Nanomédicaments et immunothérapie : le combo gagnant en oncologie

Définition et intérêt des nanomédicaments

Les nanomédicaments sont des supports nanométriques (10-9 m) transportant un ou plusieurs principes actifs (PA) et font partie des stratégies innovantes largement étudiées en oncologie aujourd’hui. De manière générale, les nanotechnologies apportent la possibilité de nouvelles approches dans de nombreux champs d’applications tels que le diagnostic, la thérapie et le suivi des patients. Les médicaments issus de ces technologies sont des nanomédicaments et permettent de prendre en charge certains cancers de manière plus adaptée et plus précise .
Ainsi, leurs propriétés peuvent préserver les molécules d’intérêts, augmenter leur solubilité, optimiser leur spécificité contre la tumeur et encore bien d’autres avantages. Ainsi ces nanoparticules permettent une meilleure balance efficacité/toxicité en comparaison avec les anticancéreux conventionnels, car ils permettent d’interagir plus longtemps et de façon ciblée avec les tissus, les cellules, et même les molécules cibles .
En effet les molécules actives standards faisant leur apparition sur le marché rencontrent souvent de nombreuses problématiques relatives a :
Leurs propriétés physico-chimiques, Leur stabilité dans les milieux physiologiques, Leur pharmacocinétique, Leur toxicité dans les tissus sains.
Les nanomédicaments permettent ainsi la limitation de ces problématiques avec notamment la modulation voire le contrôle de la distribution de ces principes actifs et optimisant l’index thérapeutique. C’est pourquoi la nanomédecine a fait de grands progrès ces dernières années.

Les différents types de nanoparticules

Il existe de nombreuses nanoparticules différentes dans la conception de ces nanomédicaments parmi lesquelles on retrouve  :
Les liposomes : sont des nanoparticules à base de lipides qui ont la capacité de transporter une molécule active dans leur compartiment aqueux ou au sein de leur bicouche lipidique. Sur ces vésicules peuvent être greffés des agents de ciblage, tels que des anticorps ; on parlera d’immunoliposomes .
Les micelles : sont des nanosphères qui permettent d’encapsuler ou de fixer de manière covalente des médicaments hydrophobes de façon stable. Elles peuvent être composées de polymères ou de lipides qui constituent une sphère allant de 5 à 100 nm .
Les dendrimères : sont des constructions sphériques de polymères multi ramifiés sur lesquels peuvent se greffer des molécules actives et des agents de ciblage.
Les ADC (Antibody-Drug Conjugate) : sont un système qui permet de combiner un agent cytotoxique à un anticorps via un linker spécifique pour cibler les cellules tumorales et atténuer les toxicités. Nous retrouverons la description de ces ADC dans la partie Immunothérapie.
Les nanoparticules métalliques :sont des particules employées notamment en thérapie photothermique où l’hyperthermie générée sert à tuer les cellules cancéreuses .
Et les nanoparticules de type Nab-drug : sont des nanoparicules liées à l’albumine cette dernière faisant office de vecteur contre les tumeurs . Bien que d’autres voies soient en cours d’études , la voie d’administration actuellement la plus rapportée de ces nanoparticules est la voie systémique, par laquelle une fois dans l’organisme elles peuvent être reconnues comme des particules du non-soi, et donc être prises en charge par les cellules du système immunitaire (macrophages et opsonines pour être dégradées et éliminées dans le foie et la rate. Pour remédier à ce problème, les chercheurs procèdent à une modification de la surface des nanoparticules via la pegylation, ce qui permet de les rendre « furtives » vis-à-vis de nos défenses immunitaires .

Intérêt de ces nanoparticules

Outre les formes sous lesquelles ils se matérialisent, comme présenté ci-dessus, l’intérêt des nanomédicaments en oncologie peut adopter différentes stratégies :
Certains sont capables de leurrer le système immunitaire pour résider plus longtemps dans l’organisme afin de mieux traiter certaines pathologies ou d’optimiser le confort du patient en réduisant le nombre d’administrations du médicament.
D’autres sont des nanovecteurs ou drug-conjugates, ils peuvent être conjugués à des agents de ciblage comme des anticorps monoclonaux ou des protéines, et ainsi acheminer la substance active au site de libération cible sans induire de toxicité dans d’autres cellules. Ceci permet notamment la remise sur le marché de certains agents cytotoxiques ainsi que l’arrêt de certaines contres indications et donc une indication plus large d’agents anticancéreux.
D’autres encore permettent de limiter l’utilisation d’excipients à effets notoires réduisant les réactions d’hypersensibilité à l’administration.
Les nanomédicaments peuvent également activer le système immunitaire afin de restaurer une réponse de l’organisme contre une pathologie.
Ainsi, grâce à leurs nombreux intérêts, on retrouve une diversité de nanomédicaments déjà indiquée en cancérologie clinique.

Définition et intérêt de l’immunothérapie

Jusqu’à encore récemment, l’objectif principal des médicaments antitumoraux était encore d’interagir directement avec les cellules cancéreuses dans le but de bloquer leur division (poisons de fuseau, alkylants, antimétabolites) ou de limiter leur croissance en ciblant des voies de signalisations oncogéniques. Cependant, malgré l’efficacité des thérapies conventionnelles, un grand nombre de patients restent réfractaires à ces thérapies, développent des clones résistants au traitement ou de fortes toxicités . Une partie de l’immunothérapie ne cible pas directement les cellules néoplasiques mais agit principalement sur le système immunitaire du patient afin de le rendre apte à attaquer et éradiquer ces cellules. L’objectif de cette thérapie est de mobiliser les défenses de l’hôte pour lutter contre le cancer mais également que la réponse ou la rémission soit durable dans le but de limiter les récidives quasi systématiquement observées après des réponses initiales prometteuses .
Le précurseur de cette idée est Paul Erlich. En 1909, il évoque pour la première fois l’idée selon laquelle les cellules du système immunitaire sont capables de cibler et éliminer les cellules cancéreuses . L’évolution des connaissances en immunologie a permis de définir cette idée et d’en apporter la preuve avec de nombreuses spécialités. Ces dernières années, les avancées de la recherche en cancérologie ont permis d’étendre la vision initiale de la pathologie en incluant le rôle du microenvironnement tumoral et essentiellement des cellules immunes. La richesse lymphocytaire préexistante dans les tumeurs et particulièrement celle en lymphocytes T cytotoxique a été fortement corrélée à un pronostic favorable . L’immunothérapie en oncologie se partage en deux familles en fonction de leur capacité à (ré) activer le système immunitaire de l’hôte contre les cellules néoplasiques . De cette manière les anticorps monoclonaux, les Antibody Drug Conjugates (ADC) et le transfert de lymphocytes sont considérés comme des formes passives du fait de leur activité antinéoplasique intrinsèque. L’immunothérapie active, quant à elle, interagit avec le système immunitaire en le stimulant et en le modulant. C’est le cas des modulateurs de point de contrôle et des vaccins thérapeutiques.

Immunothérapie passive

Les anticorps et ADC

La capacité des anticorps monoclonaux à se lier de manière spécifique à un antigène cible et à neutraliser ou stimuler son activité est à la base de la croissance et du développement du domaine des anticorps thérapeutiques. Ces dernières années, le développement des techniques de conception des anticorps a permis la mise au point et la production d’anticorps modifiés plus sûrs et plus efficaces. Les anticorps bispécifiques et les conjugués anticorps-médicament sont représentatifs de cette nouvelle génération d’anticorps thérapeutiques .
Du fait de leur pharmacocinétique médiocre (fort poids moléculaire et log P non optimal), la plupart des anticorps monoclonaux ont intrinsèquement une faible activité antitumorale, et ce, même après leur liaison à l’antigène cible. Cependant, malgré la faible activité antitumorale des anticorps monoclonaux, leur spécificité pour l’antigène cible en fait des agents thérapeutiques très utiles contre le cancer. En effet, l’activité antitumorale est réalisée en conjuguant des anticorps avec différentes molécules effectrices qui induisent la mort cellulaire après liaison à leur cible et internalisation . Ainsi, certains anticorps monoclonaux font exception à cette règle et exercent une activité importante contre les tumeurs exprimant leur antigène cible, notamment ceux dirigés contre HER2, EGFR et CD20.
Par conséquent, les anticorps peuvent être utilisés seuls ou bien en tant qu’agent de ciblage lié à un cytotoxique ; on parle alors d’ADC . A ce jour, neuf conjugués anticorps-médicaments ont été approuvés par les autorités de santé dans le cadre du traitement contre le cancer , et plus d’une centaine sont actuellement encore à l’essai .
Les premiers conjugués anticorps-médicament étaient des anticorps monoclonaux de souris conjugués de manière covalente à des médicaments anticancéreux tels que la doxorubicine, la vinblastine et le méthotrexate. Ces ADC ont eu peu de succès en clinique en raison de leur immunogénicité, de leur faible puissance, de leur sélection de cible non optimale et d’une sélectivité insuffisante pour la tumeur par rapport au tissu sain . Pour pallier à ces inconvénients, le développement d’anticorps humanisés ou entièrement humains a permis de diminuer l’immunogénicité, d’améliorer la puissance des médicaments de 100 à 1 000 fois plus, d’obtenir une sélection rigoureuse des cibles et d’augmenter la sélectivité et l’efficacité d’internalisation .

Le transfert adoptif de cellules

Le transfert adoptif de cellules consiste à stimuler le système immunitaire du patient en administrant au patient ses propres cellules préalablement sélectionnées et/ou modifiées en laboratoire. Ainsi le transfert adoptif de lymphocytes T infiltrants (tumour-infiltrating lymphocytes), consiste à prélever des lymphocytes T d’un patient à partir d’échantillons de sa tumeur, à sélectionner les plus efficaces en vue d’une expansion en laboratoire et à les lui réinjecter à des fins anti-tumorales .
Une autre approche consiste à modifier génétiquement les cellules immunitaires. Il s’agit des CAR-T cells. Les CAR-T cells sont des lymphocytes T génétiquement modifiés afin qu’ils expriment à leur surface un anticorps chimérique capable de reconnaitre un antigène tumoral donné. Dans un premier temps, les lymphocytes T sont donc prélevés dans le sang du patient. Ils sont ensuite modifiés in vitro par transfert de gène afin d’induire l’expression du récepteur d’antigène chimérique CAR à leur surface, puis sont réinjectés au patient. Les lymphocytes T modifiés seront alors capables de reconnaître spécifiquement leur antigène cible à travers le domaine de liaison scFv (single-chain variable fragment) ce qui entrainera leur activation et donc la stimulation de la réaction immunitaire anti tumorale .
Le transfert adoptif de lymphocytes T génétiquement modifiés est un domaine d’évolution très rapide qui a déjà montré des résultats impressionnants dans le traitement des tumeurs hématologiques. Cette efficacité s’accompagne d’une toxicité qui doit être mieux contrôlée. De plus la prise en charge des patients est rendue très complexe, à la fois pour des raisons médicales, parce que les toxicités associées à ces traitements sont importantes, et pour des raisons techniques, parce que la préparation de lymphocytes T pour un usage thérapeutique rend nécessaire la mise à disposition de structures dédiées .

Table des matières

I. Introduction
II. Les nanomédicaments en oncologie
1. Définition et intérêt des nanomédicaments
1.1. Définition
1.2. Les différents types de nanoparticules
1.3. Intérêt de ces nanoparticules
2. Applications cliniques actuelles
2.1. Myocet® et Caelyxs®
2.2. Abraxane®
2.3. Vyxeos®
2.4. Onyvide®
III. L’immunothérapie en oncologie 
1. Définition et intérêt de l’immunothérapie 
2. Immunothérapie passive
2.1. Les anticorps et ADC
2.2. Le transfert adoptif de cellules
3. Immunothérapie active 
3.1. Les modulateurs de points de contrôle immunologique
3.2. Les vaccins thérapeutiques
4. Applications cliniques actuelles
4.1. Immunothérapie passive
4.2. Immunothérapie active
IV. Nanomédicaments et immunothérapie : le combo gagnant en oncologie
1. Ce que les nanomédicaments apportent à l’immunothérapie 
1.1. Cibler les cellules cancéreuses
1.2. Cibler le microenvironnement tumoral
1.3. Cibler le système immunitaire périphérique
2. Ce que l’immunothérapie apporte aux nanomédicaments 
2.1. Optimisation du ciblage passif
2.2. Ciblage actif
3. Applications et essais cliniques actuels
V. Discussion et perspectives 
Bibliographie

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