SITUATIONS-PROBLEMES COMME INTRODUCTION AUX PROBABILITES ET A L’ECHANTILLONNAGE

SITUATIONS-PROBLEMES COMME INTRODUCTION AUX PROBABILITES ET A L’ECHANTILLONNAGE

Probabilités : la bouteille de Brousseau

  Motivations

 Les probabilités ne constituent pas un chapitre nouveau à l’arrivée en classe de seconde. Fort d’une intuition souvent sollicitée et d’un travail au collège, les élèves se disent souvent à l’aise avec les probabilités et récitent les situations des exercices traditionnels qu’ils ont déjà rencontrés : lancer de dé, d’une pièce, etc. Les probabilités sont désormais introduites dès la classe de 5ème et l’approche fréquentiste est préconisée en classe de 4ème . Pourtant la définition générale d’une probabilité, hors de tout exemple particulier, est beaucoup plus difficile à obtenir. Il est vrai que la question est difficile : il n’y a qu’à faire l’expérience sur des adultes, les mots manquent rapidement et les références deviennent circulaires. Elle contient d’ailleurs dans l’approche fréquentiste une notion implicite de limite qui ne sera formalisée que bien plus tard. Le document IREM (Groupe IREM « Ressources TICE pour la formation et l’enseignement », 2015) analyse les questions soulevées par l’introduction des probabilités. L’extrait ci-dessous porte à l’origine sur les anciens programmes et le traitement des probabilités en classe de 3ème mais les questions d’ordre général nous semblent toujours pertinentes : « Les programmes […] préconisent une double approche de la notion de probabilité : fréquentiste et théorique. Mais laquelle choisir pour introduire la notion de probabilité ? A quel moment, en classe, poser une définition d’une probabilité ? Quelle définition ? Les programmes préconisent également de recourir à l’expérimentation à travers des situations familières pour les élèves. Expérimenter ou manipuler ? Dans ce cadre institutionnel, il s’agit donc de faire entrer les élèves dans un processus de modélisation à un moment d’un processus d’enseignement, choisi par l’enseignant.  » Dans l’aménagement du programme de 2nde, il est écrit que les « objectifs visés par l’enseignement des probabilités à l’occasion de résolution de problèmes » sont notamment de « rendre les élèves capables d’étudier et modéliser des expériences relevant de l’équiprobabilité » et de « proposer un modèle probabiliste à partir de l’observation de fréquences dans des situations simples ». Le but recherché par l’activité d’introduction aux probabilités que nous proposons est similaire à ce qui est fait en troisième (elle peut d’ailleurs tout à fait être proposée à ce niveau). Il s’agit avant tout de remobiliser ces connaissances et d’asseoir, si ce n’est dans un langage formel au mois dans l’intuition, la définition d’une probabilité par l’approche fréquentiste. 

 Présentation et analyse a priori

 L’expérience de la bouteille de Brousseau porte le nom de son créateur le didacticien Guy Brousseau qui l’a décrite pour la première fois en 1974 dans l’article « Une expérience de premier enseignement des statistiques et des probabilités », après l’avoir testée en classe de CM2. L’énoncé original est le suivant : « Une bouteille contient 5 jetons d’au plus deux couleurs différentes, noire et blanche. L’enseignant ne connait pas la composition. Quelle est la composition de la bouteille ? Ouvrir la bouteille n’est pas autorisé.  » Il faut préciser que la bouteille est opaque et que l’on ne peut voir qu’un jeton à la fois, au niveau du goulot. Cette expérience nous a aussi été présentée lors de l’UE Probabilités de l’ESPE pendant notre année de formation, et nous avons décidé de la proposer à notre classe de 2nde, après quelques modifications et prolongements que nous détaillerons plus loin. La méthode attendue est de tirer de nombreuses fois un jeton, de noter les couleurs obtenues puis de calculer la fréquence associée à chaque couleur, que l’on ramène alors au total de billes (cinq) pour obtenir une prédiction d’autant plus fiable que le nombre de tirages est important. Cette situation-problème présente à première vue de nombreux avantages. L’analyse qui suit est personnelle mais inspirée principalement de ce qui nous a été présenté à l’ESPE. Tout d’abord la formulation du problème est simple, épurée de tout formalisme ou vocabulaire mathématique, si bien qu’elle permet à tous les élèves de se saisir du problème. D’autre part, la manipulation concrète, qui joue un rôle fondamental dans la construction du savoir dans le cycle primaire, est ici remise au goût du jour pour une meilleure appropriation des notions sous-jacentes. Le fait que l’exercice s’incarne dans une bouteille concrète permet également une auto-validation objective, indépendante de l’enseignant qui ne connaît d’ailleurs pas lui-même le résultat dans cet énoncé original. Il est interdit d’ouvrir la bouteille pendant l’expérience, mais on sait que le résultat attendu n’est qu’à portée de bouchon, et qu’il se vérifiera en dernier recours en ouvrant la bouteille. Enfin la question « Quelle est la composition de la bouteille ? » est surprenante. Il ne s’agit pas simplement de donner son avis mais bien de trouver un résultat, de construire une certitude. Le premier réflexe est d’ailleurs d’affirmer qu’on ne peut pas savoir. A priori, la difficulté réside justement dans le passage de ce cap, dans la transformation du jugement et de l’intuition en un raisonnement et une méthode. L’énoncé est sur ce point un peu trompeur puisqu’il paraît clair, y compris aux élèves il nous semble, qu’en pareille occasion il ne peut y avoir de certitude absolue : on peut malencontreusement tirer toujours un jeton noir par exemple. Il faut alors ne pas renier le problème en bloc, et chercher plutôt une prédiction éclairée par un raisonnement solide. C’est cette incertitude sur un tirage particulier qui rend les probabilités ludiques mais qui dans le même temps peut ne pas inciter les élèves à chercher plus loin. L’approche fréquentiste n’est ici pas évidente, puisque les données du problème font penser à un calcul de probabilité dans le cas de l’équiprobabilité. De la même manière, si l’on demandait à un élève de vérifier que la probabilité de tirer un 1 au dé est bien de 1/6, il invoquerait beaucoup plus facilement la définition théorique qui rend la question évidente plutôt que de se lancer dans de nombreux tirages fastidieux. D’autres difficultés peuvent apparaître dans cette grande autonomie laissée aux élèves, comme le nombre de tirages à effectuer (quand s’arrêter ?), et le passage du nombre de jetons noirs tirés à la fréquence de jeton noirs tirés. Même si le chapitre de statistiques a été vu plus tôt dans l’année, cela n’est pas toujours évident. Enfin, comme préconisé par (Groupe IREM « Ressources TICE pour la formation et l’enseignement », 2015), cette activité a un prolongement naturel grâce à l’outil informatique qui permet de simuler un grand nombre de tirages, et ainsi d’observer directement sur le graphique la convergence des fréquences vers une valeur limite qu’on appellera alors probabilité. On peut également simuler des bouteilles avec un grand nombre de jetons et comprendre qu’il faut un nombre d’essais beaucoup plus important (trop fastidieux pour être mis en œuvre en pratique avec des bouteilles) pour obtenir une prédiction stable et à peu près certaine. Il faut donc Figure 2 : une bouteille par groupe Figure 4 : Tirage bleu amener les élèves à se rendre compte des limites de la manipulation physique pour mieux s’en affranchir par la simulation informatique (qui nécessite néanmoins que le modèle de la bouteille, et donc sa composition, aient étés programmés au préalable). 

 Mise en place 

Nous avons donc mis en place cette activité en classe de seconde, dans le but d’introduire ou de remobiliser l’approche fréquentiste des probabilités et dans un souci de pouvoir y faire référence à la fois dans le cours, les exemples et les chapitres ultérieurs comme l’échantillonnage. Notre classe de 2 nde a 27 élèves, et cette activité a été proposée en demi-groupe. Les élèves ont été répartis au volontariat dans des groupes de 3 ou 4 élèves, organisés en ilots. Chaque groupe possédait une bouteille opaque dans lesquelles ont été placées des billes de couleurs bleue et blanche. Un trou dans le bouchon permettait de voir la couleur d’une bille à la fois. Il était précisé que le nombre total de billes dans chaque bouteille est de cinq, afin de ne pas compliquer l’expérience dans un premier temps, et il fallait donc retrouver la composition de chaque bouteille. Le contenu de chaque bouteille était identique mais les élèves ne le savaient pas, et nous nous sommes servis de cette information au cours de l’activité pour confronter des résultats contradictoires. Le document qui nous a servi pour guider le déroulement de cette séance, ainsi que des photos du dispositif se trouvent en annexe 1. Pour les détails pratiques, nous avons utilisé des petites briques de jus de fruit qui ont l’avantage d’avoir un goulot suffisamment petit pour ne laisser passer qu’une bille et sont déjà opaques. Voici des photos du dispositif proposé aux élèves : Figure 1: une bouteille et son contenu Figure 3 : Tirage blanc Il se trouve que l’expérience avec la bouteille et son exploitation ont pris plus de temps qu’estimé, et la simulation informatique a donc fait l’objet d’une séance complète, également en demi-groupe. L’énoncé de ce TP informatique qui a donc pour but de constater la convergence des fréquences avec différents paramètres tout en familiarisant les élèves avec les commandes usuelles du tableur se trouve en annexe 2. La simulation des tirages bleu et blanc se fait à l’aide d’une « macro » que nous avons implémentée et qui permet de reconstituer l’effet séquentiel des tirages. A chaque nouveau tirage, le graphique « fréquence observée en fonction du nombre de tirage effectués » s’enrichit d’un nouveau point. Chaque partie de l’activité, physique et informatique, a duré une heure en tout, pour chaque demi-groupe. 

 Analyse des productions d’élèves et retour critique 

Dans l’ensemble, les élèves ont bien accepté la situation proposée malgré un temps à expliquer qu’il ne fallait ni dévisser le bouchon ni essayer de regarder à l’intérieur. Certains élèves ont d’ailleurs proposé des contournements intelligents que nous n’avions pas anticipés, comme celui de faire une marque distinctive au stylo sur chacune des billes à travers le bouchon percé, pour en compter plus facilement le nombre. Il a fallu aussi pour un nombre non négligeable d’entre eux leur montrer le geste pour effectuer un tirage élémentaire (retourner la bouteille au-dessus de ses yeux), et j’ai pu constater y compris sur des adultes que ce n’était pas toujours intuitif. Dans le deuxième demi-groupe, alors que certains groupes sont partis beaucoup plus rapidement sur la bonne méthode, il a paradoxalement fallu sans cesse recadrer pour éviter que l’activité ne dérive en un jeu sans intérêt mathématique. De manière générale, l’enjeu a été bien compris mais la plupart se sont contentés de peu de tirages et donc de conclusions peu probantes. Voici par exemple la production d’un groupe qui s’est arrêté tôt : L’envie d’aller jusqu’au bout du raisonnement a été un moteur moins puissant qu’escompté. Surtout, le passage à l’écrit pour expliquer leur méthode a été une difficulté pour la grande majorité des groupes, comme on peut le constater sur l’ensemble des productions d’élèves en Annexe 3 dont voici un exemple : Nous voyons plusieurs raisons à cela. Nous pensons qu’ils n’ont pas assez l’habitude de narrer leurs recherches (et il est vrai que c’était le premier exercice de ce type avec eux depuis le début de l’année) et il y a une réticence à coucher sur papier des raisonnements ou des bribes d’idées qu’ils considèrent comme fausses ou non abouties – une réticence que l’on retrouve parfois dans les ratures de réponses pourtant intéressantes dans des productions plus classiques. De ce point de vue, cette activité a peut-être permis de vaincre en partie cette réticence. Souvent, en leur demandant de nous expliquer l’état de leur réflexion, il fallait insister pour qu’ils écrivent ce qu’ils venaient de dire, et seul cet aval donné et répété par l’enseignant pouvait les convaincre de se lancer. Ensuite, peut-être que le contraste entre cette activité d’aspect très libre et la contrainte de la rédaction était trop net, qu’il aurait fallu attendre davantage que leurs réflexions se structurent. Enfin, la maîtrise de la langue française est un blocage pour certains d’entre eux. En tous cas, il a fallu passer du temps pour faire émerger l’intérêt de beaucoup de tirages, de celui de calculer la fréquence (en rappelant ce que c’était) et d’en déduire le nombre de billes de chaque couleur. Parmi les pistes intéressantes, un groupe a dessiné des diagrammes en arbre parce qu’il a reconnu des probabilités et que cela leur semblait une méthode traditionnelle de résolution de ces problèmes. L’idée de la fréquence est tout à fait présente, mais curieusement (peut-être pour des questions de place pour l’arbre qui pourtant ne joue pas de rôle), le groupe a réalisé plusieurs séries de 4 tirages puis a calculé la moyenne des résultats obtenus. Le résultat est équivalent à calculer la fréquence sur l’ensemble des tirages mais présente en plus l’avantage de donner une idée du résultat final après chaque série

Table des matières

Introduction
I Probabilités : la bouteille de Brousseau
1) Motivations
2) Présentation et analyse a priori
3) Mise en place
4) Analyse des productions d’élèves et retour critique
5) Bilan
II Echantillonnage : un problème de sex-ratio
1) Motivations
2) Présentation et mise en place
3) Analyse de la séquence
Introduction du problème
TP informatique
Taille de l’échantillon
4) Bilan
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Expérience de la bouteille de Brousseau – Document personnel pour en guider le déroulement et photos du dispositif
Annexe 2 : Expérience de la bouteille de Brousseau – Enoncé du TP informatique distribué aux élèves .
Annexe 3 : Productions des élèves pour l’expérience de la bouteille de Brousseau
Annexe 4 : Fiches de lecture .
(Dutarte, Octobre 2013) : « Du bon usage d’un intervalle de fluctuation », de Philippe Dutarte,dans APMEP n°505
(Cerclé, Avril 2013) « Quelques interrogations du professeur de lycée autour des intervalles de fluctuation », de Véronique Cerclé, dans Repères – IREM n°91, 2013
(Sotura, Janvier 2013) Une activité pour initier à la statistique inférentielle en classe de seconde, de Brigitte Sotura dans APMEP n°502
(Parnaudeau, Octobre 2013) Statistiques inférentielles : un débat scientifique en classe de seconde, de Jean-Marie Pernaudeau dans APMEP n°505
Annexe 5 : Documents élèves pour les activités de la séquence échantillonnage

projet fin d'etude

Télécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *