Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant

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Du moyen âge au XIXème siècle.

L’avènement du christianisme impose de nouvelles règles qui éloignent le nourrisson de sa mère. En effet l’allaitement n’est pas compatible avec la reprise des rapports sexuels au risque de gâter le lait. Le choix de la nourrice est donc imposer par le père.
La mise en place d’une tierce personne à l’allaitement, la nourrice, s’est d’abord inscrite dans le système de solidarité féodale : le paysan nourrit le seigneur qui en retour le protège, la paysanne nourrit le riche bambin qui, par sa mère, assume ses fonctions de bienfaisance.(1)
Jusqu’à la fin du moyen âge, la mise en nourrice ne concerne que les milieux dirigeants.
(2) Puis l’essor des villes change ces relations. La ville amène de nouveaux modes de vie. Face à la saleté omniprésente, les enfants qui meurent dans les rues, les riches décident
d’envoyer leurs enfants à la campagne chez des nourrices. D’ailleurs on retrouve ces idées chez de grands auteurs, ainsi Montaigne (1533-1592) considère la simplicité de la vie rustique comme bienfaisante pour les petits enfants, préférable à l’agitation des grandes villes.
Ces nouveaux modes de vies tendent à diminuer la relation charnelle et affective de l’enfant et sa mère. En effet, le voyage jusqu’à la campagne étant long et inconfortable, les citadines voient rarement leur enfant.
Pourtant au XVIème siècle, de nombreux médecins font éloge de l’allaitement par la mère. L’allaitement est source de plaisirs des sens et du cœur. Ainsi Amboise Paré (1510-1590) écrit : « Or y a-t-il une sympathie des mamelles à la matrice : car chatouillant le tétin, la matrice se délecte aucunement et sent une titillation agréable, parce que ce petit bout de la mamelle a le sentiment fort délicat, à cause des nerfs qui y finissent. A quoi la femme sent une grande délectation, et principalement quand le lait y est en abondance. ».(3)
Pourtant, en France, l’allaitement par la nourrice demeure. Au XVIIIème siècle, ces pratiques ne sont plus réservées qu’à la couche supérieure de la société. Les couches modestes y ont recours du fait de la 1ère révolution industrielle. Les épouses des artisans aident leurs maris au travail et n’ont plus le temps d’allaiter. Elles allaitent le ou les premiers-nés et confient les autres à une dame de la même ville ou du faubourg voisin.(1) A Paris en 1780, selon les chiffres du lieutenant de police Lenoir, sur 21 000 naissances par an, seuls 1 000 nouveau-nés sont allaités par leurs mères. (2)
Il se développe alors un réel marché de la nourrice : celles engagées par les riches familles, maternant les enfants des autres au détriment des leurs, et celles engagées par les hôpitaux, peu payées, s’occupant d’abord de leur progéniture.
Les philosophes mènent une croisade contre les nourrices. La mère doit nourrir son enfant : si elle a eu la force d’accoucher elle aura la force de le nourrir. En 1762, Rousseau (1712-1778) écrit dans Emile : « Où j’ai trouvé le soin d’une mère ne dois je pas l’attachement d’un fils ? Voulez-vous rendre chacun à ces premiers devoirs, commencez par les mères ».(4) L’offensive philosophique permet une évolution des mentalités. Au XVIIIème siècle, dans les grandes villes, de grandes dames éclairées fondent des associations en faveur de l’allaitement maternel comme la charité maternelle à Paris ou la Junta de Damas à Madrid. Celles-ci ont pour finalité de secourir les pauvres mères en les nourrissant … sous certaines conditions dont celle de donner le sein. Dans les milieux bourgeois, pour garder un œil sur la relation enfant-nourrice, les nourrices ne sont plus dans les campagnes mais dans la famille.
Face à un taux de mortalité toujours croissant (25% en 1850), les médecins tentent aussi de revoir l’alimentation du nourrisson.(1)

Une révolution du corps médical.

Face à une pénurie de nourrices et un taux de mortalité infantile préoccupant, les médecins tentent de créer du lait artificiel, en nourrissant les enfants trouvés et recueillis dans les
hospices avec du lait de différents animaux. Cette méthode se révèle être un échec. Toutefois, la curiosité médicale se poursuit et des autopsies sont faites systématiquement, les observations s’accumulent… . Les médecins apprennent de plus en plus sur les maladies infantiles et le 1er hôpital pour enfants malades se crée en 1800. La nutrition des nourrissons devient ainsi un objet de sciences et d’études dont l’expérience et le savoir des femmes sont écartés. (1)
Mais, le plus grand tournant reste marqué par l’apparition de la pasteurisation (le lait devient comestible pour le nourrisson) et de la stérilisation (biberons et tétines ne risquent plus de transmettre des maladies contagieuses) au XIXème siècle. Même si les médecins continuent d’encourager l’allaitement maternel, ils recommandent le lait artificiel dans les hospices où le lait de femme est rare. Le triomphe du biberon bouleverse, de proche en proche, tous les rapports sociaux et toutes les relations interpersonnelles concernées par l’allaitement.
A la fin du XIXème siècle, les médecins comprennent la qualité du lait maternel, la quantité bue par le nourrisson et la physiologie du sein, de nouvelles règles apparaissent : ne pas donner le sein quand il pleure, pas plus de 6 tétées de 15 min par jour, la nuit 6 à 8h de repos complet … Allaiter n’est plus un plaisir décrit par Amboise Paré, ce n’est plus une édification morale énoncée par Rousseau, mais d’avantage une technique d’hygiène, codée, minutée et répétitive. En 1919, ouvre la première école de puériculture (fondation Franco-américaine). Le divorce entre le savoir empirique des femmes, intuitif et traditionnel et le savoir objectif et novateur de l’Homme bouleverse. Les femmes de classe aisée ont des difficultés à prendre confiance en elles. Une partie du corps médical les conforte dans leur manque de confiance. Pour exemple, il est reconnu que « les seins sont souvent atrophiés chez les femmes qui travaillent cérébralement » (5)
Le début du XXème siècle est marqué par un déclin de l’allaitement maternel. La disparition des nourrices, la découverte de la pasteurisation, l’introduction du lait de vache concentré en poudre, la modernisation de la vie, le travail des femmes, les intérêts commerciaux de l’industrie alimentaire (« business » de l’alimentation artificielle) sont autant de raisons à ce déclin.(1) Les années après la seconde guerre mondiale sont aussi en défaveur de l’allaitement maternel. De nombreux facteurs expliquent la diminution de la pratique de l’allaitement maternel. D’une part l’accouchement à l’hôpital associé au manque de temps du personnel soignant (du fait d’un rythme des naissances soutenu : le « baby boom ») permet peu de souplesse dans l’organisation avec des règles codés par le corps médical : jeûn de 24 heures après la naissance pour l’enfant (les effets du colostrum ne sont connus qu’en 1970), tétée de 15 minutes toutes les 3 heures … .(6) D’autre part, les mouvements féministes pour l’égalité de la femme : accès à la contraception, liberté dans
l’activité professionnelle … veulent se démarquer de l’image de la femme allaitante et maternelle.(7) L’allaitement maternel décline peu à peu pour atteindre, en 1972, le taux le plus bas avec 36% d’allaitement maternel.(6)

Le retour de l’allaitement maternel.

L’allaitement maternel a souvent été jugé comme contraignant, peu compatible avec le mode de vie des femmes des classes sociales supérieures. De tous temps, les nourrices ont existé. Ce phénomène a connu une ampleur maximale en France au XVIIIème siècle, mais touchait d’avantage la population urbaine en particulier parisienne ; on peut penser qu’ailleurs l’allaitement maternel restait majoritaire.
La fin du XIXème siècle a été marquée par les progrès de l’hygiène et de la puériculture. Le docteur Budin (1846-1907) crée la  » Goutte de lait « , première consultation pour nourrissons à Fécamp, où l’on encourage l’allaitement maternel mais où l’on distribue également du lait pasteurisé. L’alimentation artificielle a donc pu être valorisée car associée, à partir de cette période, à deux effets bénéfiques : une baisse de la mortalité et un rapprochement mère-enfant.
Il faudra attendre les années 80 pour voir apparaitre un regain de l’allaitement maternel. Des initiatives nationales et internationales pour encourager l’allaitement maternel sont mises en place. En 1978, l’OMS et l’UNICEF font de la promotion de l’allaitement maternel un de leurs objectifs principaux. La Stratégie de retour de l’allaitement maternel s’appuie sur la création du Code International de Commercialisation des substituts du lait maternel, la Déclaration d’Innocenti et l’initiative conjointe OMS /UNICEF Hôpital ami des bébés. (8)
Plus récemment en France, un décret, interdisant la distribution gratuite d’aliment pour nourrissons dans les maternités a été promulgué. (7)

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I/ L’allaitement d’hier à aujourd’hui
I-1/ L’allaitement : un peu d’histoire
I-1-1/ Dans l’antiquité, Ere gréco-romaine
I-1-2/ Du moyen âge au XIXème siècle
I-1-3/ Une révolution du corps médical
I-1-4/ Le retour de l’allaitement maternel
I-2/ L’Allaitement, aujourd’hui en France
I-2-1/ Les chiffres de l’allaitement maternel en France
I-2-2/ Disparités territoriales de l’allaitement maternel
I-2-3/ L’allaitement en Europe
II/ Recommandations actuelles et moyens mis en oeuvre
II-1/ Pourquoi développer ces stratégies ?
II-1-1/ Pour la santé de la mère et de l’enfant
II-1-2/ Pour l’aspect économique
II-2/ Recommandations actuelles et moyens mis en oeuvre
II-2-1/ Recommandations
II-2-2/ Moyens mis en oeuvre
II-2-2-1/ Le Code International de Commercialisation
des substituts du lait
II-2-2-2/ Dix conditions pour un allaitement réussi
II-2-2-3/ La Déclaration d’Innocenti
II-2-2-4/ L’initiative conjointe OMS /UNICEF Hôpital ami des bébés
II-2-2-5/ Stratégie mondiale pour l’alimentation du nourrisson
et du jeune enfant
II-3/ Le choix d’une politique en faveur de l’allaitement maternel
au CHU de Caen
III Co naitre
DEUXIEME PARTIE
I/ Matériel et méthode
I-1/ L’objectif de l’étude
I-2/ La population étudiée
I-3/ La méthode
I-3-1/ L’élaboration du questionnaire
I-3-2/ Test du questionnaire
I-3-3/ Distribution du questionnaire
II/ Les résultats
II-1/ Caractéristiques de la population
– l’âge
– le niveau d’études
– le choix d’alimentation
II-2/ Sources d’informations recueillies pendant la grossesse
II-3/ La naissance
II-3-1/ L’accouchement p22
– La voie d’accouchement
– Poids des nouveau-nés
II-3-2/ Mise en place de l’allaitement dans les deux premières heures
II-4/ Le séjour en suite de naissance
II-4-1/ L’environnement du couple
II-4-2/ La mise en place de l’allaitement
II-4-2-1/ l’allaitement à la demande
II-4-2-2/ Ecouter les besoins de l’enfant
II-4-2-3/ Les tétines
II-4-3/ Les difficultés de l’allaitement
II-4-3-1/ Les difficultés rencontrées par les mères
II-4-3-2/ Les compléments
II-4-3-3/ Et après ?
II-4-4/ L’équipe
II-4-4-1/ L’accompagnement
II-4-4-2/ Par qui ?
II-4-4-3/ La satisfaction
TROISIEME PARTIE
I/ Critiques de la démarche
I-1/ Les limites
I-2/ Les atouts
II/ Analyse et discussion
II-1/ Les caractéristiques de la population
II-2/ Une évolution positive des pratiques
II-2-1/ La naissance
II-2-2/ Les suites de naissance
– Environnement sécurisant pour l’enfant
– L’allaitement maternel en pratique
– Difficultés à l’allaitement
– Les compléments
– L’équipe
II-3/ les progrès qu’ils restent à faire
II-3-1/ La naissance
II-3-2/ Les suites de naissance
– Environnement sécurisant pour l’enfant
– L’allaitement maternel en pratique
– Difficultés à l’allaitement
– L’équipe
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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