Réalisation d’une détection homodyne impulsionnelle

Réalisation d’une détection homodyne impulsionnelle

Introduction au principe de la mesure homodyne

Les variables continues que nous souhaitons utiliser étant proportionnelles au champ électrique, il n’est pas possible d’utiliser un système de détection de type photodiode basé sur une mesure d’un terme quadratique au champ lumineux, comme l’intensité crête ou le nombre de photons. Par ailleurs, la fréquence d’oscillation du champ optique (⋍ 100 THz) est trop élevée pour envisager une mesure électronique directe de ce champ. Pour accéder au champ signal, il est alors nécessaire de considérer une mesure de battement relatif par rapport à un champ de référence. Lorsque cette référence est parfaitement synchrone au champ signal, un des termes de battement se trouve au voisinage de la fréquence nulle, ce qui est alors aisément mesuré électroniquement. Réalisation d’une détection homodyne impulsionnelle Ce principe, identique à celui d’une détection électronique synchrone, est illustré sur la figure 3.1. Le terme utile de battements est obtenu par interférences optiques entre le champ signal et un champ intense de référence, appelé oscillateur local. Le faisceau signal est mélangé avec l’oscillateur local sur une lame semi-réfléchissante, puis l’intensité de chaque voie est mesurée avec une photodiode de haute efficacité quantique. Pour supprimer les intensités moyennes mesurées par chaque photodiode qui n’apportent aucune information utile, les photocourants sont soustraits pour ne conserver que les termes croisés d’interférence signal-oscillateur local. Le signal utile en sortie est alors directement proportionnel à la composante du champ entrant en phase avec l’oscillateur local. Ce signal est de plus amplifié d’un facteur fixé par l’intensité de l’oscillateur local. Enfin, la fréquence de sortie est dans une gamme accessible aux composants électroniques. Le champ de référence étant parfaitement synchrone au champ signal, on parle alors d’un système de détection homodyne, par opposition à la détection hétérodyne où les champs signal et oscillateur local sont légèrement décalés en fréquence.

Particularités de nos expériences : résolution temporelle

Depuis la proposition théorique de Yuen et Chan en 1983 [33], le système de détection homodyne a été utilisé avec succès dans différentes applications de l’optique quantique ou du traitement quantique de l’information : mesure des états comprimés du champ [105, 106], tomographie quantique [30, 27, 28], téléportation quantique [146], cryptographie quantique [73]. La grande majorité des mesures est effectuée dans le domaine fréquentiel, même pour des expériences employant des impulsions lumineuses [106]. Ce choix de domaine résulte en partie du fait que la réalisation d’une détection homodyne y est plus simple techniquement. En effet, l’utilisation d’un analyseur de spectre permet de n’étudier qu’une bande spectrale étroite à une fréquence de l’ordre de quelques MHz et ainsi de filtrer efficacement tous les bruits techniques présents à des fréquences inférieures. Cette technique souffre cependant de certaines limitations pour une utilisation en traitement quantique de l’information : l’échange de symboles portant des informations nécessite obligatoirement de prendre en compte l’aspect temporel du message, donc d’utiliser une détection qui soit résolue en temps. Par ailleurs, une détection dans le domaine fréquentiel ne fournit généralement des informations que dans une bande latérale particulière. En régime impulsionnel, elle nécessite une moyenne sur plusieurs impulsions individuelles. La technique de détection homodyne résolue en temps que nous avons développée permet une application plus prometteuse pour la communication quantique. Pour chaque impulsion lumineuse incidente, l’électronique rapide de la détection échantillonne en temps réel une valeur de la quadrature du champ signal en phase avec l’oscillateur local. On peut alors directement décoder l’information portée sur les propriétés quantiques de chaque impulsion et accéder à la distribution statistique en quadrature en répétant ces mesures de nombreuses fois. Il est alors facile d’analyser ces transferts en terme d’information de Shannon (chapitre 1) ou bien de reconstruire la fonction de Wigner de l’état (chapitre 2). De plus, ce système peut fonctionner à des cadences élevées (de l’ordre du MHz), ce qui permet d’atteindre des débits d’informations élevés en cryptographie quantique [73], ou d’acquérir suffisamment de points en un temps raisonnablement court pour éviter des dérives expérimentales en tomographie quantique [128]. L’inconvénient majeur d’une détection homodyne impulsionnelle est la difficulté de sa réalisation expérimentale. D’une part, la bande passante de l’électronique doit être suffisamment large pour permettre une mesure résolue en temps et d’autre part, la mesure d’une composante de quadrature ne doit pas être noyée sous un bruit à basse fréquence. L’équilibrage entre les voies doit alors être le plus parfaitement réalisé et l’électronique doit afficher un très bas bruit sur l’ensemble de la plage spectrale utile. Des systèmes de détection homodyne impulsionnelle résolue en temps ont été développés au préalable par les équipes de Michael Raymer [26] et de Stefan Schiller [35, 30] pour des applications en tomographie quantique. Notre groupe a été le premier à utiliser expérimentalement un tel système pour échanger une clé secrète [73]. Cette réalisation a été rendue possible par les travaux de Frédéric Grosshans, Jiangrui Gao, Rosa Tualle-Brouri et André Villing qui ont largement participé à la conception du premier prototype à amplification de tension. Le second prototype à amplification de charge a été réalisé grâce aux contributions de Rosa Tualle-Brouri, Jérôme Lodewyck, Alexeï Ourjoumtsev et André Villing. Ce chapitre est entièrement dédié à l’étude d’une détection homodyne résolue en temps, des aspects théoriques (sections 3.1 et 3.2) à la réalisation expérimentale (sections 3.3 à 3.6). Nous aborderons ainsi la modélisation théorique d’une détection homodyne, l’influence des imperfections, et la discussion de la réalisation des deux prototypes utilisés.

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