PROGRAMME EXPERIMENTAL – DEFINITION, MATERIAUX PROCEDURES

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ETAT DE L’ART

La RSI, pour réaction sulfatique interne, ou DEF, pour Delayed Ettringite Formation, est une réaction endogène se produisant dans la matrice cimentaire. Cette pathologie résulte de la mobilisation tardive, sous forme d’ettringite dite différée, des ions sulfate et aluminate initialement présents dans la solution interstitielle du matériau suite à une élévation de la température du béton. Si la formation d’ettringite dite primaire au moment de l’hydratation du ciment est reconnue comme bénéfique car permettant une régulation de la vitesse de prise du matériau, son apparition tardive est source de dommages importants dans les matériaux cimentaires durcis. En effet, la cristallisation de ce nouveau constituant dans la matrice durcie du matériau conduit, à moyen ou long terme, à un gonflement de ce dernier. Les désordres occasionnés sur les structures se manifestent par une fissuration macroscopique induite par les gradients de gonflement (typiquement entre cœur et peau) et par une microfissuration diffuse du matériau pouvant mener, par coalescence, à une fissuration macroscopique. Si le phénomène de réaction sulfatique interne n’a été identifié qu’à la fin des années 1980, grâce aux observations faites par (Tepponen, 1987) et (Heinz & Ludwig, 1987) sur des éléments en béton préfabriqué, de nombreux cas avérés de réaction sulfatique interne ont été observés en France, notamment sur structures massives coulées en place (Divet, 2001), et dans le monde, y compris sur des structures toujours en service de nos jours (Godart, 2017). Les conditions nécessaires à son développement sont liées principalement à la composition chimique du ciment, à une élévation de la température à un moment donné de la vie du matériau, et à la présence d’eau. Cela dit, de nombreux autres paramètres impactent la formation d’ettringite différée. Les mécanismes réactionnels ainsi que l’influence de ces paramètres seront abordés dans une première partie de ce chapitre. Les modèles physico-chimiques proposés dans la littérature seront également présentés. Outre les travaux visant à une meilleure compréhension des phénomènes physico-chimiques de dissolution et de précipitation de l’ettringite, la réaction sulfatique interne a, depuis plusieurs dizaines d’années, fait l’objet d’études portant sur le développement de modèles prédictifs de résistance et durabilité des matériaux et structures atteints. Pour cela, les conséquences mécaniques de cette réaction sur des éprouvettes et structures de laboratoire ont dû être étudiées. De fait, dans ce chapitre, un intérêt tout particulier a été porté d’une part sur ces campagnes expérimentales et d’autre part sur les modèles mécaniques et poromécaniques développés en vue de permettre le recalcul et la prédiction du comportement des structures atteintes.

Physico-chimie du phénomène de Réaction Sulfatique Interne

Généralités concernant l’ettringite

Composition chimique

L’ettringite est le produit d’une réaction naturelle se produisant au sein des matériaux cimentaires, soit au cours de l’hydratation, soit de manière différée (Baron et al., 1992). La formule chimique de l’ettringite, ou « trisulfoaluminate de calcium hydraté », est exprimée par l’expression (1-1).(1-1)
La littérature fait état de trois types d’ettringite : ettringite primaire, ettringite secondaire et ettringite différée (Arliguie & Hornain, 2007). Elles ne se différencient ni par leur composition chimique ni par leur minéralogie mais par la date et les conditions de cristallisation. La formation d’ettringite primaire (1-2) se produit lors de la période initiale d’hydratation du ciment, suite à la solubilisation du gypse et des aluminates tricalciques (C3A en notation cimentière). Cette combinaison de réactions chimiques permet de réguler la prise du ciment en évitant l’hydratation directe, très exothermique, de l’aluminate tricalcique. La cristallisation se produisant avant le durcissement de la pâte, la formation d’ettringite au cours de l’hydratation du ciment ne conduit à aucun phénomène d’expansion dommageable pour le matériau.
⏟ . →   ++ −+
. + →  ++    −+    − (1-2)
  + +    − +       (    )− +    − +→…
L’ettringite secondaire peut se former de manière plus tardive suite à un apport externe en ions sulfate. La cristallisation de cette espèce peut conduire à l’apparition de pressions de cristallisation provoquant de l’expansion. Enfin, la formation de l’ettringite différée a pour origine des réactions plus complexes. Une élévation de la température au cours de l’histoire du béton provoque la non-formation et/ou la dissolution de l’ettringite primaire. Le retour à température ambiante et une humidité relative élevée permettent la formation de cristaux d’ettringite dans le béton durci. Cette cristallisation en milieu confiné peut donner lieu à des phénomènes de gonflement dommageables
pour le matériau. C’est ce type de phénomène, connu sous le nom de Réaction Sulfatique Interne ou RSI (Delayed Ettringite Formation ou DEF en anglais), dont il est question dans ces travaux.

Stabilité de l’ettringite dans les matériaux cimentaires

Au sein des matériaux cimentaires, l’ettringite est généralement stable à température ambiante. Sa constante de solubilité avoisine 10-45 à 25°C (Damidot et al., 1992; Lothenbach & Winnefeld, 2006; Perkins & Palmer, 1999; Warren & Reardon, 1994). En effet, outre les ions calcium présents en excès dans de nombreux matériaux cimentaires, les ions sulfate relargués par la dissolution du gypse, des hémi-hydrates et/ou de l’anhydrite et les ions aluminate issus de la solubilisation des aluminates tricalciques sont souvent présents en quantité suffisante pour permettre la stabilité de l’ettringite à 20°C comme illustré par (Damidot & Glasser, 1992, 1993). Ces mêmes auteurs ont étudié la stabilité de l’ettringite à 50 et 85°C et ont constaté une diminution de son domaine de stabilité au profit d’espèces telles que les monosulfoaluminates de calcium hydraté, la Portlandite et les hydrogrenats. La teneur en ions sulfate minimale pour stabiliser l’ettringite à 85°C est ainsi environ 50 fois plus élevée qu’à 25°C à teneurs en ions calcium et aluminate constantes. Une relation entre la solubilité de l’ettringite et l’inverse de la température a été proposée par (Perkins & Palmer, 1999) sur la base de résultats expérimentaux obtenus entre 5 et 75°C (Figure 1-1). La solubilité augmente avec l’augmentation de la température.
Figure 1-1. Dépendance de la solubilité de l’ettringite à la température (Perkins & Palmer, 1999).
D’autres paramètres impactent la stabilité de l’ettringite et donc sa solubilité. Ainsi, les alcalins, naturellement présents dans le béton sous forme de sulfate de sodium et de potassium, sont très solubles et contribuent à élever le pH de la pâte. De fait, (Damidot & Glasser, 1993) ont montré que
l’augmentation de la teneur en alcalins contribuait à élever la solubilité de l’ettringite dans le béton en jouant sur les phénomènes d’absorption des ions sulfate par les C-S-H.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre 1 : ETAT DE L’ART
1. Introduction du chapitre
2. Physico-chimie du phénomène de Réaction Sulfatique Interne.
2.1. Généralités concernant l’ettringite
2.1.1. Composition chimique
2.1.2. Stabilité de l’ettringite dans les matériaux cimentaires
2.2. Mécanismes réactionnels
2.2.1. Phénomènes de dissolution-précipitation
2.2.2. Disponibilités des ions réactifs pour la formation d’ettringite différée
2.3. Mécanismes d’expansion
2.3.1. Absorption d’eau par l’ettringite colloïdale
2.3.2. Phénomène de double couche électrique..
2.3.3. Pression de cristallisation
2.4. Paramètres influençant la cinétique et le volume d’ettringite différée créé
2.4.1. Composition chimique et formulation du béton
2.4.2. Conditions thermiques au jeune âge
2.4.3. Environnement
2.4.4. Altérations antérieures
2.5. Modèles physico-chimiques de RSI
2.5.1. Modèles thermodynamiques
2.5.2. Modèles statistiques
2.5.3. Modèles cinétiques
3. Comportement mécanique des bétons atteints de RSI
3.1. Etudes expérimentales sur éprouvettes de laboratoire
3.1.1. Gonflement libre
3.1.2. Effets d’un confinement sur le gonflement
3.2. Etudes expérimentales sur structures de laboratoire
3.3. Modèles mécaniques de RSI
3.3.1. Modèles mésoscopiques pour la prédiction des gonflements à l’échelle du matériau
3.3.2. Modèles à déformations imposées pour la prédiction du comportement résiduel des structures
3.3.3. Modèles poromécaniques pour la prédiction du comportement résiduel de structures
4. Conclusion du chapitre
Chapitre 2 : PROGRAMME EXPERIMENTAL – DEFINITION, MATERIAUX
PROCEDURES
1. Introduction du chapitre
2. Objectifs de l’étude
2.1. Pertinence du programme expérimental vis-à-vis des ouvrages atteints
2.2. Effets des contraintes sur le béton atteint de RSI
2.3. Caractérisation de l’ancrage acier-béton en contexte RSI
3. Mise en oeuvre et caractérisation
3.1. Echantillonnage et nomenclature des corps d’épreuve
3.2. Matériaux
3.2.1. Béton
3.2.2. Armatures
3.3. Conditions de cure et de conservation des corps d’épreuve
3.4. Dispositions constructives
3.4.1. Ferraillage des corps d’épreuve et plats de confinement
3.4.2. Application de la précontrainte
3.4.3. Corrosion des pièces métalliques émergées et immergées
4. Méthodes de suivi des corps d’épreuve
4.1. Qualification du suivi massique
4.2. Qualification du suivi dimensionnel
4.2.1. Déformations du béton
4.2.2. Déformations des armatures
4.3. Caractérisation mécanique du béton
4.3.1. Modules d’Young, résistances à la compression et à la traction par fendage
4.3.2. Caractérisation de l’adhérence acier-béton
4.4. Observation des corps d’épreuve
4.4.1. Cartographie des fissures à l’oeil nu
4.4.2. Cartographie des fissures et analyse d’images
4.4.3. Observations au MEB
4.5. Qualification du suivi chimique
4.5.1. Cinétique de lessivage des alcalins
4.5.2. Localisation et disponibilité des alcalins vis-à-vis de la RSI
5. Conclusion du chapitre.
Chapitre 3 : EFFET DES CONTRAINTES SUR UN BETON ATTEINT DE RSI
1. Introduction du chapitre
2. Expansions des corps d’épreuve
2.1. Comportement des corps d’épreuve cylindriques
2.1.1. Suivi dimensionnel et massique des corps d’épreuve cylindriques
2.1.2. Analyse mécanique des corps d’épreuve cylindriques
2.2. Comportement des corps d’épreuve prismatiques
2.2.1. Suivi dimensionnel des corps d’épreuve prismatiques
2.2.2. Analyse mécanique des corps d’épreuve prismatiques
2.3. Confrontation à des modèles empiriques de gonflement gêné
2.3.1. Modèle de Charlwood et al
2.3.2. Modèle de Karthik et al.
3. Fissuration des corps d’épreuve
3.1. Apparition des premières fissures
3.2. Généralisation de la fissuration
3.3. Stabilisation de la fissuration
3.4. Cartographie de fissuration et analyse d’images
4. Observations au MEB-EDS
4.1. Observations sur surface polie après gonflement libre
4.2. Observations sur surface polie après gonflement gêné triaxialement
4.3. Observations de l’empreinte laissée par les armatures dans le béton
5. Evolution des caractéristiques mécaniques du béton
5.1. Effets des conditions de cure et de la RSI sur les résistances et module
5.1.1. Effet de la teneur en alcalins sur les résistances et module du béton
5.1.2. Effet du traitement thermique sur les résistances et module du béton
5.1.3. Effet de l’immersion sur les résistances et module du béton
5.1.4. Effet de la RSI sur les résistances et module du béton
5.1.5. Conclusion concernant l’évolution des caractéristiques mécaniques du béton avant et
immersion 182
5.1.6. Mesures de déformations instantanées à charge et décharge des éprouvettes L14,5-TØ
5.2. Comportement du béton armé atteint de RSI
5.2.1. Essais de tirants sur éprouvettes armées
5.2.2. Essais de pull-out
6. Lessivage des alcalins du béton
6.1. Teneur en alcalins dans l’eau de conservation
6.2. Mesures directes de teneur en alcalins du béton
6.2.1. Teneur initiale en alcalins
6.2.2. Teneur résiduelle en alcalins après 450 jours d’immersion
6.2.3. Teneur en alcalins à 28 jours
6.3. Synthèse de l’étude concernant le lessivage des alcalins
7. Conclusion du chapitre.
Chapitre 4 : MODELISATION CHEMO-POROMECANIQUE DE L’EFFET
CONTRAINTES SUR UN BETON ATTEINT DE RSI..
1. Introduction du chapitre
2. Modèle chemo-poromécanique des bétons atteints de RSI
2.1. Volume d’ettringite différée formé
2.1.1. Quantités d’hydrates théoriques déterminées à partir de la composition chimique initiale du
anhydre 213
2.1.2. Détermination de la température seuil de dissolution/précipitation des hydrates
2.1.3. Réactions chimiques en période chaude (𝐓 > 𝐓𝐭𝐡, 𝐝)
2.1.4. Réactions chimiques en période froide (𝐓 < 𝐓𝐭𝐡, 𝐝)
2.1.5. Volume de produit expansif formé
2.2. Formulation poromécanique du modèle de RSI
2.2.1. Pression intraporeuse induite par la RSI
2.2.2. Critère de fissuration diffuse induite par la RSI
2.2.3. Endommagement induit par la RSI
2.3. Plasticité, endommagement, fluage et retrait
2.3.1. Schéma rhéologique
2.3.2. Plasticité macroscopique
2.3.3. Retrait
2.3.4. Fluage
2.3.5. Endommagement
2.4. Modélisation des armatures et de la précontrainte pour le recalcul d’ouvrages
2.4.1. Revue des méthodes de modélisation des armatures et de la précontrainte dans la littérature
2.4.2. Modélisation des armatures et de la précontrainte par méthode dite des armatures « réparties
2.5. Présentation d’un outil tableur utilisé pour le calage et les études complémentaires
3. Application du modèle chemo-poromécanique aux corps d’épreuve libres, armés et
de laboratoire
3.1. Modélisation physico-chimique des corps d’épreuve
3.1.1. Définition des paramètres pour la modélisation physico-chimique des corps d’épreuve
3.1.2. Modélisation du lessivage des alcalins
3.1.3. Volume d’ettringite différée formé
3.2. Modélisation poromécanique des corps d’épreuve
3.2.1. Paramètres matériaux pour le calcul des gonflements induits par la RSI
3.2.2. Méthodologie de calage des corps d’épreuve
3.2.3. Déformations des corps d’épreuve
3.2.4. Contraintes induites dans les corps d’épreuve
3.2.5. Endommagement des corps d’épreuve
3.2.6. Bilan de la modélisation des corps d’épreuve
3.2.7. Modification du modèle chimique de RSI pour la prise en compte de l’effet de la teneur
sur l’amplitude de gonflement
3.2.7.1. Loi de blocage de la précipitation d’ettringite différée en fonction de la teneur en alcalins
4. Application à un ouvrage réel atteint de RSI
4.1. Présentation de l’ouvrage
4.1.1. Géométrie et ferraillage de l’ouvrage
4.1.2. Chargement mécanique de l’ouvrage
4.1.3. Instrumentation de l’ouvrage et diagnostics RSI
4.1.4. Exploitation des données in situ en vue de la modélisation de l’ouvrage
4.2. Obtention des données d’entrée du modèle chemo-poromécanique
4.2.1. Modélisation thermique au jeune âge
4.2.2. Modélisation des transferts hydriques
4.2.3. Modélisation du lessivage des alcalins
4.3. Modélisation chemo-poromécanique de l’ouvrage
4.3.1. Méthodologie de calage et de validation du modèle
4.3.2. Champs de précipitation de l’ettringite différée au sein du fût
4.3.3. Analyse de la fissuration
4.3.4. Analyse de la déformation du fût
4.3.5. Analyse des contraintes dans le béton
4.3.6. Analyse des contraintes dans les armatures
4.3.7. Endommagement du béton
4.3.8. Discussion concernant la modélisation chemo-poromécanique de l’ouvrage atteint de RSI
5. Conclusion du chapitre.
CONCLUSION GENERALE
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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