Positionnement du doctorant au sein de l’organisation partenaire de la recherche

Positionnement du doctorant au sein de l’organisation partenaire de la recherche

La plupart des recherche-interventions menées par le CGS sont nées d’une demande de l’organisation partenaire (Kletz, 2018; Moisdon, 2015). Le cas du partenariat de recherche entre le CGS et l’ANAP a été, de ce point de vue, original, puisque c’est un salarié de l’agence, désirant suivre le programme doctoral du CGS, qui a été à l’initiative de ce partenariat. Contrairement aux interventions conduites par le CGS dans d’autres organisations, celle qui s’est déroulée à l’ANAP ne partait donc pas d’un besoin exprimé par des cadres dirigeants de l’organisation, mais d’une proposition faite par un salarié de cette organisation à son employeur et au CGS. Pour autant, lorsque cette proposition a été formulée à l’automne 2014, il n’en existait pas moins un « sentiment d’inconfort » (Hatchuel et Molet, 1986, p. 181) dans l’organisation partenaire de la recherche. Ce sentiment n’était pas lié à la perception de dysfonctionnements internes, mais aux difficultés que la direction de l’ANAP rencontrait parfois pour faire comprendre en externe la notion d’appui ou d’accompagnement, qui caractérisait l’activité spécifique de l’ANAP. Notamment, la direction de l’ANAP avait particulièrement ressenti cette difficulté à l’occasion d’une mission d’inspection qui avait examiné les actions conduites par l’ANAP dans le cadre d’un programme antérieur, celui des Projets performances. C’est pourquoi la convention de partenariat signée entre le CGS et l’ANAP le 30 octobre 2014 portait sur le rôle des agents externes tels que l’ANAP dans « l’accompagnement des transformations organisationnelles à l’hôpital ». L’objectif stratégique poursuivi par la direction générale de l’ANAP en acceptant cette convention était de pouvoir mettre en évidence, selon des procédés académiquement reconnus, l’importance d’accompagner les établissements de santé dans les changements organisationnels qu’ils connaissaient. Sur le plan opérationnel, la recherche devait permettre d’identifier différents types de situations de changement dans les hôpitaux ainsi que les modalités d’intervention de l’ANAP les plus adaptées pour chacun de ces types. 108 L’accompagnement du virage ambulatoire des établissements de santé n’était alors mentionné dans la convention de partenariat que comme l’un des terrains possibles de la recherche. En effet, à cette période, la participation précise de l’ANAP au Plan triennal demeurait encore à définir. Ce n’est qu’au premier semestre 2015, lorsque les modalités et le volume en jours-hommes de cette participation furent précisés, que la contribution de l’ANAP à l’axe « virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement » du Plan triennal apparut comme le terrain potentiellement le plus riche pour aborder la question de l’appui de l’ANAP aux transformations organisationnelles à l’hôpital. D’une part car cette contribution allait absorber la moitié des ressources financières et humaines de l’agence pour les trois années à venir. D’autre part car cette nouvelle mission confiée à l’ANAP représentait un accompagnement d’une ampleur inédite tant par le nombre d’établissements aidés, par le nombre de thématiques couvertes et par le nombre d’interactions de l’ANAP avec le niveau central et déconcentré de régulation sanitaire (ANAP, 2017). Le choix de ce terrain demandait de resituer la problématique de l’accompagnement par l’ANAP des transformations organisationnelles à l’hôpital dans celle de la régulation sanitaire, puisque l’ANAP y était dorénavant impliquée. C’est alors que le questionnement de recherche s’est centré sur les effets de l’intermédiation dans la régulation souple. Cette énonciation correspondait à une mise en théorie de la problématique de terrain vécue par l’organisation partenaire de la recherche (David, 2012b). Toutefois, comme nous l’avons déjà noté au paragraphe précédent, cette problématique n’était pas interne à cette organisation mais extérieure à elle, puisqu’il s’agissait de comprendre et de rendre compte des effets de l’action de cette organisation sur d’autres organisations – régulées et régulatrices. Ce qu’il s’agissait d’observer se produisait par conséquent majoritairement hors de l’organisation partenaire. Même l’observation du fonctionnement interne de l’ANAP n’avait d’intérêt pour ce questionnement de recherche que dans la mesure où elle pouvait révéler les conditions dans lesquelles avaient été conçues et mises en œuvre les actions conduites par l’ANAP auprès d’autres organisations. Ce caractère extraverti de l’observation constituait une seconde différence avec les recherchesinterventions menées antérieurement par le CGS, dans lesquelles le chercheur observait prioritairement l’organisation pour laquelle il travaillait (Moisdon, 2015). Néanmoins, l’objectif de cette observation était bien d’assister l’organisation partenaire dans un processus de prise de décision sur ses propres actions (Hatchuel et Molet, 1986), bien que celles-ci se fissent au profits d’autres qu’elle-même. 

Cartographie des matériaux et méthodes utilisés

Nous exposerons en détail dans les sections suivantes du présent chapitre comment nous avons abordé chacune de nos questions de recherche. Toutefois, ces questions étant liées entre elles, il importe de donner au préalable la vision globale de notre méthodologie. Le tableau 3.1 ci-après synthétise l’ensemble des méthodes employées au cours de notre rechercheintervention. En effet, nos trois questions de recherche n’appelaient pas nécessairement les mêmes sources, ni les mêmes modes de collecte et de traitement des données. Néanmoins, l’imbrication de ces questions impliquait que les résultats obtenus sur une question pouvaient également fournir des éléments de réponses aux autres questions. Notre première question (QR1), relative à l’explication de la transformation de la régulation hospitalière, demandait d’interroger tout d’abord les personnes qui avaient participé à la conception et au pilotage du Plan triennal, c’est-à-dire les acteurs participant à l’ensemble des instances mentionnées dans le tableau 2.2 présenté au chapitre précédent. Puisqu’il s’agissait d’une question ouverte, nous avons privilégié des entretiens semi-directifs ainsi qu’un mode inductif de codage, suivant la méthode de théorisation ancrée proposée par Gioia, Corley, et Hamilton (2013). Cette première série d’entretiens nous a aussi permis d’obtenir des informations pertinentes pour notre deuxième question de recherche, portant sur le fonctionnement du régime nouveau de régulation. Nous avons donc agrégé les données collectées spécifiquement pour la QR1 à celles recueillies pour la QR2 et poursuivi leur codage inductif en étendant notre arbre de codage afin de répondre à la QR2. Cette seconde série de données comprenait principalement des entretiens semi-directifs auprès d’équipes responsables de la mise en œuvre des feuilles de route opérationnelles dans trois établissements participant au mentorat, ainsi que des données concernant les régulateurs secondaires. En sus de compléter la structure générale des données qualitatives de notre étude, cette seconde série de données nous a amenés à modéliser le fonctionnement du régime de régulation, en utilisant des méthodes matricielles de codage (Miles et al., 2014). De la même manière, les entretiens conduits dans deux établissements pour illustrer les réponses trouvées à la question des effets sur les établissements régulés (QR3A) ont été intégrés dans la même structure générale de données qualitatives. À l’issue de ces trois vagues d’entretiens, c’est donc cette structure totale, progressivement colligée de 2015 à 2017, que nous avons employée pour rendre compte, sous forme de processus (Langley, 1999), des différentes étapes de la transformation de la régulation qui s’était déroulée sur cette période (QR1). 

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