MORPHOSYNTAXE DE L’ADVERBE EN FRANÇAIS MODERNE

MORPHOSYNTAXE DE L’ADVERBE EN FRANÇAIS MODERNE

LA NOTION D’ADVERBE

ESSAIS DE DEFINITION DE L’ADVERBE 

Etymologiquement, le mot adverbe vient du latin « adverbum », de ad « auprès » et verbum « verbe ». La catégorie des adverbes d’après Le Trésor de la Langue Française « est connue dès l’antiquité, mais dès cette époque aussi, les grammairiens y faisaient entrer les mots les plus divers. Il s’est créé ainsi une classe hétérogène, difficile à définir7 ». Voilà déjà étalée d’une manière brève la complexité de la classe adverbiale. Les auteurs de la grammaire méthodique du français soutiennent la même idée à ces termes que « les adverbes forment une catégorie considérée résiduelle où l’on range traditionnellement les termes invariables qui ne sont ni des prépositions, ni des conjonctions, ni des interjections 8 ». De ce fait, comme l’ont montré Gardes Tamine et Pellizza, il est : « difficile de donner à l’adverbe une définition satisfaisante. La catégorie ressemble malheureusement à un fourre –tout 9 ». Beaucoup de linguistes ont tenté de donner des définitions de l’adverbe mais celles-ci sont souvent incomplètes ou insuffisantes. Et il est sûr que la seule définition positive que l’on peut donner est qu’il s’agit d’éléments invariables, ce qui ne suffit pas à les distinguer des prépositions et des conjonctions qui ont la même propriété. Les adverbes différent de ces deux espèces de mots « parce qu’ils peuvent assumer une fonction dans la phrase », d’après Wagner et Pinchon10 . Ainsi, ils assument dans la plupart des cas la fonction de complément circonstanciel. Et dans ce cas, ils expriment le temps, le lieu, la cause, la manière etc. C’est ainsi que Grevisse nous informe que : « (…) l’adverbe équivaut dans bien des cas à un complément circonstanciel qui précise la signification du mot auquel il est joint, en indiquant le temps, le lieu, la manière, la cause, l’opinion11… ». Exemple : « Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd’hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres » 7 Trésor de la Langue Française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle, Paris, CNRS, Tome premier, 1971, p.767 8 M. Riegel, J-C. Pellat, R. Rioul. Grammaire méthodique du français, Paris, Puf-Quadrige, 1994, p.646 9 J.Gardes- Tamines, M- A. Pellizza. La construction du texte. De la grammaire au style, Paris, Armand Colin, 1998, p.375 10 R. Wagner, J. Pinchon. Grammaire du français classique et moderne, Paris, Hachette, 1991, p.403 11 M. Grevisse. Le bon usage, Paris, duculot, 1980, p.2020 7 Balzac, Le Père Goriot, p.53 Dans cette phrase, nous constatons que l’adverbe « aujourd’hui » a une fonction de complément circonstanciel de temps. Et dans la phrase suivante l’adverbe « bien »joue le rôle d’un adjectif attribut. « Je serai bien sage, me disait-il, je ne vous fatiguerai pas de mon babil ; si vous voulez rêver ou réfléchir en travaillant, je ne ferai pas le moindre bruit » Georges Sand, Isidora, p.252 Un adverbe peut être formé à partir de plusieurs mots. On parlera alors de « locutions adverbiales12 ». C’est un groupe de mots étroitement unis entre eux qui fonctionnent exactement comme des adverbes simples. Exemples : « Mais Duroy, tout à coup perdant son aplomb, se sentit perclus de crainte, haletant. » Guy de Maupassant, Bel-Ami, p.39 Pour Grevisse « l’adverbe est un mot invariable que l’on joint à un verbe, à un adjectif, ou à un autre adverbe pour en modifier le sens 13 ». Nous retrouvons la même définition chez les auteurs du Dictionnaire de Linguistique : « l’adverbe est un mot invariable qui accompagne un verbe, un adjectif, ou un autre adverbe pour en modifier ou préciser le sens 14 ». Il faut néanmoins ajouter que l’adverbe peut modifier aussi une phrase entière. Dans la phrase suivante, la locution adverbiale de lieu « là-bas » modifie tout le reste de la phrase. Exemple : « Là- bas, je serais comme l’alcyon voguant en pleine mer » George Sand, Isidora, p.45 Enfin, nous voyons que l’adverbe moderne ne pose pas de problème uniquement dans son classement au sein des parties du discours, mais aussi dans sa définition. Les grammairiens modernes définissent l’adverbe différemment. Mais les différentes définitions soulignent la capacité de l’adverbe à modifier certains éléments de la langue (adjectif, verbe, adverbe etc.…) ou une phrase entière. 12 Grevisse, Maurice —–Goosse, André, le bon…… op, cit. p.1346 13 Grevisse, Maurice, le bon usage, Gembloux, Duculot, 1975, p.862 14 J. Dubois, M. Giacomo, L. Guespin, Dictionnaire de linguistique, paris, Larousse –Bordas/ Vuef, 2002, p. 19 8 Et la seule propriété de l’adverbe commune dans toutes ses définitions, c’est son invariabilité. Ainsi, dans le Grand Larousse de la Langue Française, on y retrouve la définition suivante : « on appelle adverbe en grammaire française une classe de mots qui présentent trois caractères : ils sont invariables, subordonnés et intransitifs15 ». Cependant, nous pouvons définir aussi l’adverbe à travers ces trois caractéristiques: l’invariabilité, la dépendance et l’intransivité. 

 Les adverbes sont invariables 

Sur le plan de la forme, l’invariabilité signifie que l’adverbe est un mot qui ne peut pas changer de forme. Il n’est pas susceptible de recevoir des marques de genre (masculin ou féminin), de nombre (singulier ou pluriel) et de personne (je, tu, nous etc. …). Sa forme reste stable dans tous les cas. Mais pour les auteurs de la grammaire d’aujourd’hui « ce critère commun à toute la classe, permet de reconnaître l’emploi adverbial d’une catégorie autre que l’adverbe 16». C’est le cas dans la phrase suivante, l’adjectif neutre « fort » est employé comme adverbe. « Je ne sais point les noms dont on les nomme. Je n’ai passé là-bas que des instants fort courts ». Victor Hugo, Ruy Blas, p.70 Mais nous voyons que ce critère possède quelque exception. L’adverbe peut varier parfois, comme c’est le cas de l’adverbe indéfini tout qui connait une modification formelle en fonction du genre et du nombre. Dans la grammaire méthodique du français, nous pouvons voir que l’adverbe tout « lorsqu’il marque l’intensité, s’accorde avec les adjectifs féminins à l’initial consonantique (ou h aspiré) qu’il modifie ». En plus, les auteurs de la grammaire du français classique et moderne, reprennent la même idée à ces termes : « cet adverbe prend la marque du féminin quand l’adjectif qui le suit commence par une consonne ». Exemple : « Cela est comique d’entendre les fureurs de cette pauvre marquise, et de la voir courir à un rendez-vous d’amour avec le cher tyran, toute baignée de larmes républicains » Alfred de Musset, Lorenzaccio, p.48 « Grand, bien fait, blond, d’un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, toués d’une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne , il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires » Guy de Maupassant, Bel –Ami, p.23 Donc nous pouvons noter que, malgré l’invariabilité des adverbes, tout ne l’est pas totalement. Il est invariable lorsque l’adjectif est au masculin (il est tout petit), et devant féminin commençant par une consonne ou un « h » articulé, il s’accorde en genre et en nombre au mot dont il modifie ou précise le sens. Et dans ce cas, il échappe au principe d’invariabilité absolu de l’adverbe. Mais cela ne nous permet pas d’isoler les adverbes d’une manière définitive des autres catégories majeures puisqu’ils partagent certains critères (invariabilité, dépendance etc.), avec les prépositions, les conjonctions et les interjections.

 Les adverbes sont dépendants 

La plupart des adverbes dépendent d’un autre élément de la phrase qu’ils modifient. C’est ainsi qu’ARRIVE et al nous informent que « la plupart des adverbes, à la différence des interjections et de mots aussi invariables mais susceptibles d’apparaitre comme bases de phrases (…), sont adjoints à un terme, qui peut être un verbe (…), une conjonction (…) , ou un groupe de mots (…), ou un proposition (…) 19». En vérité ils dépendent d’une autre classe grammaticale comme : – un verbe : « Frédéric pensait à la chambre qu’il occuperait là-bas, au plan d’un drame, des sujets de tableaux, à des passions futures ». 19 M. Arrivé, F. Gadet, M. Galmiche, op. Cit. , p.45 10 Flaubert, L’Education Sentimentale, p.4 Dans cette phrase, la locution adverbiale de lieu, là-bas modifie le verbe (occuper) dont il est postposé. Et dans ce cas, cet adverbe qui est un constituant essentiel du syntagme verbal ne peut être déplacé ni supprimé dans la phrase. – un adjectif : « Cette femme n’est pas une nature vulgaire, puisqu’elle vous a fait une impression si profonde ». Georges Sand, Isidora, p. 129 Ici, l’adverbe « si » se rapporte à l’adjectif « profonde » et il modifie la haute intensité de l’impression de la femme exprimée par l’adjectif profonde. Et l’ensemble adverbe-adjectif forme ce que DE BOER appelle « une construction à cohésion forte 20». Et dans ce cas l’adverbe se place normalement avant l’adjectif qu’il modifie comme le cas dans notre exemple. – un autre adverbe : « Quoique un peu rustaud, il était si bien tiré à quatre épingles, il prenait si richement son tabac … » Balzac, Le Père Goriot, p.69 Dans cette phrase, on voit que l’adverbe « si » modifie l’intensité de la manière de prendre son tabac exprimée par l’adverbe « richement ». – un groupe de mots ou une proposition Exemple : « Madame de Rénal paraissait une femme de trente ans, mais encore assez jolie ». Stendhal, Le Rouge et Le Noir, p.6 L’adverbe de temps « encore » modifie le groupe « assez jolie », dans cette phrase. Mais il existe des exceptions concernant ce critère de dépendance :  ce critère ne s’applique pas aux adverbes de phrase. Exemple : « Généralement, les pensionnaires externes ne s’abonnait qu’au diner, qui coutait trente francs par mois ». Balzac, Le Père Goriot, p.56 Ici, nous constatons que l’adverbe de phrase « généralement », ne dépend pas d’un autre élément de la phrase. Il a pour rôle de modifier toute la phrase. Et à la différence des « adverbes de verbes », il peut être déplacé et même supprimé sans changer le sens de la phrase. Dans ce cas, il se place le plus souvent en tête de la proposition. C’est ce qu’explique Nebil Radhouane : « l’adverbe de phrase, qui est une « insertion » extérieure à l’énoncé, se distingue par sa mobilité et sa facultative. L’adverbe de verbe est un constituant essentiel du syntagme verbal. Il n’est ni mobile ni « suppressible »

Table des matières

DEDICACES
REMERCIEMENTS
PRESENTATION DU CORPUS.INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : REMARQUES GENERALES SUR L’ADVERBE
CHAPITREI : LA NOTION D’ADVERBE
CHAPITRE II : LA CLASSIFICATION DES ADVERBES
DEUXIEME PARTIE : LA MORPHOLOGIE DES ADVERBES
CHAPITRE I : ORIGINES ET FORMES DES ADVERBES
CHAPITRE II : LES PARTICULARITES MORPHOLOGIQUES DES ADVERBES
TROISIEME PARTIE : LES CONSTRUCTIONS SYNTAXIQUES DES ADVERBES
CHAPITRE I : LES FONCTIONS DE L’ADVERBE
CHAPITRE II : LA PLACE DE L’ADVERBE
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIGRAGHIQUES
TABLE DES MATIERES

 

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