Réduire la résistance aux médicaments

Réduire la résistance aux médicaments

Récemment, il a été montré que la vectorisation permettait également de contourner une résistance importante de certaines tumeurs: la résistance multidrogue. C’est cette résistance qui fait que de nombreux cancers, d’abord sensibles aux médicaments, finissent par développer des résistances aux chimiothérapies. Elle est en fait due à la présence de « glycoprotéines » au sein de la membrane des cellules cancéreuses. Ces pompes d’efflux, comme la Pglycoprotéine (P-gp), prennent en charge les molécules de médicament, puis les expulsent à l’extérieur de la cellule. Cela est assimilé à un mécanisme de défense naturelle de la cellule cancéreuse qui se «détoxifie » (figure 26) [114; 118; 135]. Figure 26: Mécanisme d’efflux par la glycoprotéine P-gp. Le raisonnement consiste alors à se dire que, si l’on enrobe ce médicament anticancéreux dans une nanomatrice polymère biodégradable telle que le polyhexylcyanoacrylate (PHCA) ou le polyalkylcyanoacrylate (PACA), on va le rendre invisible pour la P-gp, qui ne pourra donc pas la reconnaître ni l’expulser [114; 118; 136, 137]. Le laboratoire de C. Trépo (INSERM, Lyon) a montré l’efficacité de cette approche dans un hépatocarcinome humain présentant la résistance multidrogue. Lorsque ces cellules cancéreuses ont été incubées avec des concentrations croissantes de doxorubicine seule, pratiquement aucune activité anticancéreuse n’a été observée ; alors que vectorisée (PHCA-Dox), la molécule a présenté une cytotoxicité vis-à-vis des cellules cancéreuses. Des tests ont également été menés in vivo sur un hépatocarcinome multirésistant chez la souris transgénique. Les mesures ont montré que seules les nanoparticules de PHCA chargées en doxorubicine conduisent à une apoptose (mort) des cellules cancéreuses, alors que l’introduction de doxorubicine sous forme d’une simple solution conduit à un niveau d’apoptose faible, similaire à celui observé lors de l’administration de nanoparticules sans anticancéreux ou lors de l’administration d’un placebo sous forme d’une solution aqueuse de glucose à 5% (figure 27) [138]. 55 Figure 27: Résultats par comptage histologique des tests in vivo sur des souris transgéniques porteuses d’un hépatocarcinome multirésistant [138]. Ces exemples montrent que les nanomédicaments peuvent, dans certaines circonstances, permettre de contourner des mécanismes de résistance des cellules cancéreuses aux médicaments. Néanmoins, les résultats précédents ne concernent que des pathologies tumorales localisées dans le foie. Il est donc intéressant de savoir si l’activité anticancéreuse peut être étendue à d’autres organes. 

Contourner les défenses du foie pour cibler d’autres organes : les nanovecteurs de deuxième génération

Comme expliqué précédemment, les opsonines qui viennent se fixer sur la surface des nanovecteurs sont responsables de leur capture par le foie. Pour contourner ce ciblage au niveau hépatique, l’idée est de « décorer » la surface de ses nanovecteurs par des chaînes de polymères hydrophiles et flexibles, capables de ce fait de repousser ces opsonines. L’adsorption des opsonines à la surface des nanoparticules est fortement influencée par la taille et les propriétés de surface de ces dernières. Il a été montré que plus le rayon des particules est faible, plus la résidence vasculaire 56 est prolongée car la valeur du rayon de courbure influe sur la nature et/ou la quantité d’opsonines adsorbées. De nombreuses études ont également montré que plus la surface des particules est hydrophobe, plus la quantité de protéines plasmatiques adsorbées est importante [133; 139]. Une fois encore, l’apport de la chimie est important, en particulier dans le concept physico-chimique de « répulsion stérique » utilisé ici, à l’aide de nanovecteurs dits de deuxième génération. Ils sont également dits « furtifs » car ils ne sont pas reconnus par le foie (plus précisément par les cellules de Kuppfer du système réticulo-endothélial) et ne vont pas s’y concentrer [133; 140, 141]. Ainsi pour allonger la demi-vie plasmatique des médicaments et atteindre d’autres organes que le foie, un nanovecteur a été développé à partir de polymère biodégradable précédemment utilisé pour les nanovecteurs de première génération, mais auquel ont été greffées des chaînes de polyéthylène glycol (PEG) (figure 28 A). 57 Figure 28: Pharmacocinétique d’un nanovecteur PEGylé pour ciblage des tumeurs par effet EPR [114]. Ensuite on obtient ainsi un nanovecteur de deuxième génération dit «PEGylé» (figure 28 B). C’est un copolymère amphiphile qui, placé dans l’eau, s’autoorganise avec les parties hydrophiles de polyéthylèneglycol (PEG) en surface du vecteur, la partie hydrophobe à l’intérieur étant formée des chaines de PHDCA et dans laquelle il est possible de piéger le médicament [140, 141]. Au cours d’expériences comparatives, il a été observé qu’après injection intraveineuse de nanoparticules non PEGylées, celles-ci disparaissent de façon extrêmement rapide et massive du compartiment sanguin: elles sont captées par le foie. Au contraire, les nanoparticules PEGylées sont présentes beaucoup plus 58 longtemps dans la circulation sanguine: étant partiellement furtives vis-à-vis des cellules du foie, elles sont beaucoup moins captées par cet organe (figure 28 C). Ce résultat témoigne de leur meilleure efficacité en termes de pharmacocinétique [142]. Cette augmentation du temps de circulation va leur permettre de cibler d’autres tumeurs. Or les études histologiques montrent que, dans un tissu sain, l’endothélium vasculaire est dit jointif, c’est-à-dire que les jonctions intercellulaires sont serrées, ce qui empêche les nanovecteurs de pénétrer dans ce tissu. Inversement, au niveau des tissus cancéreux, on observe une réaction inflammatoire, caractérisée par l’arrivée de macrophages et une libération de toute une série de cytokines, qui induit une augmentation de la perméabilité vasculaire. Mécaniquement, cette augmentation de perméabilité va permettre aux nanoparticules de pénétrer dans le tissu cancéreux par diffusion. Il y’aura donc une pénétration ciblée au niveau de la tumeur (ciblage passif), en raison de la réaction inflammatoire. Cet effet est appelé effet EPR [143-148]. L’effet EPR serait attribuable à certaines propriétés uniques telles que la présence de défauts au niveau de l’architecture des vaisseaux sanguins (diamètre des pores de l’endothélium plus grand), l’angiogenèse (formation de nouveaux vaisseaux sanguins), un drainage lymphatique défectueux et la sécrétion de molécules qui accentuent la perméabilité des vaisseaux sanguins de la tumeur favorisant l’accumulation des NPs dans les tissus tumoraux (figure 29) .

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