L’internationale Gartenschau Hambourg 2013

A l’heure où la « nature en ville » s’est imposée comme un thème central des recherches et des politiques urbaines, tout en étant largement relayé par les médias, ce mémoire a pour objet l’une des manifestations anciennes et singulières de cette évolution : les Gartenschauen. Ces événements propres à l’Allemagne sont des expositions florales, horticoles et paysagères organisés régulièrement depuis près de 150 ans. Elles connaissent un large succès populaire depuis l’Après-guerre, attirant des dizaines de milliers de visiteurs (Höhn, 2008). Depuis une trentaine d’années, ces manifestations ont pris de l’ampleur et ont vu leurs échelles et leurs modalités se diversifier : BUGA (tous les deux ans), LAGA (Landesgartenschau, à l’échelle d’un Land) et IGA (Internationale Gartenausstellung, tous les dix ans), dont Hambourg a accueilli la dixième édition en 2013, sous le label d’IGS (Internationale Gartenschau). Les Gartenschauen tendent ainsi à désigner une grande diversité d’expériences d’aménagement urbain et paysager (Jaquand et al., 2011). Bien que méconnues en France, elles constituent des événements incontournables outre Rhin, profondément inscrits dans la culture allemande et son système fédéral, qui contribuent à la renommée et à l’attractivité des territoires. Le choix de ce sujet a donc été déterminé par un intérêt ancien pour l’Allemagne et sa culture, d’une part, pour les questions de paysage urbain et de nature en ville de l’autre.

Des manifestations florales d’un genre singulier 

Les Gartenschauen se déroulent généralement en trois étapes. Dans un premier temps, la Gartenschau est un projet d’exposition florale, attribué tous les deux ans à une ville ou une région donnée, au terme d’un concours national organisé par une structure ad hoc. Elle implique un travail de coordination avec les collectivités publiques concernées par le projet, depuis son élaboration jusqu’à sa réalisation. Dans un deuxième temps, les Gartenschauen prennent la forme d’une exposition (Schau ou Ausstellung) florale et artistique, payante et temporaire, sur un site choisi par les acteurs locaux. La durée de l’exposition peut sensiblement varier en fonction des projets, de quelques semaines à quelques mois, généralement à la belle saison. Des évènements (concerts, spectacles, lectures), des installations (art contemporain notamment) et diverses animations de nature artistique ou culturelle (sensibilisation à la biodiversité du site) sont proposés au public pendant le temps de la manifestation. Enfin, après la phase d’exposition florale et culturelle, le site de la Gartenschau est transformé en espace vert pérenne ouvert au public. Les fleurs, plantes et autres installations sont retirées pour laisser l’espace ouvert, tandis que le site est réaménagé plus sobrement pour un accueil permanent du public.

Ainsi, les Gartenschauen occupent une place singulière dans le paysage des manifestations horticoles (Höhn, 2008). Si, par certains côtés, elles se rapprochent des expositions et foires horticoles paysagères organisées régulièrement en France (floralies et autres installations artistiques éphémères et annuelles réalisées dans les jardins : Murgale, 2009), en Suisse (Bucher, Jaquet, 2000), en Angleterre (foire horticole internationale de Londres : Young, 2010) et surtout aux Pays-Bas (foires horticoles et expositions florales), elles diffèrent de ces événements par leur échelle, leur temporalité et leur inscription territoriale. En effet, non seulement les BUGA prennent place dans des sites urbains, mais elles font l’objet, en amont, d’une véritable stratégie de valorisation, et en aval, d’un projet de réaménagement susceptible d’avoir des impacts spatiaux et sociaux.

Un sujet original pour analyser l’évolution des enjeux de la « nature en ville » 

De cette façon, les Gartenschauen constituent un sujet d’étude original pour analyser le renouveau des liens entre jardins, aménagement et société. Les recherches portant sur ces interactions sont de plus en plus nombreuses, en France comme dans les pays anglo-saxons, mais n’ont pas jusqu’à présent souligné l’originalité de l’expérience allemande dans le domaine. Il s’agit de travaux pluridisciplinaires, à l’interface entre sciences humaines (sociologie, géographie, ethnologie), sciences « naturelles » (biologie, hydrologie, agronomie, etc.) et aménagement du territoire (urbanisme, paysagisme) . Dans tous les cas, ils participent à l’évolution du regard porté sur les jardins et le paysage en tant que constructions socioculturelles et politiques. De ce point de vue, les Gartenschauen offrent des perspectives de recherche originales et stimulantes, comme en témoigne la multiplicité des enjeux attachés au projet d’IGS à Hambourg.

Hambourg, un terrain singulier pour étudier le rôle et les effets des Gartenschauen 

Vieille cité hanséatique, Hambourg est aujourd’hui la deuxième ville d’Allemagne après Berlin avec une population estimée en 2012 à 1,7 million d’habitants (dans les limites communales) et 3,5 millions dans l’aire urbaine. Située à près de 100 km de la mer, Hambourg est le premier port d’Allemagne (et le troisième d’Europe), ce qui en fait une ville stratégique pour l’ensemble du pays et son insertion dans la mondialisation (La Documentation française, 2014). Elle dispose d’une économie dynamique et diversifiée (Weinachter, 2007), qui la place dans le haut de la hiérarchie des métropoles européennes. Comme Berlin et Brême, Hambourg est une ville-Etat (Stadtstaat) qui dispose d’une large autonomie.

Le choix d’Hambourg s’explique par la conjonction de deux facteurs principaux. D’une part, il existe un fort ancrage politique et socioculturel des manifestations florales et horticoles dans la ville. En effet, la métropole hanséatique a accueilli les trois premières IGA (Internationale Garten Ausstellung) d’Après-guerre, en 1953, 1963 et 1973, avant d’organiser l’IGS quarante ans plus tard. Alors que les trois IGA ont eu lieu sur un espace central, à l’interface entre le cœur historique de la ville (Neustadt) et l’ancien faubourg portuaire de Sankt-Pauli, l’IGS s’est déroulée à Wilhelmsburg. Ce faubourg industriel et ouvrier, lieu d’implantation privilégié des populations issues de l’immigration depuis quarante ans, a longtemps connu des difficultés socio-économiques et souffre encore d’une réputation dépréciée.

D’autre part, depuis une vingtaine d’années, la ville a montré un réel dynamisme en matière d’aménagement urbain (Traits urbains, 2010). Elle est aujourd’hui engagée dans une ambitieuse stratégie de renouvellement urbain, articulée à des objectifs à différentes échelles : reconversion des espaces portuaires en déclin ou abandonnés; désenclavement des quartiers situés au sud de l’Elbe (Sprung über die Elbe ou «Saut par-dessus l’Elbe ») ; diversification du tissu productif ; renforcement de l’attractivité de la ville à l’échelle internationale. Si le projet HafenCity en est à la fois la vitrine et le symbole, cette stratégie s’incarne dans de nombreux autres projets, à l’instar de l’IBA de Wilhelmsbourg (Kellner, 2011).

Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Les Gartenschauen, un objet de recherche à la fois singulier et emblématique de l’évolution des enjeux de la nature en ville
I. La Gartenschau, un projet de nature en ville spécifique à l’Allemagne
II. Les Gartenschauen et l’ancrage pluridisciplinaire du concept de nature en ville : nouveaux référentiels, nouveaux enjeux
III. Les hypothèses et le protocole méthodologique de la recherche
Chapitre 2. L’IGS Hambourg 2013, entre héritages, innovations et contestations
I. L’IGS Hambourg 2013, une Gartenschau d’un nouveau genre ?
II. L’Inselpark : entre attentes déçues et appropriations progressives du nouveau cœur vert de Wilhelmsburg Mitte
CHAPITRE 3 : DE L’INSELPARK A LA METROPOLE : DES OUTILS AU SERVICE DES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT DE LA VILLE-LAND ?
I. Le quartier de Wilhelmsburg, cible désormais prioritaire des politiques de développement local
II. A l’échelle de la ville-Land : entre attractivité, rééquilibrage territorial et requalification des périphéries
III. A l’échelle de la métropole : à la recherche de nouvelles continuités écologiques
Conclusion 

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