Poser les fondements d’une mise en œuvre opérationnelle du principe de précaution

Poser les fondements d’une mise en œuvre opérationnelle du principe de précaution

Sans revenir sur l’ensemble du dossier relatif au principe de précaution, il est important de positionner la réflexion de la commission par rapport à ce concept qui est largement passé dans le langage courant, avec des acceptions assez différentes, et qui est inscrit désormais dans la Constitution française. Le principe de précaution est devenu depuis les années 19902 une référence pour l’action publique dans le domaine de la protection de l’environnement, de la sécurité alimentaire et de la santé publique. Tous les textes et références véhiculent la même idée centrale : le principe de précaution est justifié par un contexte d’incertitude, le dommage potentiel doit être grave et/ou irréversible, la réponse doit être proportionnée à l’effet néfaste potentiel. Les divergences d’interprétation ne sont pas théoriques, elles renvoient aux conséquences que l’on tire de ce principe en matière de prise de décision et de gestion concrète des risques. De manière caricaturale, on trouve deux interprétations qui s’opposent : l’une dite raisonnable ou proportionnée, et l’autre radicale. La première approche considère que la décision doit se référer au calcul économique classique en mettant en balance le coût des mesures conservatoires et les bénéfices retirés de l’évitement des dommages potentiels. La seconde réclame l’abstention pure et simple dès lors qu’il existe des risques graves et que n’est pas prouvée l’innocuité des actions auxquelles on impute a priori ces risques. Dans ce dernier cas, on remet en cause radicalement l’innovation comme source de progrès social. La théorie économique n’a alors plus grand-chose à dire. Dans le premier cas, au contraire, l’évaluation économique et l’appréciation du risque, ainsi que la réévaluation périodique ou continue, deviennent le cœur de la démarche, mais la tâche est d’autant plus délicate que la recherche des probabilités d’occurrence du phénomène est une spéculation intellectuelle puisque les dommages potentiels restent insuffisamment connus et que l’information sur ces risques est elle-même controversée. Entre ces deux interprétations du principe de précaution, le bilan coûtsavantages d’une part et la nécessaire preuve de l’innocuité d’autre part, se trouve un large spectre d’attitudes possibles selon la quantité et la qualité des informations disponibles et selon le degré de confiance qu’on leur accorde. Les spécialistes s’entendent pour dire qu’il n’existe à l’heure actuelle que des tentatives de formalisation préliminaires et partielles de ces différentes attitudes. Les développements théoriques récents, souvent au croisement entre l’économie et la psychologie, introduisent pour ce faire la distinction entre aversion au risque et aversion à l’ambiguïté, permettant de fait une prise en compte explicite du principe de précaution dans les modèles du comportement humain. Introduire l’aversion à l’ambiguïté dans ces modèles est en effet une manière de formaliser l’idée que le décideur n’aime pas les situations dans lesquelles l’information disponible est pauvre. Lorsque l’incertitude n’est pas probabilisable, les individus tendent à se comporter comme si les événements devaient tourner à leur désavantage.

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