Modélisation et caractérisation de sources optiques pour les réseaux d’accès et métropolitains

Contexte scientifique
L’évolution des services gourmands en bande passante pour les usages personnels tels que la télévision à la demande/haute définition, le partage des vidéos, les jeux en réseau, le télétravail et la vidéoconférence a stimulé l’explosion des transmissions de données à travers le réseau Internet. Cette explosion, associée au développement de nouvelles applications professionnelles comme les échanges massifs de données, le stockage massif et le calcul distribué, a crée un besoin incessant en débit et en portée dans les systèmes de télécommunications influençant tous les éléments des systèmes et réseaux de transmission. Depuis leurs premiers déploiements, les réseaux de télécommunications optiques ne cessent de répondre aux exigences croissantes de bande passante et de capacité, grâce à la large bande passante des fibres optiques (quelques dizaines de THz) qui permettent de supporter les débits élevés. Les réseaux de transmission par fibre optique sont classifiés selon la portée en réseaux d’accès, métropolitains et cœurs. Dans la hiérarchie des télécommunications, les réseaux d’accès sont concernés directement par les évolutions nécessaires en débit et en portée. En effet, ils sont caractérisés par l’interaction entre des technologies de réseau basées sur différents supports de transmission tels que le support filaire, le support radio ou la fibre optique. La transmission de données filaires qui domine la partie d’accès du réseau optique devient un goulot d’étranglement à cause de l’augmentation croissante de demande des services. L’implémentation de l’accès internet à haut débit et de la technologie FTTH (Fiber To The Home) permet de résoudre les problèmes de capacité et de garantir la rapidité et la convivialité des services domestiques et professionnels tout en encourageant la simultanéité de leur usage. Les réseaux optiques d’accès sont principalement basés sur l’architecture GPON (Gigabit Passive Optical Networks) ou EPON (Ethernet PON) et sur la technologie de multiplexage temporel (TDM : Time Division Multiplexing Access) dans laquelle les canaux alloués à chaque utilisateur raccordé sont multiplexés en utilisant des intervalles de temps successifs (TS : Time Slot). En France, ils proposent actuellement aux abonnés 100 Mb/s en flux descendant et 10 Mb/s ou 100Mb/s en option en flux montant.

Les réseaux métropolitains (MAN : Métropolitain Area Network) agrègent le trafic provenant des réseaux d’accès, avant sa transmission sur de longues distances. Les MAN, basés sur les technologies de transmission optique, sont caractérisés par une connectivité importante et une distance limitée comprise dans une plage d’environ 10 km à environ 200 km. Les réseaux métropolitains doivent supporter différents protocoles de communication, ce qui nécessite une interaction étroite entre la gestion du trafic et l’infrastructure du réseau. Les réseaux cœurs, de type terrestres ou sous-marins, permettent de raccorder plusieurs MAN sur des distances supérieures à 200 km.

Pour les réseaux d’accès et métropolitains, le passage vers de plus fortes capacités conduit à des exigences strictes sur le contrôle des coûts en termes d’investissement et des dépenses opérationnelles et plus récemment sur tout ce qui concerne la consommation énergétique. Pour ce fait, les concepteurs des réseaux d’accès sont concentrés sur l’utilisation de l’infrastructure existante (TDM-GPON) en raison de son coût réduit de déploiement et de maintenance. L’objectif actuel des nouvelles générations des réseaux d’accès (NGPON : Next Generation PON) est d’assurer un débit en ligne centrale vers l’abonné de 10 Gb/s avec une portée identique au GPON typiquement de l’ordre de 20 km ou allongée avec un maximum de 60 km. Concernant, les réseaux métropolitains et cœurs, la forte capacité est obtenue par l’introduction de la technique de multiplexage en longueur d’onde (WDM : Wavelength Division Multiplexing). Cette technique permet d’augmenter le débit grâce à la superposition de plusieurs canaux (plusieurs longueurs d’onde) sur une même fibre.

Ces dernières années (à partir de 2008), la capacité maximale transportée par les réseaux de télécommunications optiques est en évolution rapide avec le déploiement massif et continu des services FTTH. Les débits actuels de 10 Gb/s/canal dans les réseaux métropolitains et 100 Gb/s/canal pour les réseaux cœurs avec un débit total dépassant les 10 Tb/s ne peuvent plus supporter le trafic total prévu qui dépassera 100 Tb/s au-delà de 2015 .

Le trafic de données (notamment du trafic IP) représente la force motrice de l’augmentation future de la capacité des réseaux. Pour faire face à la croissance phénoménale et continue de la demande de services FTTH, il est nécessaire de réaliser un saut technologique dans tous les maillons des réseaux optiques, et plus particulièrement des réseaux d’accès et métropolitains. En effet, une augmentation du débit par canal au-delà de 10 Gb/s accompagnée d’une portée plus étendue devient une nécessité future pour ces réseaux afin de résoudre les problèmes de capacité croissante, et donc de garantir un accès à large bande passante.

Les systèmes de transmission à haut débit
Un système de transmission par fibre optique à haut débit demande la mise en œuvre de technologies sophistiquées pour tous les composants qui le constituent. Pour mémoire, on rappelle que les composants nécessaires pour réaliser un système de transmission optique point à point sont divisés en trois groupes : les émetteurs optiques, la ligne de transmission et les récepteurs optiques : L’émetteur optique assure deux types de fonctions qui sont respectivement la génération et la modulation du signal. La génération de la lumière cohérente est obtenue en utilisant des lasers à semi-conducteurs pompés électriquement. La fonction de modulation consiste à convertir le signal électrique de données à transmettre sur le support optique. Les émetteurs sont placés à l’entrée de la ligne de transmission formée par une fibre optique monomode pour assurer l’injection du signal optique modulé. Les caractéristiques linéaires des fibres optiques monomodes sont principalement l’atténuation [2], la dispersion chromatique [2] et la dispersion en mode de polarisation (PMD : Polarization Mode Dispersion) [3]. La convergence vers les systèmes à haut débit à portée étendue est souvent limitée par les effets de la fibre monomode et notamment le phénomène de dispersion chromatique. En effet, il correspond à la variation des vitesses de groupe des différentes composantes spectrales des signaux optiques transmis. Les effets de la dispersion sont donc l’élargissement temporel des impulsions transmises et l’interférence entre les impulsions adjacentes connue sous le nom d’interférence inter-symbole (ISI : Inter Symbol Interference) permettant ainsi de dégrader le diagramme de l’œil à la réception et de limiter la distance de transmission. Les récepteurs optiques placés à la sortie de la fibre, assurent la détection du signal transmis par une transformation opto-électrique du signal optique reçu dans une photodiode.

Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes uniquement intéressés aux émetteurs optiques. En effet, leur rôle devient très important avec l’augmentation du débit par canal dans le système de transmission. En conséquence, des contraintes concernant la simplicité, le faible coût, la maîtrise de la consommation et la réduction de l’encombrement s’imposent pour la conception des sources optiques destinées aux réseaux métropolitains et d’accès. La fonction clé d’un système de transmission optique à haut débit est relative à l’opération de modulation au niveau des émetteurs optiques. Deux stratégies peuvent être utilisées pour réaliser cette opération. Il s’agit de la modulation directe et de la modulation externe.

La modulation directe d’un laser à semi-conducteurs est la méthode la plus simple pour générer un signal optique modulé. Dans le cas d’une modulation numérique d’intensité (IM : Intensity Modulation), le courant d’injection du laser est modulé par un signal électrique de données conduisant à une modulation directe de la puissance optique de sortie. Associée à la modulation IM pure, une variation indésirable de la fréquence d’émission du laser se produit lors de l’opération. Cette dérive en fréquence, appelée « chirp » est reliée aux fluctuations internes des porteurs de charge intervenant dans le processus de génération laser : la variation du courant d’injection cause un changement de la densité de porteurs dans la cavité (région du gain du laser) qui détermine son indice de réfraction effectif [4]. La modulation du courant d’injection entraîne donc une modulation de l’indice conduisant à une modulation de phase et donc de fréquence d’émission laser (chirp). La dérive en fréquence des lasers à semi-conducteurs peut être décrite par le facteur de couplage phase-amplitude du matériau qui traduit la relation liant le gain et l’indice de réfraction à travers la densité de porteurs dans la cavité. La dérive en fréquence des lasers n’est pas visible dans la forme du signal modulé en intensité, mais elle se manifeste plus dans l’élargissement du spectre du signal optique.

Table des matières

Introduction générale
Bibliographie
1. Théorie de la déviation en fréquence : Origines & Effets
1.1. Généralités sur les lasers à contre-réaction distribuée (DFB)
1.1.1. Les lasers à semi-conducteurs
1.1.1.a. L’amplification optique
1.1.1.b. L’hétérojonction
1.1.1.c. Le courant seuil
1.1.2. Les lasers à puits quantiques (QW)
1.1.3. Les lasers à contre-réaction distribuée (DFB)
1.1.3.a. Principe
1.1.3.b. Le réseau de Bragg
1.1.3.c. Traitement haute réflexion et anti-reflet (HR/AR) des facettes de la cavité laser
1.1.3.d. Notion de phases aux facettes
1.2. Principe de fonctionnement des modulateurs à électro-absorption (EAM)
1.2.1. Effet d’électro-absorption dans les matériaux massifs
1.2.2. Effet d’électro-absorption dans les matériaux à puits quantiques
1.2.3. L’effet Stark confiné quantiquement (QCSE)
1.3. Etat de l’art des lasers modulateurs à électro-absorption intégrés (EML)
1.4. Origines phénoménologiques et physiques du phénomène de déviation en fréquence observée lors d’une modulation (chirp)
1.4.1. Les relations de « Kramers-Kronig »
1.4.1.a. Cas des lasers à semi-conducteurs
1.4.1.b. Cas des modulateurs EAM
1.4.2. Relation entre la modulation d’intensité et la modulation de fréquence
1.4.2.a. Cas des lasers à semi-conducteurs
1.4.2.b. Cas des modulateurs EAM
1.4.3. Les origines du chirp
1.4.3.a. Le chirp des lasers DFB
1.4.3.b. Le chirp des modulateurs EAM
1.5. Transmission sur fibre optique d’un signal modulé simultanément en intensité et en fréquence
1.5.1. La dispersion dans les fibres optiques
1.5.2. Les effets négatifs du chirp sur la transmission
1.5.3. Méthodes tirant avantage du phénomène de chirp dans la conception d’une transmission sur fibre optique dispersive
1.5.3.a. La génération des signaux SSB
1.5.3.b. Le chirp dans le cas de la modulation duale
1.6. Conclusion du chapitre
Bibliographie
2. Modélisation des lasers DFB
2.1. Modèle d’un laser DFB: formalisme matriciel
2.1.1. Le formalisme des matrices de transfert
2.1.1.a. Formulation des matrices de transfert
2.1.2. Description statique du laser
2.1.2.a. Analyse au seuil
2.1.2.b. Influence de la température
2.1.2.c. Analyse au dessus du seuil
2.1.2.d. Description dynamique du laser
2.2. Modélisation d’un laser HR/AR-DFB soumis à une rétroaction optique
2.2.1. Théorie de la rétroaction optique
2.2.2. Modification du modèle laser DFB
2.2.2.a. Modification de la condition d’oscillation
2.2.2.b. Modification des caractéristiques statiques au dessus du seuil
2.2.2.c. Modification des caractéristiques dynamiques
2.3. Modélisation d’un laser modulateur intégré à modulation duale (D-EML)
2.3.1. Modélisation des modulateurs EAM
2.3.2. Intégration des modèles
2.3.3. Comment augmenter le chirp adiabatique des D-EML ?
2.4. Conclusion du chapitre
Bibliographie
Conclusion générale

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