Caractérisation expérimentale du contact frottant disque garniture sous sollicitations sévères de freinage

Les véhicules ferroviaires roulants sont en général équipés de plusieurs systèmes de freinage, dont le frein à friction, qui agissent conjointement pour assurer l’arrêt ou le ralentissement des trains. En cas de défaillance, le frein à friction constitue l’organe de sécurité devant à lui seul être capable d’assurer l’intégralité du freinage. Il est alors sollicité en mode dégradé. Dans une telle situation, il doit être capable d’arrêter le train en respectant une distance d’arrêt, puis d’assurer la fonction freinage au moins jusque la fin du parcours. D’autre part, dans un contexte de croissance du trafic urbain et d’augmentation des performances, le frein à friction est sollicité de manière de plus en plus sévère sur un parcours type métro, avec la réduction des durées interstations et l’augmentation du nombre de voyageurs (trains duplex à deux niveaux). De telles situations de fonctionnement peuvent conduire à des sollicitations sévères des organes de frein qui engendrent des températures élevées au contact. Les matériaux de friction sont alors utilisés à leurs limites de dégradation et une modification des phénomènes physiques mis en jeu au contact peut entraîner un phénomène de ‘fade’. Le ‘fade’ est caractérisé par une chute du coefficient de frottement et une augmentation de l’usure engendrant des problèmes de sécurité et de coûts. L’objectif industriel de cette étude, améliorer les performances des systèmes de freinage, impose de mieux appréhender la durabilité des matériaux de frottement sous sollicitations sévères, ce qui passe par une meilleure compréhension des phénomènes physiques de frottement.

Les phénomènes physiques mis en jeu en freinage ont un caractère multiéchelle, des échelles macro du système et des composants jusqu’aux échelles micro voire nano du contact, et un caractère multiphysique, impliquant de nombreuses disciplines telles la tribologie, la science des matériaux, la thermique, la thermomécanique et la vibro-accoustique. La nature transitoire du freinage et les interactions entre les phénomènes physiques en complexifient l’étude. De nombreuses études ont été menées ces dernières années au Laboratoire de Mécanique de Lille qui s’est doté en 1998 d’un tribomètre de freinage capable de reproduire à l’échelle réduite les conditions de freinage rencontrées en service. Au sein du laboratoire, l’équipe Mécanique et Matériaux à l’Ecole Centrale de Lille s’est plus particulièrement impliqués dans l’étude tribologique du contact et le comportement des matériaux de friction. Les études déjà réalisées ont permis par une approche expérimentale la caractérisation du comportement de différents couples de matériaux utilisés en freinage ferroviaire et l’identification des mécanismes physiques de frottement associés. Ces études ont mis en évidence la présence d’un troisième corps évoluant dans le contact suivant un circuit tribologique caractérisé par la présence de plaques planes qui assurent la portance et contribuent à l’accommodation de vitesse, formées par compactage et cisaillement de lits de poudres circulant dans le contact et qui constituent l’essentiel des débits de troisième corps.

L’objectif scientifique de cette étude est ainsi l’extension de la compréhension des mécanismes physiques mis en jeu au contact aux cas de sollicitations sévères, en prenant en compte la nature transitoire du freinage, les phénomènes de localisation et les interactions entre tribologie, thermique et physico-chimie, en s’intéressant en particulier aux trois points suivants :
– caractérisation à l’échelle macro des phénomènes de localisation thermique et identification de leur influence sur le coefficient de frottement,
– corrélation à l’échelle locale de ces phénomènes aux mécanismes physiques de frottement,
– identification des conséquences de la dégradation du matériau composite organique avec la température sur le coefficient de frottement et les mécanismes physiques de frottement.

La stratégie adoptée a consisté à décomposer autant que possible les phénomènes, en complétant les essais de freinage par eux-mêmes par des essais de frottement sur un tribomètre couplé à un spectromètre, eux-mêmes complétés par une étude de la dégradation physicochimique avec la température du matériau composite organique.

D’un point de vue industriel, cette étude est orientée sur le freinage mécanique à friction et plus particulièrement sur le comportement d’un couple de matériaux lorsque celui-ci est soumis à des sollicitations sévères de contact disque-garniture. Ce travail doit permettre la compréhension de phénomènes apparaissant aux températures élevées qui sont la conséquence des sollicitations sévères : une baisse du coefficient de frottement et une augmentation de l’usure. Dans cette première partie, nous verrons quelle application a été choisie en partenariat avec Alstom Transport pour cette étude, comment sont définies les sollicitations sévères pour cette application et, enfin, sur quel couple de matériaux utilisé en service va porter notre travail.

L’application choisie dans cette étude est une automotrice utilisée sur le réseau SNCF des Trains Express Régionaux : le Z-TER ou Z21500 .

Une soixantaine de rames sont en service en France depuis mai 2002. Chaque rame se compose de deux motrices et d’une remorque. En ce qui concerne les systèmes de freinage, les motrices et la remorque possèdent des freins mécaniques à friction alors que seules les motrices sont équipées de freins dynamiques électrodynamiques rhéostatiques et à récupération. En cas de défaillance des freins dynamiques, le frein mécanique à friction doit être capable d’assurer à lui seul le freinage et permettre l’arrêt de la rame. Sur les 2 bogies des motrices, composés d’un essieu moteur et d’un essieu porteur, les freins à friction sont constitués de garnitures en matériau composite frottant sur 2 disques en acier ventilés pour les essieux moteur et sur 3 disques en fonte ventilés pour les essieux porteur. Sur les 2 bogies de la remorque, composés de 2 essieux porteur, chaque essieu porteur est équipé de garnitures en matériau composite frottant sur 3 disques en fonte ventilés.

Pour le Z-TER, les sollicitations sévères correspondent à des conditions d’exploitation dégradées qui sont définies d’une part par le fait que le frein mécanique à friction doit assurer seul le freinage, et d’autre part, par une masse à freiner doublée. Ces conditions dégradées conduisent à des niveaux de température élevés au contact disque-garniture. Deux types de freinage rencontrés en service sont étudiés en conditions dégradées : un freinage d’arrêt d’urgence et une succession de freinages rapprochés.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I. CONTEXTE DE L’ETUDE ET METHODOLOGIE MISE EN ŒUVRE
I.1. Contexte industriel
I.2. Contexte scientifique
I.3. Méthodologie
I.4. Conclusion
CHAPITRE II. INFLUENCE DE LA DEGRADATION DU COMPOSITE ORGANIQUE SUR SON COMPORTEMENT EN ROTTEMENT
II.1. Dégradation en température du composite à matrice organique
II.2. Comportement en frottement du matériau au cours de sa dégradation
II.3. Comportement en frottement du matériau dégradé
II.3. Conclusions
CHAPITRE III. ETUDE DU CONTACT DISQUE GARNITURE SOUS SOLLICITATIONS SEVERES DE FREINAGE
III.1. Influence sur le contact d’une sollicitation sévère de type freinage d’arrêt isolé
III.2. Influence sur le contact d’une sollicitation sévère de type succession de freinages avec cumul
CHAPITRE IV. ANALYSE DES MECANISMES DE FROTTEMENT EN FREINAGE D’ARRET ISOLE A HAUTE ENERGIE
IV.1. Freinages interrompus : méthodologie pour l’analyse des mécanismes de frottement
IV.2. Formation et migration de la bande chaude
IV.3. Formation et expansion des points chauds
IV.4. Discussion et conclusions
CONCLUSION GENERALE

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