱ peut être exprimée par : ℱ(𝝈, 𝑝) = 𝜎𝑒𝑞 − 𝑅(𝑝) = 0 𝜎𝑒𝑞 = √3.𝐽2 (𝝈) = √ 3 2 𝒔 ∶ 𝒔 (5.1) Où 𝜎𝑒𝑞 est la contrainte équivalente de von Mises, 𝑝 est la déformation plastique cumulée associée, 𝒔 est la partie déviatorique du tenseur de contraintes 𝝈 et 𝑅 la contrainte d’écoulement. On utilise une formule classique pour 𝑅 sous la forme (Tanguy et al., 2000) : 𝑅(𝑝) = 𝑅0 + 𝐻. 𝑝 + 𝑄1 (1 − exp(−𝑏1. 𝑝)) + 𝑄2(1 − 𝑒𝑥𝑝(−𝑏2. 𝑝)) (5.2) Cette formule contient deux termes exponentiels qui saturent l’écrouissage et un terme linéaire. Les seuls paramètres à identifier sont donc : 𝑅0, 𝐻,𝑄1,𝑄2, 𝑏1, 𝑏2. Ces paramètres dépendent de la température mais à priori pas de la géométrie. Le résultat d’existence d’une courbe maîtresse démontré dans (§3.4.1) se traduit par : 𝑅(𝑝) 𝜎𝑌 (𝑇) = 𝑝. 𝐻̅ + 𝑅0 ̅̅̅ + 𝑄1 ̅̅̅(1 − exp(−𝑏1. 𝑝)) + 𝑄2 ̅̅̅̅(1 − 𝑒𝑥𝑝(−𝑏2. 𝑝)) (5.3) 𝑏1et 𝑏2 sont alors constantes et 𝑄1,2 ̅̅̅̅̅ 𝑏1,2, 𝑅0 ̅̅̅̅, 𝐻̅ sont des paramètres adimensionnels indépendants de la température qu’on identifie uniquement à −20°𝐶. Les paramètres à −50°𝐶, −100°𝐶 et −150°𝐶 sont déduits à partir de : 𝑄1,2 (𝑇) = 𝑄1,2 ̅̅̅̅̅. 𝜎𝑌 (𝑇) ; 𝑅0 (𝑇) = 𝑅0 ̅̅̅. 𝜎𝑌 (𝑇) ; 𝐻(𝑇) = 𝐻̅. 𝜎𝑌 (𝑇); 𝑏1,2 = 𝐶𝑜𝑛𝑠𝑡 (5.4) A −20°𝐶, on choisit une méthodologie d’identification qui consiste à minimiser la différence entre les résultats expérimentaux et les résultats de simulations éléments finis. Cette méthodologie est appliquée sur toutes les éprouvettes 𝐴𝐸𝜒 et 𝑇𝐶6 testées en comparant pour chaque itération de calcul, les courbes 𝐹 − Δ𝐿 et ΔΦ/Φ0 issues de ce calcul avec les courbes expérimentales correspondantes. Cette méthodologie nécessite que les résultats de simulations soient indépendants des maillages utilisés pour chaque éprouvette. Les paramètres sont identifiés sans tenir compte du palier de Lüders présent dans les courbes de traction (§3.4.1). Le paramètre 𝑅0 est alors défini comme indiqué dans la figure ci-dessous (Figure 61). Modélisation de la plasticité et d’endommagement 95 Figure 61 : Définition du paramètre 𝑅0 On utilise l’outil 𝑀𝐴𝑃 et le composant c_solver_field_diff_multi pour la procédure d’identification. On présente dans la Figure 62. Les maillages pour les éprouvettes 𝐴𝐸𝜒 utilisées dans la procédure d’identification. Les maillages sont raffinés uniquement au niveau de l’entaille qui est la zone la plus sollicitée. Néanmoins, on note que ce degré de raffinement n’est pas indispensable pour assurer l’indépendance des résultats au maillage. Figure 62 : Maillage des éprouvettes 𝐴𝐸𝜒 utilisés dans la procédure d’identification. On retient une taille de maille d’environ 100µm dans la zone de raffinement. Les résultats de cette identification à −20°𝐶 sont présentés dans le Tableau 13. Pour les autres températures −50°𝐶, −100°𝐶 et −150°𝐶 on utilise la formule (5.4): 𝑅0 ̅̅̅ 𝐻̅ 𝑄1 ̅̅̅ 𝑄2 ̅̅̅̅ 𝑏1 𝑏2 0.772 0. 0.475 0.307 3.888 29.0 Tableau 13 : Les paramètres adimensionnels identifiés à -20°C mais valables dans [−150°𝐶, −20°𝐶]. Le paramètre 𝐻 n’a aucune contribution dans la loi d’écrouissage. 𝑇(°𝐶) −20°𝐶 −50°𝐶 −100°𝐶 −150°𝐶 𝜎𝑌 (𝑀𝑃𝑎) 607.0 635.5 691.0 810.0 Tableau 14 : Les valeurs de 𝜎𝑌 utilisées dans la procédure d’identification. Uniquement à −150°𝐶 , on re-identifie la valeur de 𝜎𝑌 (−150°𝐶) qui est légèrement différente de 𝜎𝑌 expérimentale (Tableau 6). 𝑹𝟎 𝑆𝑖𝑚𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝐸𝑠𝑠𝑎𝑖 96 Les courbes simulées avec les paramètres donnés dans le tableau ci-dessus (Tableau 13) sont en bon accord avec les résultats expérimentaux, aussi bien pour les éprouvettes 𝐴𝐸𝜒, 𝑇𝐶6 (Figure 63, Figure 64, Figure 65, Figure 66) que pour les éprouvettes 𝐶𝑇, 𝑆𝐸𝑁𝑇 (Figure 67). On note un très bon accord pour toutes les températures étudiées. Par ailleurs on constate que le palier de Lüders disparait pour les éprouvettes 𝐴𝐸10,4,2 et que le modèle de plasticité utilisé, qui ne tient pas compte du palier, est à même de reproduire ces essais. On constate donc qu’en présence d’une entaille assez sévère (au-delà de la 𝐴𝐸20), il n’est pas nécessaire de prendre en compte le palier de Lüders. La fissure étant un défaut encore plus sévère, on utilisera donc cette loi pour modéliser les essais avec fissure (§6.1). Remarque : Pour prendre en compte l’effet du palier de Lüders dans la loi d’écoulement proposée, l’équation (5.3) sera modifiée telle que : 𝑅(𝑝) = max{𝜎𝐿ü𝑑𝑒𝑟𝑠 ; 𝑅0 + 𝑄1 (1 − exp(−𝑏1. 𝑝)) + 𝑄2(1 − 𝑒𝑥𝑝(−𝑏2. 𝑝))} (5.5) avec 𝜎𝐿ü𝑑𝑒𝑟𝑠 la contrainte atteinte au niveau du palier. On utilisera cette formule pour étudier l’effet du Palier de Lüders sur la rupture au §6.3.2. 

Note sur l’exposant d’écrouissage effectif

La formule proposée de la limite d’écoulement contient deux termes exprimés avec des fonctions exponentielles. On note par 𝑅1 (𝑝) et 𝑅2 (𝑝) les fonctions suivantes : 𝑅1,2 (𝑝) = 𝑅0 + 𝑄1,2(1 − exp(−𝑏1,2. 𝑝)) (5.6) Puisque 𝑏2 > 𝑏1, la fonction 𝑅2 contribue avec un écrouissage rapide et sature à de faibles niveaux de déformation 𝑝 tandis que la fonction 𝑅1 contribue avec un écrouissage lent et sature lorsque 𝑝 est plus élevé. On montre simplement que 𝑄(1 − exp(−𝑏𝑝)) atteint 95% de sa limite 𝑄 pour 𝑝 ≈ 3/𝑏. En effet, on peut montrer qu’uniquement la fonction 𝑅2 domine l’évolution de l’écrouissage lorsque 𝑝 → 0. On peut s’en convaincre en proposant de calculer l’exposant de l’écrouissage effectif 𝑁(𝑝) des fonctions 𝑅(𝑝), 𝑅1 (𝑝) et 𝑅2 (𝑝) à l’aide des formules ci-dessous (équations (5.7) et (5.8)) : 𝐶𝑇12.5 𝑆𝐸𝑁𝑇0.5 102 ∀𝑝 > 0 , 𝑁(𝑝) ≝ 𝑑 log 𝑅(𝑝) 𝑑 log 𝑝 = 𝑄1𝑏1 exp(−𝑏1𝑝)+ 𝑄2𝑏2 exp(−𝑏2𝑝) 𝑅0 + 𝑄1 (1 − exp(−𝑏1𝑝))+ 𝑄2 (1 − exp(−𝑏2𝑝)) 𝑝 (5.7) 𝑁𝑖 (𝑝) = 𝑑 log 𝑅𝑖 (𝑝) 𝑑 log 𝑝 = 𝑄𝑖𝑏𝑖 exp(−𝑏1𝑝) 𝑅0 + 𝑄𝑖 (1 − exp(−𝑏𝑖𝑝)) 𝑝 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑖 ∈ {1,2} (5.8) Il est à noter que cet exposant n’est rien d’autre que l’exposant d’écrouissage classique pour une loi d’écrouissage en exposant (5.9). 𝑁 → 0 correspond à la plasticité parfaite tandis que 𝑁 = 1 correspond à un écrouissage linéaire. 𝑅(𝑝) = 𝐾𝑝 𝑁 𝑁(𝑝) = 𝑁 (5.9) Figure 68 : Evolution du coefficient d’écrouissage instantané en fonction de la déformation plastique cumulée. Lorsque 𝑝 → 0 + on a 𝑁(𝑝) ≈ 𝑁2 (𝑝) et l’écrouissage est gouvernée par le terme 𝑅2 (Figure 68). Ensuite l’écrouissage atteint un maximum puis il décroit jusqu’à saturation (𝑝 → ∞). La décroissance de 𝑁 traduit un écrouissage lent gouverné par le terme 𝑅1 lorsque 𝑝 → ∞. Un écrouissage lent conduit à un niveau de contrainte qui croit très lentement (en fonction de 𝑝). La réduction de la section dans les essais 𝐴𝐸𝜒 et la faible croissance de la contrainte pendant cet écrouissage lent conduisent à la chute de la force (§3.4.1). On fera usage des remarques sur les deux modes d’écrouissage illustrés dans (§6.2.1.1) afin d’expliquer les variations du 𝐶𝑇𝑂𝐷 en fonction du chargement.

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