Rôle du but lucratif dans l’assujettissement des A.S.B.L. à l’impôt des sociétés

Définition

L’alinéa 3 de l’article 1 de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes dispose que :

« L’association sans but lucratif est celle qui ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales, et qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel ».

L’A.S.B.L. est donc définie sur base de deux interdictions cumulatives:
1. Interdiction de se livrer à des opérations industrielles ou commerciales ;
2. Interdiction de procurer à ses membres un gain matériel.

Interdiction de se livrer à des opérations industrielles ou commerciales

Différentes thèses

Différentes interprétations ont été données à cette interdiction :

Deux thèses ont retenu l’attention. Ces deux thèses estiment que l’A.S.B.L. peut se livrer à des activités commerciales pour autant que celles-ci restent « accessoires ». Les deux thèses ne retiennent toutefois pas la même définition du terme «accessoire». Selon une première thèse, l’A.S.B.L. peut se livrer à toute opération industrielle ou commerciale tant que le profit réalisé est affecté à la fin désintéressée de l’A.S.B.L. (ci-après « la thèse libérale »). Selon une deuxième thèse, seules les opérations industrielles ou commerciales quantitativement moins importantes que les activités désintéressées et nécessaires à la réalisation du but sont autorisées (ci-après « la thèse restrictive »).

La thèse restrictive 

Selon les partisans de cette thèse, trois conditions doivent être remplies pour que l’activité puisse être exercée par l’A.S.B.L. :
1. Elle est accessoire ;
2. Elle est nécessaire à la réalisation du but ;
3. Le bénéfice est affecté à la réalisation du but.

Elle est accessoire
Selon les partisans de la thèse restrictive, cette condition implique que l’activité accessoire doit obligatoirement être quantitativement moins importante que l’activité principale . Les moyens consacrés à l’activité commerciale ou industrielles doivent alors être moins importants que les moyens consacrés à l’activités désintéressée.

Elle est nécessaire à la réalisation du but
L’importance du lien exigé entre l’activité et la finalité est controversée en jurisprudence et en doctrine. Cette condition implique, selon T. KINT, qu’il doit exister un lien direct ou indirect entre l’activité accessoire et l’activité principale ou la finalité de l’A.S.B.L.. Selon V. SIMONART, il ressort des travaux préparatoires de la loi de 1921 qu’il suffit que l’activité soit nécessaire au financement de l’activité principale ou de la finalité désintéressée de l’A.S.B.L., condition qui serait facilement rencontrée . Selon M. COIPEL et M. DAVAGLE, partisans de la thèse libérale, cette condition n’a pas de portée significative. Une fois, que l’ensemble des bénéfices est affecté à la réalisation du but désintéressé, cette condition serait remplie . La Cour de cassation indique dans son arrêt du 3 octobre 1996 qu’il ne suffit pas que l’activité soit simplement utile à la finalité désintéressée de l’A.S.B.L. Selon cet arrêt, il ne suffit pas que l’ensemble des bénéfices sont affectés à la réalisation du but désintéressé. Il faut un lien entre l’activité et le but désintéressé même si celui-ci peut être interprété souplement.

Le bénéfice est affecté à la réalisation du but
Cette condition implique en réalité deux interdictions :

• Interdiction de distribuer les bénéfices aux membres (voir infra) ;
• Interdiction de constituer des réserves non affectées au but désintéressé.

On admet que les A.S.B.L. peuvent conserver des bénéfices en réserves, dans les limites d’une saine gestion. Une association peut parfaitement constituer une réserve en prévision des mauvais jours ou pour le lancement ou le développement d’une activité. La seule condition est que les réserves présentent un lien avec la finalité. Les réserves doivent être destinées à la réalisation de l’objectif désintéressé de l’A.S.B.L. Pour faire simple, l’A.S.B.L. a l’obligation de réinvestir l’ensemble de ses bénéfices dans l’optique de la réalisation de l’objectif désintéressé qu’elle poursuit.

Critique de la thèse restrictive

Selon les partisans de la thèse libérale, la thèse restrictive n’a pas de fondement en droit. Les conditions qu’elle pose relève de la théorie de l’accessoire selon laquelle l’élément accessoire prend les caractéristiques fondamentales d’un élément principal auquel il est lié, laquelle n’a aucun rôle à jouer dans la matière qui nous occupe. L’activité accessoire d’une A.S.B.L. est de type commercial mais de nature civile. Elle a donc la même nature que l’activité principale. La théorie de l’accessoire n’a aucun rôle à jouer sur ce point. L’activité accessoire est lucrative mais la théorie de l’accessoire ne peut pas rendre cette activité accessoire non lucrative parce que l’activité principale a cette nature .

Table des matières

1 Introduction
2 Première partie : Définition de l’A.S.B.L. sous la loi de 1921
2.1 Définition
2.2 Interdiction de se livrer à des opérations industrielles ou commerciales
2.2.1 Différentes thèses
2.2.2 La thèse restrictive
2.2.2.1 Elle est accessoire
2.2.2.2 Elle est nécessaire à la réalisation du but
2.2.2.3 Le bénéfice est affecté à la réalisation du but
2.2.3 Critique de la thèse restrictive
2.2.4 La thèse libérale
2.2.5 Réception des deux thèses en jurisprudence
2.2.5.1 Jurisprudence de la Cour de cassation
2.2.5.2 Jurisprudence des autres cours et tribunaux
2.3 Interdiction de procurer à ses membres un gain matériel
2.3.1 Notion de gain matériel
2.3.2 Enrichissement indirect des membres
2.3.3 Enrichissement de tiers
2.4 Requalification d’une A.S.B.L. en société
3 Deuxième partie : Critères d’assujettissement
3.1 Impôt des sociétés
3.1.1 Être régulièrement constitué
3.1.2 Avoir la personnalité juridique
3.1.3 Avoir son domicile fiscal en Belgique
3.1.4 Se livrer à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif
3.1.4.1 Se livrer à une exploitation
3.1.4.2 Se livrer à des opérations à caractère lucratif
3.1.4.2.1 Les occupations lucratives
3.1.4.2.2 Les occupations de caractère lucratif, mais sans but lucratif
3.1.4.3 Distinction entre exploitation et opérations à caractère lucratif
3.1.4.4 Porte de sortie : les activités autorisées
3.1.5 Ne pas être exclu du champ d’application de l’impôt
3.1.6 But de lucre du contribuable
3.1.6.1 Définition
3.1.6.2 But de lucre et réserves
3.1.6.3 Rôle du but lucratif dans l’assujettissement des A.S.B.L. à l’impôt des sociétés
3.2 Impôt des personnes morales
3.2.1 Raisonnement
3.2.2 Exploitation et opérations de caractère lucratif
3.2.3 Exclusion sur base des articles 180 et 181 du C.I.R.
3.2.4 Opérations lucratives autorisées
3.2.4.1 Les opérations isolées ou exceptionnelles
3.2.4.2 Placement des fonds récoltés
3.2.4.3 Les opérations « accessoires » ou ne mettant pas en œuvre des méthodes industrielles ou commerciales
3.2.4.3.1 Les activités ne comportant qu’accessoirement des opérations industrielles, commerciales ou agricoles
3.2.4.3.2 Le critère quantitatif
3.2.4.3.3 Le critère de corrélation
3.2.4.3.4 Autre critère : l’affectation des bénéfices
3.2.4.4 Les opérations ne mettant pas en œuvre des méthodes industrielles ou commerciales
Conclusion

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