Etude épidémiologique du tabagisme

LE TABAGISME

Définition 

Le Robert définit le tabagisme comme une intoxication aiguë ou chronique au tabac. Il se traduit par un ensemble de troubles physiologiques et psychiques provoqués par l’abus du tabac.

Ecologie et psychologie communautaire

De tout temps, le rôle de l’environnement dans les conduites, l’intelligence et les autres facettes de l’activité humaine ont suscité l’interrogation des penseurs, philosophes et chercheurs.
La compréhension des interrelations entre l’environnement et l’individu est au cœur de l’objet d’étude de plusieurs champs disciplinaires. Cette présentation s’inspirera de la réflexion menée en psychologie communautaire, une discipline jeune d’une trentaine d’années, issue en partie de l’insatisfaction à l’égard des modèles individuels de recherche et d’action classiquement employés en psychologie.

Principes de l’analyse et de l’intervention écologique 

L’écologie incorpore plusieurs concepts de la théorie des systèmes et parmi ceux-ci, le concept d’interdépendance occupe une place centrale. Une perspective écologique met ainsi l’accent sur la nature interactive des différentes composantes de l’écosystème ; un changement apporté à une de ses composantes crée une onde de choc se répercutant nécessairement dans les autres.
L’intervenant adoptant une perspective écologique ne se limitera pas à intervenir dans une sphère individuelle ou environnementale unique et anticipant les effets de son intervention sur l’autre sphère, interviendra aussi dans les autres milieux concernés. Par exemple, selon le principe de l’interdépendance, l’éducation à la nutrition en milieu scolaire, à cause de son impact potentiel sur le milieu familial, gagne à être complétée par des interventions auprès des parents.
En vertu d’un second principe, celui d’adaptation, le comportement est considéré comme une réponse de la personne aux pressions et demandes de son environnement. Par les ressources et les opportunités qu’il offre, l’environnement joue un rôle déterminant sur le patron de comportements émis par les individus. Dans un environnement donné, certains comportements sont encouragés alors que d’autres sont soit punis, soit non renforcés. Dans une perspective écologique, les contingences environnementales façonnant le comportement sont objets d’analyse et d’action au même titre que le comportement résultant de ces mêmes contingences.
Ainsi, alors qu’une intervention visant les caractéristiques individuelles privilégiera le développement des ressources personnelles afin de permettre l’atteinte d’un bien-être et ce, en dépit d’un contexte peu facilitant, une intervention écologique visera la transformation des normes, valeurs, pratiques et politiques à la source même de cet environnement délétère.
En lien avec le principe d’interdépendance, les écologistes rappellent que l’adaptation se rapporte à un environnement particulier et qu’un comportement qui apparaît adapté dans un premier milieu ne le sera pas nécessairement dans un second.
Il y a donc lieu d’analyser l’individu et ses conduites dans une perspective environnementale globale et de considérer des interventions dans plusieurs sphères environnementales.

Les interventions de lutte contre le tabagisme

Depuis 1964, afin de lutter contre les facteurs qui favorisent la consommation du tabac, les efforts qui visent la prévention, la cessation et la protection en matière de tabagisme se sont multipliés en nombre et en variété.
L’analyse des actions menées permet d’identifier 3 périodes distinctes.

L’âge d’or de la cessation

Dans les années 60, les proportions de fumeurs dans les populations nord américains voisinent les 50%. Il apparaît alors impérieux de diminuer le nombre de fumeurs, et comme le rapporte Lichtenstein, une bonne partie des efforts consentis jusqu’à la fin des années 70 se situe dans un contexte de clinique de cessation.
Dans cette perspective, des fumeurs motivés font appel à des spécialistes, souvent des médecins, qui fournissent des traitements individuels ou de groupe, généralement étendus sur plusieurs sessions. Plusieurs auteurs ont récemment revu la panoplie de stratégies utilisées dans ce contexte : thérapie behaviorale, approche pharmacologique, technique de groupe, acupuncture, hypnose, etc, ou une combinaison de ces méthodes. Encore aujourd’hui, l’approche clinique intensive de cessation mobilise une part importante des efforts des intervenants.
Toutefois, d’autres approches posées comme émanant davantage d’une perspective de santé publique, permettantde rejoindre un plus grand nombre de fumeurs à moindre coût et intégrant davantage de perspective préventive, ont progressivement gagné en popularité. De telles approches, qualifiées en 1982 par
Lichtenstein de « alternative service delivery methods », regroupaient les interventions brèves de counselling dispensées dans les cabinets de médecins, les programmes en milieu de travail et les approches communautaires.

Les intervention dans la communauté

Les approches de santé publique occupent une place centrale dans les stratégies de réduction du tabagisme. Parmi ce type d’interventions, on retrouve notamment :
– les interventions dispensées en milieu de travail ;
– les programmes scolaires ;
– les interventions de « self-help » ;
– les interventions médiatiques et autres interventions communautaires telles que les concours ou les évènements ponctuels comme par exemple, les « journées sans fumées ».
Partant du principe que l’effet d’une approche isolée est généralement moindre que celui d’approches combinées, il apparaît souhaitable d’utiliser simultanément différentes approches ; certaines combinaisons particulières comme des événements communautaires jumelés à une campagne médiatique ou encore des programmes combinant du matériel de type self-help à une intervention de soutien social ou professionnel apparaissent à cet égard particulièrement prometteuses.

Production, consommation du tabac et conséquences pathologiques

Production

En zone rurale, le tabac, cultivé artisanalement est destiné aux besoins familiaux : cigarettes (bidis d’Inde), cigares (chutas d’Amérique Latine, parfois fumés le bout allumé dans la bouche), pipes d’argile ou de métal (chilum d’Inde, pipes d’Afrique équatoriale surtout utilisées par les femmes), pipes à eau (fumées collectivement dans le monde arabe), tabac à chiquer ou à priser ; la terreur en produits toxiques de ces tabacs artisanaux semble élevée.
En zone urbaine, on consomme surtout des cigarettes manufacturées dans les pays développés. Le tabagisme urbain est le fait des jeunes. Comme l’alcoolisme, c’est la rançon du désoeuvrement, du sous-emploi, du chômage, de l’acculturation et des campagnes de publicité des compagnies transnationales.

Consommation

La consommation rurale traditionnelle a tendance à stagner ; la situation est plus préoccupante en zone urbaine. Letaux de croissance du tabagisme de 1975 à 1985 a été de 2,8 dans les pays en voie de développement (contre 0,8 dans les pays développés).
Les pays en développement assurent actuellement 63p.100 de la production mondiale de tabac, qui occupe 0,3p.100 des terres cultivables. Bien que cette culture fournisse de nombreux emplois, elle procure peu de revenus d’exportation car le prix mondial est fonction du bon vouloir des transnationales.

Conséquences pathologiques

Les conséquences pathologiques du tabagisme sont bien connues (tableau n° 1). La nicotine est responsable de l’assuétude ; les effets toxiques sont liés à la nicotine, à l’oxyde de carbone et au goudron.
Le tabagisme augmente le risque athéromateux (cardiopathies ischémiques, accidents vasculaires et intervient dans lagenèse des cancers du poumon, de la sphère oto-rhino-laryngologique et de la vessie. Les cancers de la bouche sont particulièrement fréquents chez les sujets qui chiquent. Le risque de cancer vésical est particulièrement redoutable en zone d’endémie bilharzienne.
Enfin, le tabagisme des mères semble augmenter la mortalité néonatale.
Le tabagisme passif peut être à l’origine des mêmes conséquences pathologiques lorsqu’il est devenu fréquent ou même permanent.

Le réseau hôpital sans tabac

L’hôpital doit être un lieu sans tabac : c’est une priorité de santé publique (60.000 morts par an imputables au tabac), une obligation légale (Loi Evin du 10 janvier 1991 en France), une responsabilité collective qui touche l’ensemble des professionnels hospitaliers (soins aux malades hospitalisés ou ambulatoires, lutte contre les incendies), un critère de qualité de l’hôpital (accréditation).
Les professions de santé sont stratégiques du point de vue de la lutte contre le tabagisme et de l’éducation pour la santé dans ce domaine. Le baromètre santé 1995 réalisé auprès des médecins généralistes français montre qu’il y a une liaison étroite entre le tabagisme personnel des médecins et leur attitude par rapport à la lutte contre le tabagisme. La position des professions desanté leur donne un rôle d’exemplarité et leur tabagisme apparaît dans de nombreux pays comme un « thermomètre » de la situation générale.
Pourtant, faire que l’hôpital soit un lieu sans tabac n’est pas chose aisée. Cela nécessite une affirmation forte de la part de la direction de l’hôpital, l’engagement du corps médical, la formation des professionnels à l’abord de la personne fumeuse et à sa prise en charge, la prise en compte des conséquences architecturales et organisationnelles. Elle impose une démarche de promotion de la santé, pluridisciplinaire et transversale, au sein de l’hôpital.
L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris s’est, depuis de longue date, mobilisée dans la lutte contre le tabac en créant dans ses hôpitaux des consultations de tabacologie, en suscitant en chacun de ses groupes hospitaliers la mise en place d’un comité de prévention du tabagisme (1987), première ébauche du Réseau Hôpital sans Tabac.
Ce réseau s’est constitué en association Loi 1901 en 1997. L’AP-HP et la Mutuelle Nationale des Hospitaliers en sont fondateurs. Le Réseau Hôpital sans tabac se fixe pour but, par tous moyens, d’inciter ses membres à promouvoir la prévention du tabagisme au sein des Etablissements de santé et de favoriser la prise en charge des fumeurs selon des méthodes scientifiquement reconnues. Le réseau Hôpital sans tabac s’appui sur une charte en 10 points.

EPIDEMIOLOGIE

Méthodologie des études épidémiologiques descriptives

Définition des objectifs

C’est un préalable indispensable.Les objectifs généraux précisent simplement la maladie ou le sujet à étudier, chez qui et dans quel but. Les objectifs spécifiques détaillent les variables qualitatives ou quantitatives qu’on se propose de mesurer, les techniques de mesures et les 15 plans d’échantillonnage.

Population cible et échantillonnage

La population cible de l’étude peut être l’ensemble des habitants d’une région, une classe d’âge, une catégorie sociale, un groupe particulier. L’étude exhaustive de cette population serait difficile et onéreuse. On procède donc par sondage sur un échantillon représentatif.
Seuls les sondages aléatoires évitent les biais d’échantillonnage. Les sondages aléatoires simples où le tirage au sort de l’échantillon se fait sur l’ensemble de la population cible sont rarement réalisables en zone tropicale, faute de base de sondage fiable (les recensements sont approximatifs et rarement mis à jour).
Les sondages en grappes à plusieurs niveaux sont mieux adaptés : par exemple, si la population cible est celle d’une région, on tire au sort les arrondissements à étudier, puis dans les arrondissements sélectionnés les villages à étudier, enfin dans les villages, les familles ou les individus ; ce type de sondage a le double intérêt de ne nécessiter le recensement exhaustif que de petites unités démographiques (villages par exemple) etde fournir un échantillon regroupé en « grappes » naturelles.
Il faut disposer d’au moins 30 grappes pour pouvoir estimer convenablement les indicateurs de la population cible à partir des indicateurs mesurés sur l’échantillon.
Dans les sondages stratifiés (figure n° 1), le tirage au sort s’effectue non pas sur l’ensemble de la population mais séparément dans différentes strates (catégorie démographique, socioprofessionnelles…).
Ils fournissent de meilleures estimations que les sondages simples, mais ils sont difficiles à organiser et à interpréter sous les tropiques où la distribution des différentes strates est mal connue. La taille de l’échantillon dépend des objectifs de l’enquête, de la précision des estimations désirées et du type de sondage.

Organisation pratique des enquêtes épidémiologiques 

Préparation de l’enquête

Définition des objectifs et de la méthodologie

Sous les tropiques comme ailleurs, il est indispensable de définir d’emblée les objectifs de l’étude projetée en s’assurant de leur pertinence par une analyse approfondie des publications et travaux antérieurs.

Protocole d’enquête

Après la détermination de l’échantillon représentatif des sujets, il faut s’assurer de la qualité et de l’adaptation du questionnaire aux objectifs visés.
L’interrogatoire socio-démographique et anamnestique est délicat : pour obtenir des réponses fiables, il faut de la patience, de la discrétion et du bon sens.

Préparation logistique

Il faut, suffisamment à l’avance, rassembler le matériel technique et les moyens logistiques, réunir le personnel et le former à ses tâches futures ; établir un budget prévisionnel et bien entendu obtenir les autorisations administratives nécessaires.

Pré-enquête

Le passage d’une équipe légère dans les villages où doit se dérouler l’enquêteépidémiologique rend de grands services. Il permet de prendre contact avec les responsables locaux, administratifs, politiques, traditionnels, et de sensibiliser les futurs participants à l’enquête.

COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS

Le temps du tabagisme semble révolu de nos jours. Une meilleure connaissance des méfaits du tabac et des stratégies de lutte de plus en plus efficaces ont permis apparemment de réaliser la régression partielle de la consommation du tabac dans certains pays.
Souvent sous-estimé dans les pays en développement, le tabagisme y constitue encore un problème de santé publique. A Antananarivo, lieu de réalisation de la présente étude, le tabagisme évolue aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Prévalence du tabagisme à Antananarivo

Les résultats de notre enquête montrent que :
• Chez les hommes, la prévalence du tabagisme est de 37,3%.
• Chez les femmes, elle est de 19,3%.
Si on fait un aperçu sur la prévalence du tabagisme dans quelques pays, on constate la situation suivante :
* A Sao Paulo (Brésil) en 1971, pourla tranche d’âge 15-24 ans, la prévalence du tabagisme était de 20% chez les femmes et 54% chez les hommes.
* A Dakar (Sénégal) en 1980, dansla tranche d’âge 16-19 ans, la prévalence du tabagisme était de 52% chez les femmes et 71% chez les hommes.
* En Italie en 1972, pour la tranche d’âge 15-18 ans, la prévalence du tabagisme était de 55% chez les femmes et 51% chez les hommes.
Les chiffres que nous venons de citer montrent que la prévalence du tabagisme varie beaucoup dans le monde, aussi bien chez les hommes que chez les femmes.
On constate aussi que dans certains payscomme le Brésil et le Sénégal, la prévalence est plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Dans d’autres pays comme l’Italie par exemple, la prévalence du tabagisme est plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
Pour Antananarivo, à Madagascar, on peut dire au moins deux choses : d’une part, qu’il y a moins de femmes qui fument par rapport aux hommes, et d’autre part, que la prévalence du tabagisme est encore basse aussi bien chez les femmes que chez les hommes par rapport à ce qu’on relève dans les pays sus-cités.

L’âge

La répartition du tabagisme selon les tranches d’âge (Tableaux n° 7 et n° 8) montre que :
• Chez les hommes, le tabagisme est important entre 15 et 54 ans. Les tranches d’âge les plus concernées sont :
– 34-44 ans : 28,6% de fumeurs
– 45-54 ans : 26,8% de fumeurs
La majorité des fumeurs sont âgés de 35 à 54 ans. Ceci semble confirmer ce que nous avons supposé au début de ce chapitre sur le fait que les jeunes d’aujourd’hui semblent s’intéresser de moins en moins au tabac pour de multiples raisons : une meilleure information sur les actions nocives du tabac sur la santé, l’existence d’autres choses plus importantes pour les jeunes, substituées au plaisir de fumer.
• Chez les femmes, la situation n’est pas très différente en ce qui concerne l’âge du tabac : la majorité des femmes qui fument se trouvent entre 45 et 54 ans. Les explications que nous avons données concernant les hommes peuvent être aussi valables ici. Entre 15 et 34 ans, 20,7% des femmes enquêtées seulementfument.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : NOTIONS GENERALES SUR LE TABAGISME ET L’EPIDEMIOLOGIE
1. Le tabagisme
1.1. Définition
1.2. Ecologie et psychologie communautaire
1.3. Principes de l’analyse et de l’intervention écologique
1.4. Les interventions de lutte contre le tabagisme
1.4.1. L’âge d’or de la cessation
1.4.2. Les interventions dans la communauté
1.5. Production, consommation du tabac et conséquences pathologiques
1.5.1. Production
1.5.2. Consommation
1.5.3. Conséquences pathologiques
1.6. Des pistes pour la recherche et l’action
1.7. Le réseau Hôpital sans tabac
2. Epidémiologie
2.1. Méthodologie des études épidémiologiques descriptives
2.1.1. Définition des objectifs
2.1.2. Population cible et échantillonnage
2.1.3. Situation de l’étude dans le temps
2.1.4. Tableau de propagation d’une maladie
2.2. Organisation pratique des enquêtes épidémiologiques
2.2.1. Préparation de l’enquête
2.2.1.1. Définition des objectifs et de la méthodologie
2.2.1.2. Protocole d’enquête
2.2.1.3. Préparation logistique
2.2.1.4. Pré-enquête
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EPIDEMIOLOGIQUE DU TABAGISME A ANTANANARIVO
1. Cadre d’étude
1.1. Organisation
1.2. Démographie
2. Méthodologie
2.1. Méthode d’étude
2.2. Paramètres d’étude
3. Résultats
3.1. Nombre de fumeurs
3.2. Prévalence du tabagisme
3.3. L’âge
3.4. La profession
3.5. Consommation de tabac
3.6. Comportement
3.7. Connaissance de la cigarette
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. Commentaires et discussions
1.1. Prévalence du tabagisme à Antananarivo
1.2. L’âge
1.3. La profession
1.4. Consommation du tabac
1.5. Comportement vis-à-vis du tabagisme
1.6. Connaissance de la cigarette
2. Suggestions
16 2.1. Le volet préventif
2.1.1. L’information
212 Interdire toute publicité directe ou indirecte pour le tabac

projet fin d'etude

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