Présentation des Alliages à Mémoire de Forme

Présentation des Alliages à Mémoire de Forme

Cette section a pour but de présenter rapidement les Alliages à Mémoire de Forme et en particulier leur comportement macroscopique sous chargement thermo-mécanique cyclique. Tout d’abord nous allons présenter l’origine des spécificités des Alliages à Mémoire de Forme : la transformation de phase solide-solide appelée transformation martensitique par analogie avec les aciers. Cette présentation est relativement succincte mais il est possible de trouver des explications plus détaillées dans les références suivantes : Guélin (1980); Guenin et Gobin (1980); Wayman (1992); Patoor et Berveiller (1994); Berveiller et Fischer (1997); Otsuka et Wayman (1999) et Otsuka et Ren (1999). Dans une seconde partie, nous présenterons un ensemble d’applications dont le principe de fonctionnement se base sur l’utilisation d’Alliages à Mémoire de Forme. La description de ces applications montrera qu’une grande majorité soumet un chargement cyclique à l’Alliage à Mémoire de Forme. Or c’est justement ce type de chargement qui entraîne la dégradation des propriétés des Alliages à Mémoire de Forme et parfois jusqu’à rupture. Enfin le comportement des Alliages à Mémoire de Forme sous chargement thermomécanique cyclique sera donc étudié plus en détail afin de présenter les points particuliers du comportement pour ce type de chargement. Des déductions sur les mécanismes physiques mis en jeux seront faites afin d’orienter les essais qui seront mis en place par la suite. 

Transformation martensitique dans les Alliages à Mémoire de Forme

 Les Alliages à Mémoire de Forme tirent leurs propriétés d’un changement de phase displacif, c’est à dire sans diffusion d’atomes et donc de changement de composition chimique. La transformation de phase consiste en un mouvement de l’interface entre les phases. Elle est donc indépendante du temps, uniquement limitée par la vitesse de propagation qui ne peut dépasser la vitesse du son dans l’alliage. Elle se traduit par une déformation homogène du réseau cristallographique et n’entraîne pas de variation de volume (dans le cas des Alliages à Mémoire de Forme). Ces propriétés permettent donc d’avoir une transformation de phase quasiment instantanée et généralement réversible. Étude et modélisation du comportement cyclique des Alliages à Mémoire de Forme 7 1. Comportement thermo-mécanique des Alliages à Mémoire de Forme Les phases cristallographiques des Alliages à Mémoire de Forme sont respectivement appelées par analogie avec les aciers : – martensite pour la phase à basse température, – austénite pour la phase à plus haute température. La transformation d’une phase de l’alliage à l’autre se fait sur une plage de température qui varie linéairement en fonction de la contrainte et qui dépend du sens de la transformation (austénite en martensite, ou martensite en austénite). Ces limites de transformation sont représentées sur le pseudo-diagramme d’état d’un Alliage à Mémoire de Forme, figure 1.1. Les températures caractéristiques (c’est-à-dire à contrainte nulle) de transformation sont notées : M0 s température de début de transformation directe (austénite en martensite), M0 f température de fin de transformation directe, A0 s température de début de transformation inverse (martensite en austénite), A0 f température de fin de transformation inverse. Température, T Contrainte, σ Martensite Austénite M→A M←A M s 0 Mf 0 A s 0 Af 0 Figure 1.1 – Pseudo-diagramme d’état simplifié d’un Alliage à Mémoire de Forme. L’interface commune entre les deux phases impose que la transformation soit liée à une déformation dite « à plan invariant ». Il en résulte que seules certaines déformations du réseau cristallographique sont acceptables. La martensite peut donc se présenter sous différentes formes appelées variantes. Lorsque la transformation directe se fait sous une contrainte suffisamment élevée, seules les variantes les mieux orientées vont apparaître entraînant alors une déformation macroscopique. La martensite créée est alors appelée martensite orientée (figure 1.2a). Par contre, sans contrainte, les différentes variantes de martensite vont apparaître de manière à s’accommoder entre elles et à ne pas introduire de déformation macroscopique. La martensite créée est appelée martensite thermique ou auto-accommodée (figure 1.2b). Lorsque la direction du chargement change, les variantes de martensite présentes dans le matériau vont se transformer en d’autres variantes mieux orientées. Ce phénomène est appelé la réorientation de la martensite. Le pseudo-diagramme prenant en compte la présence de la martensite auto-accommodée a été introduit par Bekker et Brinson (1997) (figure 1.3). On y observe les cinq transformations possibles (qui peuvent se faire simultanément) : 8 Étude et modélisation du comportement cyclique des Alliages à Mémoire de Forme 1.1. Présentation des Alliages à Mémoire de Forme – a – A effort refroidissement A M A effort – b – A refroidissement M1 M2 M1 M2 – la transformation directe d’austénite en martensite orientée lorsque la contrainte est suffisamment élevée (A → Mσ), – la transformation inverse de la martensite orientée en austénite (Mσ → A), – la transformation directe d’austénite en martensite auto-accommodée pour de faibles contraintes (A → Mth), – la transformation inverse de martensite auto-accommodée en austénite (Mth → A), – la transformation de la martensite auto-accommodée en martensite orientée (Mth → Mσ). On remarque que la transformation de la martensite orientée en martensite auto-accommodée n’est pas possible sans passer par l’état austénitique. Température, T Contrainte, σ Martensite orientée Martensite thermique Austénite M σ→A M σ←A Mth→A Mth←A Mth →Mσ Figure 1.3 – Pseudo-diagramme d’état prenant en compte les trois phases d’un Alliage à Mémoire de Forme (Bekker et Brinson (1997)). Il existe plusieurs types d’alliages qui présentent cette transformation de phase martensitique et donc ces propriétés. Ils font donc partie des Alliages à Mémoire de Forme mais présentent des comportements qui peuvent être relativement différents. Ils se répartissent principalement dans deux familles : Étude et modélisation du comportement cyclique des Alliages à Mémoire de Forme 9 Figure 1.2 – Schématisation des mécanismes de déformation lors de la transformation directe : a) sous contrainte, et b) en variantes auto-accommodées sans contrainte. 1. Comportement thermo-mécanique des Alliages à Mémoire de Forme – Les alliages de Ni-Ti se composent d’environ la moitié de nickel et l’autre moitié de titane, plus quelques additifs (du cuivre ou du niobium par exemple). Ceux-ci permettent entre autres de définir les températures caractéristiques de transformation sur une plage allant de −100 ℃ à 100 ℃. La déformation de transformation de ces alliages peut aller jusqu’à 10 % en moyenne. L’évolution des températures de transformation en fonction de la contrainte est d’environ 7 MPa par ℃. Les alliages de Ni-Ti présentent la grande majorité du temps, un comportement à plateau traduisant l’aspect instable de la transformation dans ces alliages (figure 1.4). Figure 1.4 – Courbe contrainte-déformation d’un Alliage à Mémoire de Forme en Ni-Ti soumis à un chargement mécanique (Tobushi et al. (1995)). – Les alliages à base de cuivre comportent une grande partie de cuivre, de l’aluminium et généralement un autre composant en faible quantité (zinc, nickel ou béryllium). Là aussi la composition exacte de l’alliage permet de faire varier les températures caractéristiques de transformation sur une plage allant de −200 ℃ à 150 ℃. Ces alliages ont une déformation de transformation maximale d’environ 6 % en moyenne. L’évolution des températures de transformation en fonction de la contrainte est d’environ 3 MPa par ℃. Ces alliages ne présentent pas de comportement à plateau comme pour les Ni-Ti et la taille de l’hystérésis est plus faible (figure 1.5). Figure 1.5 – Courbe contrainte-déformation d’un Alliage à Mémoire de Forme en Cu-Al-Be soumis à un chargement mécanique (Bouvet et al. (2004)). 10 Étude et modélisation du comportement cyclique des Alliages à Mémoire de Forme 1.1. Présentation des Alliages à Mémoire de Forme Bien qu’ils soient très différents dans leurs compositions, tous les Alliages à Mémoire de Forme présentent les mêmes types de comportement en fonction du trajet de chargement défini sur le schéma du pseudo-diagramme figure 1.6. Température, T Contrainte, σ M σ Mth A EA EMS EMD EMA ERC SE Figure 1.6 – Chargements thermo-mécaniques à l’origine des différentes propriétés des Alliages à Mémoire de Forme. 

Super-élasticité (SE)

 Le chargement de super-élasticité est noté « SE » sur la figure 1.6. Il consiste à se placer au dessus de la température de fin de transformation inverse, A0 f , lorsque l’alliage est entièrement austénitique. Si on le soumet à une contrainte, celle-ci va favoriser l’apparition des variantes de martensite les mieux orientées. Ces variantes entraînent alors une déformation due à la transformation. Lors de la décharge, la transformation inverse se produit et la déformation de transformation disparaît avec les variantes de martensite. Comme on peut le voir sur la figure 1.7 montrant le comportement d’un Alliage à Mémoire de Forme en Cu-Al-Be soumis à un chargement de traction uniaxial, à partir du point O et jusqu’au point A le comportement de l’alliage est l’élasticité de l’austénite. Entre le point A et le point B la transformation directe se produit et l’austénite se transforme progressivement en martensite orientée, entraînant une déformation de transformation en plus de la déformation élastique. Lors de la décharge, entre le point B et le point C la transformation inverse se produit et la martensite ainsi que la déformation de transformation disparaissent. Enfin jusqu’au point D le comportement est à nouveau l’élasticité de l’austénite. On observe le même comportement pour un Alliage à Mémoire de Forme en Ni-Ti sur la figure 1.8, même si la forme des courbes est différente. À partir du point O et jusqu’au point SM le comportement de l’alliage est l’élasticité de l’austénite. Entre le point SM et le point FM la transformation directe se produit et l’austénite se transforme progressivement en martensite orientée, entraînant une déformation de transformation en plus de la déformation élastique. Puis le comportement est l’élasticité de la martensite jusqu’au point M, ainsi que lors de la décharge jusqu’au point SA. Entre le point SA et le point FA la transformation inverse se produit et la martensite ainsi que la déformation Étude et modélisation du comportement cyclique des Alliages à Mémoire de Forme 11 1. Comportement thermo-mécanique des Alliages à Mémoire de Forme Figure 1.7 – Comportement super-élastique d’un Alliage à Mémoire de Forme en Cu-Al-Be par Bouvet et al. (2004). O A M Figure 1.8 – Comportement super-élastique d’un Alliage à Mémoire de Forme en Ni-Ti par Tobushi et al. (1995). Figure 1.9 – Comportement super-élastique en traction-compression d’un Alliage à Mémoire de Forme en Cu-Al-Be par Montecinos et al. (2006). 12 Étude et modélisation du comportement cyclique des Alliages à Mémoire de Forme 1.1. Présentation des Alliages à Mémoire de Forme de transformation disparaissent. Enfin jusqu’au point A le comportement est à nouveau l’élasticité de l’austénite. On peut aussi remarquer lors de chargements de traction-compression comme celui montré sur la figure 1.9 qu’il existe une dissymétrie entre la contrainte seuil de transformation en traction et en compression. Celle-ci est en effet plus importante en compression qu’en traction. Une étude réalisée par Bouvet et al. (2004) a permis de déterminer la forme de la limite seuil de transformation dans le plan des contraintes principales (σI , σII ) (figure 1.10). On peut voir que la forme ne correspond pas au critère seuil de von Mises mais dépend apparemment du troisième invariant des contraintes, yσ. Figure 1.10 – Forme du critère de transformation dans le plan des contraintes principales (σI , σII ) par Bouvet et al. (2004).

 Effet mémoire simple-sens (EMS) 

Comme montré sur la figure 1.6, le chargement d’effet mémoire simple-sens, noté « EMS », consiste à se placer en dessous de la température de fin de transformation directe, M0 f , avec un alliage constitué de martensite auto-accommodée (point O sur la figure 1.11). Le fait d’appliquer un chargement mécanique va orienter les variantes de martensite et donc entraîner une déformation (entre les points A et B). Lorsque l’on supprime le chargement les variantes de martensite restent en place et il subsiste alors une déformation permanente (point C). Si on chauffe l’alliage au dessus de la température de fin de transformation inverse, A0 f , la martensite va se transformer en austénite et la déformation va disparaître (entre les points D et E) et l’alliage retrouve sa forme initiale. Par contre, le refroidissement de l’alliage en dessous de la température de fin de transformation directe, M0 f , provoque la formation de martensite auto-accommodée et n’entraîne donc pas de déformation (entre les points F et O). 

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