Prévention de la surexposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans

Exposition des enfants aux écrans : place des parents et des médecins

Au vu des conséquences décrites et de l’omniprésence des écrans, la prévention sur le sujet est fondamentale. Plusieurs études internationales ont montré qu’une intervention d’éducation destinée aux enfants et aux familles sur la problématique des écrans (sous forme de conseils ou de programmes de promotion de la santé), se révèle efficace pour changer les pratiques et diminuer la consommation.
Les parents sont garants de la protection physique et psychique de leurs enfants. Ils ont donc un rôle primordial dans la protection de leurs enfants face aux dangers auxquels les écrans les exposent, et doivent occuper une place centrale dans la régulation de l’utilisation de ces technologies numériques. Pourtant, bien que les parents s’interrogent sur l’impact des nouvelles technologies sur le développement de leurs enfants, ils font état d’un manque d’information sur le sujet et de difficultés à appliquer les recommandations de bon usage au quotidien. Ils sont volontiers preneurs des conseils, notamment de la part de leur médecin de famille, auprès de qui ils n’ont pas toujours été sensibilisés.

Rappels sur le développement psychomoteur normal de l’enfant

Le développement psychomoteur de l’enfant est un phénomène complexe de maturation qui se déroule selon des facteurs complémentaires et indissociables : psychomoteurs, cognitifs et affectifs.
Ce développement dépend de facteurs génétiques et de facteurs d’interaction avec l’environnement. Il est susceptible d’être physiologiquement variable d’un enfant à l’autre, mais évolue selon une chronologie harmonieuse des acquisitions. Le retard psychomoteur se définit comme la non-acquisition de normes de développement aux âges programmés. Le développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant est évalué selon plusieurs paramètres :  Acquisitions motrices et posturales (motricité globale), Acquisitions motrices fines (préhension puis graphisme),
Acquisitions du langage (compréhension puis expression), Acquisitions sensorielles, Développement affectif et capacités d’adaptation sociale.

Cas particulier : impact de la crise sanitaire et du confinement sur la consommation en écrans des enfants

De manière générale dans les foyers français, on observe que la connexion du téléviseur a été utilisée de façon plus assidue au premier semestre 2020 que l’année précédente, et le nombre de ménages disposant d’un téléviseur connecté a fortement augmenté en un an (82 % des foyers équipés TV, + 3,7 points), très probablement en lien avec le confinement inhérent à la situation sanitaire du pays. Les applications de la télévision connectée ont été sollicitées de manière importante pendant cette période, notamment les plateformes de vidéo à la demande .
Plusieurs études internationales ont analysé les effets du confinement sur les habitudes de vie des familles, notamment concernant l’usage des écrans par les enfants. La plupart de ces études mettent en avant une augmentation du temps d’exposition pendant le confinement. Une équipe de chercheurs allemands a comparé l’activité physique et le temps d’écrans à visée récréative dans un échantillon représentatif de 1711 enfants entre 4 et 17 ans avant et après le premier confinement en Allemagne. Ils ont mis en évidence une diminution des activités sportives, (notamment du fait d’une réduction du temps de sport en club ou à l’école), ainsi qu’une augmentation du temps passé devant un écran récréatif d’un peu plus d’une heure par jour .
Une autre étude a décrit les modifications comportementales de 1489 enfants et adolescents âgées de 3 à 18 ans entre mars et avril 2020, dans trois pays européens ayant subi des mesures de confinement différentes (l’Italie, l’Espagne et le Portugal). Le temps passé devant un écran pendant le confinement était évalué à partir d’un questionnaire à destination des parents. Les résultats ont révélé une augmentation du temps d’écran pendant le confinement quel que soit le pays, passant de 30 à 60 minutes d’utilisation moyenne par jour avant le confinement, à plus de 3 heures pour la majorité des enfants pendant le confinement .
En France, une étude a été menée par le CERDI (Centre d’Études et de Recherches sur le Développement International) de Clermont-Ferrand sur l’impact du confinement sur l’emploi du temps des enfants. Il ressort que le temps devant un écran a doublé quel que soit l’âge de l’enfant, avec une moyenne d’exposition de 2 heures par jour .

Facteurs prédisposant à une surexposition aux écrans chez les enfants

Plusieurs études permettent de repérer des facteurs de risque récurrents, notamment le niveau de diplôme des parents, qui, lorsqu’il est faible, est corrélé à une surexposition aux écrans des enfants. A l’inverse, l’utilisation de jeux éducatifs et l’usage contrôlé des outils multimédia sont corrélés à un niveau de diplôme parental plus élevé, bien que l’exposition quotidienne soit comparable en durée .
L’étude de cohorte ELFE en 2013 retrouve des facteurs prédisposant similaires. Le multi équipement télévisuel s’observe plus volontiers dans les familles nombreuses et les familles peu diplômées. A l’inverse, on observe moins de multi-équipement télévisuel mais plus d’équipement en ordinateurs dans les familles où le niveau de diplôme des parents est plus élevé. La composition familiale a aussi un impact sur la multiplicité de l’équipement en ordinateur, avec une plus grande proportion de ce type d’appareils dans les familles bi parentales que dans les familles mono-parentales maternelles.
L’équipement en consoles de jeu est lui corrélé à la taille de la fratrie et au faible niveau de diplôme parental. La présence d’une fratrie est également associée à un usage différent des outils multimédia : les enfants uniques utilisent en effet plus fréquemment ordinateur, tablette et téléphone mobile dès 2 ans, alors que dans les familles de plus de deux enfants, c’est l’usage de jeux vidéo sur console qui est le plus fréquent.
Les auteurs de l’étude ELFE concluent que « téléviseur et console de jeux sont des équipements liés à une vision du loisir comme divertissement, plus fréquente dans les catégories populaires, tandis que l’ordinateur, la tablette et les logiciels ludo-éducatifs et culturels sont liés à une vision du loisir comme espace possible d’éducation, plus fréquente dans les catégories supérieures. ». Une revue de la littérature de 2020 recoupe plusieurs déterminants d’exposition précoce aux écrans : un niveau socio-économique bas, les conditions familiales (familles monoparentales, enfants uniques), des symptômes de stress ou de dépression maternels, une exposition importante des parents à la télévision.
Par ailleurs, les problèmes relationnels avec ses pairs augmentent la probabilité d’utiliser les écrans) . Plus un enfant regarde la télévision, plus il utilise aussi les écrans interactifs, si bien que les durées d’exposition se cumulent. Les enfants les plus gros consommateurs d’écrans le sont sur plusieurs supports .

Conséquences d’une surexposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans

Conséquences sur le développement de l’enfant: Conséquences sur le développement psychomoteur. Le moment où l’on introduit le numérique n’a pas toujours les mêmes effets. Le début de la vie (0 à 4 ans) et l’adolescence sont des périodes développementales hypersensibles à l’environnement du fait d’une forte maturation cérébrale durant ces périodes. La maturation cérébrale est dynamique et non linéaire, le cerveau est capable de se modifier en fonction de l’environnement, et de remodeler ses connexions selon les expériences vécues par l’organisme. Les effets délétères des écrans à ces périodes semblent donc plus marqués.
Pour un enfant de moins de 24 mois, il est impossible de parler de programmes «adaptés», tous les programmes, quels qu’ils soient, sont délétères (programmes enfants, programmes éducatifs, programmes adultes…). Seul compte le nombre d’heures passées devant l’écran. Les outils multimédia, par leur attractivité, détournent le jeune enfant d’apprentissages cognitifs, manuels et relationnels essentiels, car le temps passé devant un écran se fait au détriment d’activités indispensables (activités interactives et expériences sociales fondamentales).
Certains praticiens ont décrit un trouble neuro-développemental dû à une forme de toxicité de l’abus d’écrans qui interfère dans les besoins développementaux du tout petit (moins de 3 4 ans) : le syndrome «d’exposition précoce et excessive aux écrans» (EPEE).
Ce syndrome est caractérisé par les symptômes suivants : Retard de communication, qui devient évident à partir de 2-3 ans, Intérêt exclusif pour les écrans, Agitation et troubles du comportement, Instabilité d’attention, Maladresses gestuelle.

Table des matières

Introduction 
I. Définitions 
II. Rappels sur le développement psychomoteur normal de l’enfant
III. Données d’exposition aux écrans des enfants français âgés de 0 à 6 ans 
1) Les enquêtes à notre disposition
2) Données générales d’exposition
3) L’exposition à la télévision
4) L’exposition aux autres écrans
5) L’exposition à internet
6) Cas particulier : impact de la crise sanitaire et du confinement sur la consommation en écran des enfants
IV. Facteurs prédisposant à une surexposition aux écrans chez les enfants 
V. Conséquences d’une surexposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans 
1) Conséquences sur le développement de l’enfant
1.1 Conséquences sur le développement psychomoteur
1.2 Conséquences sur la vision
1.3 Impacts sur le sommeil
2) Conséquences à moyen ou long terme sur la santé
2.1 Difficultés attentionnelles
2.2 Impact sur les compétences psychosociales
2.3 Impact sur les apprentissages scolaires
2.4 Écrans et addictions
2.5 Obésité et facteurs de risque cardio-vasculaires
3) Conséquences particulières de certains types d’utilisation des écrans
3.1 Écrans dans la chambre
3.2 Écrans en continu dans une pièce où l’enfant est présent
3.3 Exposition à des contenus inadaptés
3.4 Écrans interactifs versus écrans non-interactifs : différences d’effets
3.5 Interférence des écrans dans la relation parent-enfant
3.6 Écrans non accompagnés
3.7 Exposition aux écrans 3D
VI. Recommandations de bon usage des écrans 
1) Principales recommandations françaises
2) Synthèse des recommandations en vigueur
VII. Dispositifs de limitation de l’exposition des enfants aux écrans en France : réglementation et campagnes de prévention
VIII. Guides à destination des familles, outils en consultation
Méthodologie 
I. Recherche bibliographique 
II. Caractéristiques de l’étude 
1) Type d’étude
2) Objectif principal de l’étude
3) Population cible de l’étude
4) Critères d’inclusion, de non-inclusion et d’exclusion
5) Critère de jugement principal et critères de jugement secondaires
III. Outil d’évaluation et mode de recueil 
1) Construction du questionnaire
2) Contenu du questionnaire
3) Diffusion du questionnaire
IV. Calcul du nombre de sujets nécessaires 
1) Nombre d’internes concernés par l’étude
2) Calcul du nombre de sujets nécessaires
V. Approbation du comité éthique 
VI. Saisie et traitement des données 
1) Saisie des données
2) Analyse du critère de jugement principal
3) Analyse des caractéristiques de l’échantillon et des critères de jugement secondaires
Résultats 
I. Réponses au questionnaire 
1) Nombre de répondants
2) Inclusions, exclusions
3) Nombre de réponses semaine par semaine
4) Diffusion du questionnaire : réponses des scolarités et des syndicats
II. Description de l’échantillon 
1) Sexe et âge
2) Spécialité
3) Semestre d’internat
4) Université d’internat
5) Modes d’exercice de la pédiatrie
6) Remplacements en cabinet de pédiatrie et de médecine générale
7) Formations complémentaires optionnelles
III. Analyse du critère de jugement principal 
1) Comparaison des connaissances théoriques chez les internes sensibilisés et non sensibilisés
2) Comparaison des compétences cliniques chez les internes sensibilisés et non
Sensibilisés
3) Relation entre la sensibilisation des internes et leur sentiment d’avoir acquis des connaissances théoriques et des compétences cliniques
IV. Analyse des critères de jugement secondaires 
1) Fréquence et contexte dans lesquels les internes sont confrontés à l’exposition aux écrans chez les enfants dans leur pratique clinique
2) Sensibilisation des internes sur le sujet et formation universitaire reçue
2.1 Sensibilisation des internes sur le sujet des écrans chez les enfants
2.2 Proportion d’internes ayant reçu un enseignement universitaire dans
cadre de la formation initiale, et format d’enseignement
2.3 Thèmes abordés dans ces enseignements
2.4 Perception par les internes de l’utilité de ces enseignements universitaires
2.5 Qualité de la formation délivrée par la faculté de médecine sur le sujet
3) Besoins de formation exprimés par les internes concernant le sujet de l’exposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans
3.1 Proportion d’internes estimant avoir besoin d’une formation ou d’une formation complémentaire sur l’exposition aux écrans chez les enfants
3.2 Thèmes sur lesquels les internes ont déclaré avoir besoin de formation
3.3 Avis des internes concernant la nécessité de former les médecins et futurs Médecins
4) Connaissances théoriques des internes concernant l’exposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans
4.1 Connaissance des chiffres d’exposition des enfants français aux écrans
4.2 Connaissance des campagnes de prévention
4.3 Conseils prodigués par les internes, connaissance des recommandations de bon usage des écrans
4.4 Conséquences de la télévision en continu en présence des enfants
4.5 Signes cliniques amenant les internes à rechercher une surexposition aux écrans
5) Pratiques cliniques des internes concernant l’exposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 ans
5.1 Réalisation de la prévention à la surexposition aux écrans par les internes
5.1.1 Proportion d’internes réalisant la prévention
5.1.2 Situations dans lesquelles la problématique des écrans est abordée
5.2 Abord des dangers de l’accès à des contenus inadaptés
5.3 Points de vue des internes
6) Freins à la réalisation de la prévention par les internes
Discussion 
I. Discussion des résultats et confrontation à la littérature 
Caractéristiques de la population étudiée 
1) Spécialité et semestre d’internat
2) Exercice de la pédiatrie pendant l’internat
Critère de jugement principal 
Critères de jugement secondaires
1) Fréquence à laquelle les internes sont confrontés à l’exposition aux écrans chez les enfants dans leur pratique clinique
2) Sensibilisation des internes sur le sujet et formation universitaire reçue
2.1 Les internes répondants sont sensibilisés à la problématique, majoritairement via les stages ou une initiative personnelle
2.2 La majorité des internes n’a reçu aucun enseignement sur le sujet dans le cadre de la formation initiale
2.3 Les formations universitaires reçues sont estimées utiles, mais n’ont pas toujours permis d’acquérir des connaissances ou de modifier les pratiques
3) Besoins de formation exprimés par les internes concernant le sujet de la surexposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6
4) Connaissances théoriques et pratiques cliniques des internes concernant l’exposition aux écrans chez les enfants de 0 à 6 an
4.1 Connaissances théoriques
4.1.1 Connaissance des chiffres d’exposition des enfants français aux écrans
4.1.2 Connaissance des campagnes de prévention
4.1.3 Connaissance des recommandations de bon usage des écrans chez les enfants de 0 à 6 ans
4.1.4 Connaissance des conséquences et des signes cliniques devant faire rechercher surexposition aux écrans
4.2 Pratiques cliniques
4.2.1 Situations dans lesquelles les internes sont confrontés à l’exposition aux écrans chez les jeunes enfants dans leur pratique clinique
4.2.2 Prévention réalisée par les internes
4.2.3 Les internes se sentent concernés par la problématique
4.2.4 Les internes considèrent la surexposition aux écrans chez les enfants comme une problématique de santé publique
5) Freins à la réalisation de la prévention par les internes.
II. Forces et limites de l’étude 
1) Forces de l’étude
2) Limites et biais
2.1 Biais
2.2 Limites
III. Propositions et perspectives 
1) Propositions concernant la formation initiale
2) Propositions concernant la pratique
3) Perspectives : suggestions d’études complémentaires à nos travaux
Conclusion 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES 

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