Nouvelle génération de nano-capteurs de gaz à base de nanofils semi-conducteurs

Principales caractéristiques des capteurs de gaz

La mesure de grandeurs physiques est une discipline à part entière avec son propre vocabulaire. Les grandeurs quantifiées sont variées et s’appliquent à diverses applications comme la mesure de
température, de pression ou de concentration en gaz/particules. Par la suite nous allons aborder les caractéristiques des capteurs de gaz. Leurs performances s’évaluent en termes de sensibilité, sélectivité, stabilité, réversibilité, seuil de détection, temps de réponse et recouvrement, durée de vie et reproductibilité. Les trois premières sont les plus importantes et sont appelées les 3 «S». Stabilité : La stabilité se détermine par la capacité d’un capteur à conserver une ligne de base constante au cours du temps pour un environnement de référence. Pour qu’un capteur soit qualifié de stable, la mesure de la réponse pour une atmosphère fixée, ne doit pas dépendre du moment où la mesure a été prise.
En cas d’absence de stabilité, la notion de dérive du capteur est employée. Plusieurs dérives existent, certaines liées à la variation de la réponse sous un flux de gaz fixé (appelée « dérive de l’offset »), d’autres couplées à la dérive de la sensibilité pour un gaz donné et enfin celles dues au capteur lui-même (défaut de réversibilité) ou à son environnement.
Seuil de détection : Le seuil de détection est la concentration limite en dessous de laquelle le capteur ne va pas répondre à une stimulation. En dessous de cette valeur, le bruit engendré par le capteur devient non négligeable par rapport au signal généré par le capteur.
Durée de vie : La durée de vie est la période pendant laquelle les caractéristiques du capteur permettent son utilisation avec un degré de précision suffisant. Généralement la limite d’utilisation est fixée par l’instant où le signal de mesure devient insuffisant par rapport au bruit pour un seuil de concentration donné.

Les principales technologies utilisées pour la détection de gaz

Dans le monde des capteurs, plusieurs technologies sont utilisées et commercialisées, en fonction des applications et des spécificités. Les plus répandues dans l’industrie sont les capteurs catalytiques (pellistors), les capteurs à semi-conducteurs, les dispositifs infrarouges et les capteurs électro-chimiques. Cependant il faut faire la distinction entre la technologie et le mode de transduction. En effet, les technologies se différencient les unes des autres en fonction des différentes méthodes de mesure, du choix des matériaux sensibles, du conditionnement de l’échantillon (filtration, pré-concentration) et des conditions de mesures (température). Les modes de transduction les plus exploités sont basés sur des principes physiques comme la modification des caractéristiques électriques (charges, impédance, permittivité), la masse (spectrométrie de masse), des mesures optiques comme l’indice de réfraction et d’absorbance (spectrophotométrie d’adsorption ultraviolet et infrarouge). Aucune des technologies ne répond totalement aux critères requis pour la détection de risque toxique ou environnemental, à savoir un seuil de détection faible tout en étant facilement intégrable dans des systèmes embarqués. Chaque technologie possède ses avantages et ses inconvénients, mais aucune ne permet de débloquer tous les verrous. Dans la plus part des cas la sélectivité, la stabilité et la consommation énergétique sont les points critiques. L’approche la plus performante du point de vue de la détection de gaz est l’absorption infrarouge, cependant ce système n’est absolument pas compatible avec une intégration dans des systèmes embarqués très miniaturisés.

Les nano-objets et nanotechnologie

Depuis le début du nouveau millénaire, les nanotechnologies ont offert de nouvelles opportunités dans les domaines de la recherche et pour les industries de haute technologie. Cela consiste à réaliser des objets à l’échelle atomique, c’est-à-dire de l’ordre du milliardième de mètre, dotés de propriétés particulières. Pour illustration, cela revient à entasser des milliards de composants dans une surface similaire à celle du point à la fin de la phrase.
Contexte : Les nanotechnologies regroupent l’ensemble des techniques de fabrication et caractérisation, les instruments et les applications exploitant les propriétés de la matière et les différents phénomènes qui se produisent à l’échelle nanométrique.
Un nanomatériau est un matériau possédant des propriétés particulières de par sa taille et/ou structure. Selon le type de matériau, les nano-objets peuvent avoir des formes très variées : plus ou moins sphériques (nanoparticules), plus ou moins plates (feuillets) ou avec un rapport de forme plus ou moins élevé (nanotubes, nanofils) En plus de leurs caractéristiques structurelles, les nanomatériaux se distinguent par leur nature chimique et leurs propriétés. A cette échelle la matière possède des propriétés mécaniques, électriques, optiques, catalytiques particulières qui sont modifiées par rapport à celles de matériaux de même composition chimique mais constitués de particules de plus grandes tailles. Selon la norme ISO TS 80004-1, un nanomatériau est un matériau dont au moins une dimension externe est à l’échelle nanométrique, c’est à dire comprise approximativement entre 1 et 100 nm ou qui possède une structure interne ou de surface à l’échelle nanométrique. Il existe deux grandes familles de nanomatériaux:
les nano-objets qui sont des matériaux dont une, deux ou trois des dimensions externes se situent à l’échelle nanométrique donc comprises entre 1 et 100 nm (ex : nanoparticule, nanofil, nanotube, nano-feuillet,…)
les matériaux nanostructurés qui possèdent une structure interne ou de surface à l’échelle nanométrique (ex : matériaux nanoporeux, agrégats/agglomérats de nano-objets, …).
Les nanofils : Les nanofils sont des structures unidimensionnelles dont le diamètre est mille fois plus petit que celui des cheveux. Comme souvent, la découverte des nanofils a été accidentelle : en 1964 Wagner réussit la croissance, par dépôt chimique en phase vapeur à l’aide d’agrégats d’or, de « whiskers » (« poils » en français) de silicium de taille micrométrique. Les nanofils représentent des systèmes uniques pour explorer les phénomènes physiques à l’échelle nanométrique. En effet, ils montrent des propriétés remarquables en termes de relaxation, de transport et de confinement électronique et optique. Les nanofils sont des « objets » intéressants pour différentes applications dans plusieurs domaines comme la microélectronique, l’optoélectronique, la spintronique ou les capteurs.

La fabrication des nanofils

Deux grandes approches existent pour la fabrication de nanostructures, présentant chacune des avantages et des inconvénients : l’approche top-down (descendante) et l’approche bottom-up (montante).
Top-down : Cette approche consiste à structurer un objet par gravure sélective d’une couche massique. Cette méthode est privilégiée dans l’industrie de la microélectronique, pour la fabrication de dispositifs fonctionnels. Les nanostructures sont réalisées par combinaison de lithographies, gravures et de dépôts de matériaux. La première étape consiste à dessiner des motifs puis de réduire leurs dimensions latérales. Les lithographies optiques, à base de rayons X, électroniques et ioniques sont les techniques les plus utilisées. Un avantage clé de cette approche est la maitrise de la localisation des motifs, de sorte qu’aucune étape d’assemblage n’est nécessaire pour les adresser. Le deuxième avantage est qu’il est plus facile d’obtenir des structures bien ordonnées, avec une grande homogénéité dans les
dimensions des nanofils. Le défi pour toutes les techniques descendantes est qu’avec une miniaturisation de plus en plus poussée, il devient de plus en plus difficile d’implémenter des motifs avec des dimensions nanométriques. Par ailleurs cette approche requiert des techniques de micro/nano-fabrication planaires pour la mise en forme d’une succession de couches et donc limite la fabrication d’objets 3D. De plus, la gravure dégrade la qualité de la morphologie des matériaux initiaux, notamment la rugosité de surface. Bien que les techniques lithographiques soient commercialement viables et largement utilisées dans l’industrie, ces approches descendantes souffrent des coûts élevés de l’équipement, en particulier lors de la fabrication de structures à haute résolution.
Bottom-up : L’approche ascendante est la voie empruntée par la nature et notamment les systèmes biologiques. Elle tire profit de l’auto-organisation des atomes et des molécules pour former des structures. Il existe de nombreuses méthodes permettant de créer des nanostructures par voies ascendantes, comme la croissance Vapeur-Liquide-Solide (VLS), le dépôt en phase vapeur (CVD), l’épitaxie par jets moléculaires, le procédé sol-gel, la pulvérisation par plasma ou flamme, la pyrolyse laser, l’auto-assemblage moléculaire, l’ablation laser pulsé… Les dimensions des nanofils obtenues par cette approche peuvent aller de l’angström à plusieurs centaines de nanomètres. L’intérêt de cette méthode est l’obtention de nanostructures présentant d’excellentes interfaces et une haute qualité cristalline . De plus, la croissance des nanofils peut se réaliser sur presque toutes les surfaces, y compris celles qui présentent un fort désaccord de maille.
Un autre avantage étant que l’approche bottom-up est basée sur la croissance séquentielle. Cela permet dans certains procédés comme la croissance VLS de moduler la composition du nanofil en changeant le réactif pendant le processus de synthèse, pour obtenir des hétérostructures comme par exemple des structures de type cœur-coquille ou des nanofils 3D .

Capteurs à base de nanofils : configurations et fonctionnements

Il existe six types principaux de capteurs où les nanofils peuvent être intégrés : résistor, transistor, optique, ionisation de molécules, acoustique et microbalance. Pour chaque cas, le fonctionnement est différent, et peut dépendre de la variation de certains paramètres comme la conductance, la concentration en ions, la masse, la fréquence de résonance ou les propriétés optiques. Détection optique : Récemment les capteurs de gaz optiques à base de nanostructures unidimensionnelles, comme les nanofils ou nanofibres ont attiré une attention considérable. Cette nouvelle technologie de détection présente de nombreux avantages par rapport aux capteurs planaires, comme une meilleure sensibilité et une réponse plus rapide, tout en conservant une immunité aux interférences électromagnétiques et un fonctionnement en toute sécurité dans une atmosphère explosive ou comburante et la possibilité de les contrôler à distance par des fibres optiques.
La plupart des capteurs de gaz optiques sont basés sur la détection de surface . Quand une onde lumineuse est guidée le long d’un nanofil, la sortie de lumière aux extrémités est fortement et instantanément dépendante des produits chimiques entourant le nanofil. Le dispositif optique est chimiquement modifié pour avoir des récepteurs ou des sites de liaisons sur la surface du nanofil qui peuvent se lier sélectivement avec l’analyte cible. Cette approche est utilisée par exemple pour la détection d’hydrogène . Pour cela des nanofibres optiques sont recouvertes d’une couche ultra-mince de palladium. Les propriétés optiques de la couche de palladium changent lorsque celle-ci est exposée à l’hydrogène. La plage de détection est de 0,05-5% avec des temps d’environ 10 s qui permettent la détection rapide de l’hydrogène à faible concentration. Des chercheurs de l’Université de Zhejiang en Chine ont utilisé des nanofils de polymères comme capteurs de gaz optiques pour détecter l’humidité, le NO2 et le NH3 . Un nanofil unique est déposé sur un substrat de fluorure de magnésium (MgF2), scellé dans une chambre de verre et relié optiquement à la fibre qui se rétrécit à ses deux extrémités pour le couplage de la lumière. Le principe de fonctionnement est basé sur la diffusion des molécules de gaz dans les nanofils polymères qui modifient leur propriété d’absorption optique. En mesurant les changements d’absorption, il est possible de remonter jusqu’aux variations dans la composition du gaz à un niveau en dessous de la particule par million.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE 
CHAPITRE 1 – CAPTEURS DE GAZ : DEFINITIONS, CONTEXTE ET ENJEUX 
1.1 LES CAPTEURS DE GAZ 
1.1.1 Qu’est-ce qu’un capteur ?
1.1.2 Principales caractéristiques des capteurs de gaz
1.1.3 Les principales technologies utilisées pour la détection de gaz
1.2 LES NANO-OBJETS ET NANOTECHNOLOGIE
1.2.1 Contexte
1.2.2 Les nanofils
1.2.3 La fabrication des nanofils
1.3 ETAT DE L’ART SUR LES CAPTEURS A BASE DE NANOFILS
1.3.1 Capteurs à base de nanofils : configurations et fonctionnements
1.3.2 Les mécanismes de conduction électrique
1.3.3 Dispositifs notables
1.4 ARCHITECTURE 3D A BASE DE NANOFILS
1.4.1 Avantages de l’architecture verticale ?
1.4.2 Enjeux technologiques
1.4.3 Objectifs
CONCLUSION
CHAPITRE 2 – FABRICATION DES CAPTEURS 3D A NANOFILS
2.1 REALISATION DES RESEAUX DE NANOFILS VERTICAUX 
2.1.1 Masque de gravure
2.1.2 Gravure des nanofils
2.1.3 Réduction du diamètre des nanofils par oxydation sacrificielle
2.2 REALISATION DE L’ARCHITECTURE 3D SUR RESEAUX DE NANOFILS
2.2.1 Contact inférieur
2.2.2 Contact supérieur – structure du pont à air
2.2.3 Réalisation de contacts à faible hauteur de barrière Schottky
2.2.4 Assemblage
CONCLUSION
CHAPITRE 3 – CARACTERISATION ELECTRIQUE, MORPHOLOGIQUE ET SOUS GAZ DU DISPOSITIF 3D A NANOFILS
3.1 CARACTERISTIQUES ELECTRIQUES DU DISPOSITIF 3D A NANOFILS 
3.1.1 Résistance de contact
3.1.2 Caractéristiques courant-tension du dispositif 3D à nanofils : courbes I(V)
3.1.3 Spectroscopie d’impédance
3.2 CARACTERISATION SOUS GAZ
3.2.1 Présentation du banc de test
3.2.2 Protocole de test sous gaz
3.2.3 Utilisation de dispositifs 3D à nanofils pour la détection de gaz
CONCLUSION
CHAPITRE 4 – MECANISMES DE FONCTIONNEMENT DU CAPTEUR 3D A NANOFILS 
4.1 MECANISMES – ETAT DE L’ART 
4.1.1 Dioxyde d’azote
4.1.2 Ammoniaque
4.1.3 Humidité
4.2 FONCTIONNEMENT DES CAPTEURS 3D A NANOFILS 
4.2.1 Mécanismes au niveau des nanofils de silicium
4.2.2 Mécanismes au niveau des contacts Schottky
4.2.3 Influence de l’humidité
4.2.4 Influence du courant d’alimentation sur la réponse du capteur
4.2.5 Dissymétrie des contacts
4.2.6 Evolution de la fréquence de coupure du capteur 3D à nanofils
4.2.7 Intégration du capteur dans un système embarqué
CONCLUSION
CHAPITRE 5 – CONCLUSION ET PERSPECTIVES 
5.1 CONCLUSION
5.2 PERSPECTIVES
5.2.1 Décoration avec des nanoparticules
5.2.2 Structure cœur-coquille
5.2.3 Plateforme de caractérisation multi-capteurs : vers le nez électronique
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *