Production de métabolites secondaires et d’enzymes par les champignons Ganoderma spp.

Production de métabolites secondaires et d’enzymes par les champignons Ganoderma spp.

Production des métabolites secondaires

Les métabolites secondaires au contraire de métabolites primaires ne sont pas directement essentiels pour la croissance (Deacon, 2005 ; Bérdy, 2005). Leur rôle réel est ambigu, il a été largement débattu au cours des dernières années. Ils sont produits généralement au cours de la phase stationnaire de croissance et parfois associés à la différenciation et la sporulation, d’où le consensus qu’ils peuvent avoir des rôles liés aux fonctions biologiques profondes comme la survie (Demain & Fang, 2000 ; Horgan & Murphy, 2011). Ils tendent d’être spécifiques au genre ou l’espèce voire à la souche (Deacon, 2005 ; Bérdy, 2005). Les champignons supérieurs produisent presque 2000 composés bioactifs présentant une grande versatilité structurale et bioactive (Bérdy, 2005). Les champignons de pourritures blanches Ganoderma et F. fomentarius sont deux polypores médicinaux ; leurs effets pharmacologiques ont attiré l’attention de la communauté scientifique pour dévoiler leurs principes actifs (Wasser, 2005 ; Boh et al., 2013 ; Grienke et al., 2014 ; Grienke et al., 2015). Plus de 431 composés secondaires sont isolés des différentes espèces de Ganoderma au cours des quarante dernières années, dont 240 sont produits par G. lucidum (Baby et al., 2015). Ils appartiennent majoritairement à la classe de triterpénoïdes de type lanostane dont le précurseur est le lanostérol, en deuxième lieu se trouvent les stéroïdes de type ergostane (Bishop et al., 2015 ; Richter et al., 2015), les stéroïdes sont aussi produits par le F. fomentarius (Rösecke & König, 2000 ; Ziegenbein et al., 2006 ; Zang et al., 2013). Les triterpénoïdes et les stéroïdes seront traités en détail dans le Chapitre 3. 

La fermentation en milieu solide

Les procédés de fermentation en milieu solide sont appliqués pour la production d’antibiotiques, de métabolites secondaires, d’enzymes industrielles, de produits alimentaires enrichis, de biocarburants, d’acides organiques, d’hormones végétales, pour la culture de champignons dépollueurs ou comestibles (Krishna, 2005 ; Durand, 1998). La culture des champignons comestibles ou pharmaceutiques s’effectue suivant deux méthodes différentes ; la première est traditionnelle qui consiste à la culture sur bûches (i), la deuxième est la culture sur substrats synthétiques (ii) ; cette technique connaît un regain Revue bibliographique I 24 Chapitre 2 d’intérêt, elle est devenue la plus utilisée grâce à ses avantages (Wada et al., 1984 ; Chang & Miles, 2004 ; Walker & White, 2005). Différents substrats peuvent être utilisés selon la disponibilité régionale (Walker & White, 2005). Les champignons G. lucidum, G. curtisii et G. tsugae sont généralement cultivés sur une gamme de substrats lignocellulosiques et sur des bûches de bois (Wada et al., 1984 ; Chang & Miles, 2004 ; Zhou et al., 2012 ; Roy et al., 2015). Une étude a été menée afin d’évaluer la relation entre les enzymes lignolytiques (lignine peroxydase, la peroxydase dépendante au manganèse et laccase) et l’augmentation de saccharification de paille, qui est un sous-produit d’agriculture, après un prétraitement par une co-culture de basidiomycètes dont le F. fomentarius et le G. resinaceum, les résultats ont montré que la présence de lignine peroxydase augmente significativement le rendement de la saccharification (Pinto et al., 2012). Han et al. (2005) ont étudié la capacité du G. lucidum à dégrader l’amidon et d’améliorer la valeur nutritionnelle de semoule de maïs au cours de fermentation en milieu solide ; la teneur en amidon est fortement réduite dont une partie de l’amidon est convertie en dextrines et en sucres réducteurs grâce aux α-amylases de G. lucidum (Han et al., 2005). Dans d’autres essais de valorisation des sous-produits, une bioconversion par culture de F. fomentarius sur des grignons d’olive pour améliorer leurs valeurs nutritionnelles et leur digestibilité mettant en œuvre l’ensemble des enzymes lignocellulolytiques de ce champignon (Neifar et al., 2013).

La culture submergée

La culture submergée des champignons est une technologie bien exploitée pour la bioproduction d’antibiotiques, d’enzymes, d’acides organiques (Horgan & Murphy, 2011). Le criblage des isolats microbiens producteurs et le maintien de leurs caractéristiques génétiques et biosynthétiques est l’un des enjeux dans la maîtrise des procédés de fermentation liquide (Bérdy, 2005). La culture submergée des basidiomycètes médicinaux dans le but de produire des composés bioactifs est une avancée biotechnologique (Wagner et al., 2003, Tang et al., 2007) ; elle rend possible la production de biomasse et de biomolécules dans un espace limité, en réduisant les risques de contamination et dans un temps relativement court (Xu et al., 2008 ; Saltarelli et al., 2009 ; Zhong et Xiao, 2009 ; Zhou et al., 2012). Par ailleurs ; l’utilisation des milieux complexes à base de substrats peu chers et des sous-produits de l’industrie agroalimentaire peut réduire sensiblement le coût (Xu et al., 2008 ; Upadhyay et al., 2014 ; Tan et al., 2015). Plusieurs travaux de recherche ont porté sur la production de métabolites bioactifs (principalement triterpénoïdes, stérols, polysaccharides) par différentes espèces de Ganoderma et le F. fomentarius en culture submergée (Kim et al., 2006a, 2006b ; Chen et al., 2008 ; Wang et al., 2011 ; Liu et al., 2012a ; Cui et al., 2015) ou la production des enzymes (Elissetche et al., 2006 ; Chouiter et al., 2008). La plupart des études réalisées sur les paramètres qui influencent la production de biomasse et de métabolites est faite sur l’espèce type G. lucidum (Tang et al., 2007 ; Sanodiya et al., 2009). Fang et Zhong (2002a) ont étudié l’effet de la source d’azote et la concentration initiale de glucose dans le milieu de culture sur la production des polysaccharides et d’acides ganodériques ; il ressort de leur étude que la combinaison de peptone et d’extrait de levure améliore la production de métabolites bioactifs (acides ganodériques et polysaccharides). Le maximum de production d’acides ganodériques est obtenu avec une concentration initiale de 50 g/l de glucose (Fang & Zhong, 2002a). Toutefois, le lactose a été trouvé meilleur comme source de carbone pour la croissance cellulaire ainsi la production d’acides ganodériques (Tang & Zhong, 2002). Le contrôle des conditions physico-chimiques des cultures submergées qui à leur tour affectent la croissance et la production de métabolites est aussi important, tel que le pH initial de cultures (Fang & Zhong 2002c ; Paninutti et al., 2010), l’agitation et l’aération (Tang & Zhong, 2003 ; Kim et al., 2006a ; Zhang et al., 2010 ) et aussi la lumière (Zhu et al. 2010). Chen et al. (2017) ont trouvé que la température optimale pour la croissance mycélienne de G. resinaceum est de 30° C alors que celle de G. lucidum est de 25° C (Chen et al., 2017). La densité de l’inoculum est un autre paramètre important qui influence la morphologie cellulaire et la production de métabolites ; un inoculum important conduit à des pellets de petite taille avec un contenu relativement élevé en intra-polysaccharides. En outre, une faible inoculation favorise la formation de grands pellets avec un contenu plus important en acides ganodériques (Fang & Zhong, 2002b). Revue bibliographique I 26 Chapitre 2 L’étude des voies de biosynthèse et la régulation de l’expression de gènes ont aussi pris assez d’attention (Liang et al., 2010 ; Ren et al., 2013 ; Shi et al., 2010). Dans le but d’améliorer la production des acides ganodériques, différents stimuli sont étudiés ; Na+ ayant un effet dans la régulation de biosynthèse des acides ganodériques (Xu et al., 2013) ; l’addition de Cu+2 affecte positivement la production des triterpénoïdes ( Tang et al., 2010 ; Zhu et al., 2010). Aussi l’ajout de cellulase en culture submergé élicite l’accumulation des acides ganodériques (Zhang et al., 2014). En fait, la majorité des produits bioactifs commercialisés issus de basidiomycètes médicinaux sont obtenus traditionnellement par culture en champs ou en fermentation en milieu solide (Tang et al., 2007 ; Zhong & Tang, 2004), cette dernière semble bien reproductible et peu couteuse ; en outre elle est extrêmement laborieuse et fastidieuse (Tang et al., 2007 ; Saltarelli et al., 2009). 2.3.3. La bioremédiation L’utilisation de champignons en bioremédiation est le plus souvent un des aspects de fermentation en milieu solide pour dégrader différents types de déchets et de polluants (Krishna, 2005). Les agents de la pourriture blanche présentent une polyvalence enzymatique suffisante pour être capables d’éliminer une variété des polluants organiques (Krishna, 2005 ; Korcan et al., 2013). Les CPB sont les principaux producteurs de ligninases responsables de la dégradation de la majeure partie de lignine sur terre (Doohan, 2011), en fait ces enzymes sont nonspécifiques et non-stéréosélectives, et efficace contre un large spectre de composés aromatiques (Anastasi et al., 2013) ; ces champignons peuvent alors être utilisés pour détoxifier ou dégrader divers polluants aromatiques et voire xénobiotiques (Anastasi et al., 2013 ; Korcan et al., 2013). Plusieurs applications biotechnologiques se sont développées sur les possibles exploitations des enzymes lignocellulotiques de F. fomentarius et de Ganoderma (Rodrigues et al., 2008 ; Větrovský et al., 2011 ; Łebkowska & Załęska-Radziwiłł, 2014). Les laccases fongiques nécessitent seulement l’oxygène moléculaire pour leur catalyse ce qui leur rend adéquates aux applications biotechnologiques pour la transformation ou l’immobilisation des polluants et des composés xénobiotiques (Baldrian, 2006).  Une mention déjà faite ; la production de bioéthanol par la dégradation des déchets cellulosiques ; une activité de laccase isolée et caractérisée de G. lucidum a été trouvée potentiellement intéressante dans l’industrie de bioéthanol (Fang et al., 2015). Murugesan et al. (2007) ont montré l’efficacité d’une laccase hautement thermostable produite aussi par G. lucidum en fermentation en milieu solide pour la dégradation des colorants textiles récalcitrants (Murugesan et al., 2007). Ce champignon a montré aussi un potentiel intéressant dans la biodégradation du phénanthrène et du pyrène qui sont deux hydrocarbures aromatiques polycycliques (Ting et al., 2011). 

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE.1. Les polypores Ganoderma spp. et Fomes fomentarius
1.1. Historique
1.2. Taxonomie et systématique des Fomes et Ganoderma
1.2.1. Taxonomie classique
1.2.2. Taxonomie moléculaire
1.3. Morphologie des champignons
1.3.1. Ganoderma spp
1.3.2. Fomes fomentarius
1.4. Biologie des champignons
1.4.1. Ultrasructure des Ganoderma et F. fomentarius
1.4.2. Croissance et Cycle de vie
1.5. Physiologie des champignons
1.6. Ecologie des champignons de pourritures blanches
CHAPITRE.2. Métabolites fongiques
2.1. Production de métabolites primaires
2.1.1. Les polysaccharides
2.1.2. Les protéines
2.1.3. Les enzymes
2.2. Production de métabolites secondaires
2.3. Applications biotechnologiques
2.3.1. La fermentation en milieu solide
2.3.2. La culture submergée
2.3.3. La bioremédiation
CHAPITRE.3. Les triterpénoïdes et les stéroïdes fongiques
3.1. Introduction
3.2. Chimie des terpénoïdes et voie de biosynthèse
3.3. Classification des triterpènes tétracycliques de type lanostane et les stérols
II. MATERIELS ET METHODES
1. Les champignons 3
1.1. Caractérisation et identification des spécimens récoltés
1.1.1. Structures macroscopiques
1.1.2. Observations microscopiques
1.2. Culture et purification des mycéliums de Ganoderma et Fomes
1.2.1. La préparation des suspensions sporales
1.2.2. La mise en culture
1.2.3. Le repiquage et la purification
1.2.4. Calcul de taux de croissance
1.3. Conservation des souches
1.3.1. Conservation sur gélose inclinée
1.3.2. Conservation sous huile
1.3.3. Cryoconservation
2. Milieux de cultures
2.1. Milieux solides
2.2. Milieux liquides
2.3. Mesure de pH
2.4. Stérilisation
3. Culture submergée et essais de production de triterpénoïdes
3.1. La pré-culture
3.2. La culture
3.3. La détermination de la biomasse
3.4. La détermination du pH
4. L’extraction des triterpénoïdes
5. Méthodes chromatographiques pour visualiser et identifier les métabolites produits
5.1. Chromatographie sur couche mince
5.2. Chromatographie liquide à haute performance couplée à un détecteur de spectrométrie de masse à temps de vol (LC-Q-TOF-MS)
5.2.1. Principe général
5.2.2. Conditions de chromatographie liquide
5.2.3. Conditions de spectrométrie de masse
6. Evaluation de l’activité antibactérienne des extraits fongiques
6.1. L’étude de la sensibilité aux extraits fongiques de quelques souches bactériennes pathogènes
6.2. Les antibiotiques
6.3. Les extraits chloroformiques et préparation des disques
6.4. Mode opératoire de la méthode de diffusion en disque
7. Mise en évidence des différentes activités enzymatiques
7.1. Production de cellulases
7.1.1. Hydrolyse qualitative de la cellulose en milieux gélosés
7.1.2. Production de cellulase en milieu liquide
7.2. Production de laccases
7.3. Production de xylanases
7.4. Production de pectinases
7.5. Détection de l’activité protéolytique
7.6. Détection de l’activité d’amylases
III. RESULTATS ET DISCUSSION
1. Caractérisation et identification des polypores
1.1. Description de spécimens de Ganoderma
1.2. Description des spécimens de Fomes
1.3. Mise en culture des sporées de Ganoderma et Fomes
1.4. Aspects culturaux des isolats fongiques
Discussion
2. Culture en milieu liquide des isolats de F. fomentarius et G. resinaceum
2.1. La biomasse
2.2. Evolution de pH durant la croissance
2.3. Le rendement en biomasse Yx
Discussion
3. Détecter et caractériser les métabolites secondaires produits
3.1. Extraits chloroformiques
3.2. Chromatographie sur couche mince
Discussion
3.3. La chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse
3.3.1. La chromatographie liquide
Discussion
3.3.2. La Q-TOF-MS
Discussion
4. Evaluation de l’activité antibactérienne
Discussion
5. Mise en évidence des différentes activités enzymatiques
5.1. Détection de cellulases
5.1.1. Hydrolyses de celluloses insolubles
5.1.2. L’hydrolyse de CMC
Discussion
5.2. Détection de laccases
5.3. Détection de xylanases
5.4. Détection de pectinases
Discussion
5.5. Détection de l’activité protéolytique
5.6. Détection de la production d’amylases
Discussion

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