Corrélations en présence d’un TDA/H autorapporté

Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est une condition neurodéveloppementale d’actualité. La forte prévalence du TDA/H au sein des populations nord-américaines, les répercussions comportementales qu’impliquent ce diagnostic (American Psychiatric Association, 2013) et la médication qui lui est associée contribuent à mettre le TDA/H à l’avant plan (Gualtieri & Johnson, 2008; Yang, Lung, Chiou, Yen, & Fuh, 2012), autant sur le plan social que scientifique. On voit depuis plusieurs années une multitude de publications scientifiques portant sur le TDA/H et les différents aspects des domaines physiologiques et neuropsychologiques (Hodgkins et al., 2011). Malheureusement, l’emphase est encore mise d’abord sur les traitements pharmaceutiques, au détriment des différentes approches visant à réadapter les fonctions atteintes.

Bien qu’on parle fréquemment des atteintes neuropsychologiques chez les jeunes présentant un TDA/H, telles que des performances moindres pour certaines mesures pour certaines mesures attentionnelles et d’inhibition (Adams, Milich, & Fillmore, 2010; Klimkeit, Mattingley, Sheppard, Lee, & Bradshaw, 2005), on remarque aussi un retard de la motricité, lorsque comparé à des jeunes sans le diagnostic (Brossard-Racine, Shevell, Snider, Bélanger, & Majnemer, 2012; Chevrette, Leroux, Comtois, & Verret, 2013). Or, pendant l’enfance et l’adolescence, la présence d’une bonne motricité est fortement associée au maintien d’une pratique d’activité physique plus tard dans la vie du jeune (Barnett, van Beurden, Morgan, Brooks, & Beard, 2009), mais aussi au développement de l’estime de soi et de la confiance en ses compétences (Piek, Baynam, & Barrett, 2006; D. Stodden, Langendorfer, & Roberton, 2009). Les fonctions motrices et cognitives sont souvent traitées de façon indépendante, alors qu’il serait logique qu’elles soient abordées conjointement puisque relevant toutes deux principalement du système nerveux central. Des études portent d’ailleurs sur les altérations conjointes de la motricité et des fonctions cognitives en présence de TDA/H (Barenberg, Berse, & Dutke, 2011; Diamond, 2012) et viennent soutenir la pertinence et le besoin d’étudier davantage les relations pouvant exister entre ces deux domaines, autant chez des populations n’ayant pas de TDA/H que chez celles présentant le diagnostic.

C’est donc dans l’optique de documenter ces relations que la présente recherche s’intéresse au portrait de la motricité, des fonctions attentionnelles ainsi qu’aux interactions entre celles-ci. Ce portrait étant dressé autant dans la population normale, représentée par un large échantillon d’adolescents du SaguenayLac-Saint Jean, que celle d’un sous-échantillon rapportant être atteint d’un TDAH. Cette étude permettra donc de donner une idée des relations existantes chez des adolescents normaux, tout en explorant l’existence de différences motrices ou cognitives chez ceux qui considèrent avoir un TDA/H. Les données obtenues pourront servir de point de départ pour des projets de recherche ultérieurs.

Le TDA/H est un désordre neurodéveloppemental se traduisant en des comportements et fonctions cognitives ayant un impact négatif sur un minimum deux des sphères suivantes : sociale, scolaire, familiale ou professionnelle (American Psychiatric Association, 2013). Selon le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 5ième version (DSM-5), le TDA/H peut s’exprimer de trois façons: avec hyperactivité/impulsivité seulement, avec inattention seulement, ou par la combinaison de ces deux types d’expression. Selon la littérature consultée, en plus des répercussions psychiatriques, les individus atteints d’un TDA/H présenteraient, dans une grande proportion des cas (40 à 47 %), un retard de développement des habiletés motrices fines et grossières (Gillberg & Kadesjö, 2003; Goulardins, Marques, Casella, Nascimento, & Oliveira, 2013; Kadesjö & Gillberg, 2001; Piek, Pitcher, & Hay, 1999; Vasserman, Bender, & MacAllister, 2013). Ce retard moteur peut aller jusqu’à un trouble d’acquisition de la coordination (TAC), bien qu’il soit fréquent de retrouver des retards du développement moteur n’obtenant pas les critères diagnostiques nécessaires pour le TAC (Goulardins et al., 2013). Le TDA/H et les retards moteurs semblent entretenir d’étroits liens. En effet, 41 % des jeunes ayant un TDA/H de type combiné présentent des habiletés motrices inférieures à celles retrouvées chez la moyenne des jeunes de leur âge (Goulardins et al., 2013). De plus, même sous médication psychostimulante, ce retard passerait de 73,5 % à 55,1 % dans une étude chez des sujets TDA/H présentant des habiletés motrices déficientes (Brossard-Racine et al., 2012). À l’inverse, on peut s’attendre à ce qu’un jeune présentant un diagnostic de TAC soit atteint d’un TDA/H dans 20 % des cas ou qu’il présente de quatre à cinq des six critères diagnostiques nécessaires dans 55 % des cas (Gillberg & Kadesjö, 2003). Ces habiletés motrices déficientes, même si elles ne comprennent pas les mêmes répercussions sociales et psychologiques que celles d’ordre psychiatrique ou comportemental, peuvent avoir un impact non négligeable sur le développement psychosocial d’un jeune (Skinner & Piek, 2001). Cet impact négatif se traduit en une faible estime de soi, une faible croyance en ses propres capacités et peut porter le jeune à se considérer inférieur à ses pairs et moins soutenu socialement.

L’étiologie du TDA/H reste encore indéterminée à ce jour, mais les nombreuses recherches menées sur le sujet permettent de mieux cerner les potentielles sources du désordre. Les travaux parus jusqu’à présent tendent vers une double source au TDA/H, soit une d’origine génétique et l’autre d’ordre environnemental (Chevalier, Guay, Achim, Lageix, & Poissant, 2006). Selon cette conception de l’étiologie, des facteurs environnementaux néfastes (ex. environnement familial négatif, faible statut socioéconomique, psychopathologie d’un membre de la famille) auraient pour effet de potentialiser la prédisposition génétique du sujet à développer un TDA/H en exacerbant la symptomatologie (Brassett-Harknett & Butler, 2007). La résultante de cette expression gène-environnement serait un retard du développement de certaines aires cérébrales et une altération de leur fonctionnement (Cortese, 2012). Ces aires cérébrales présenteraient un hypofonctionnement (lobe frontal bilatéral et certaines régions des lobes pariétaux et du striatum), tandis que d’autres montreraient un hyperfonctionnement (cortex insulaire, gyrus frontal moyen) parasitant l’activité normale (Dickstein, Bannon, Castellanos, & Milham, 2006). Ces altérations engendreraient par la suite un fonctionnement sous-optimal de certaines fonctions cognitives des sujets (principalement l’inhibition) (Tamnes et al., 2010), ainsi que les symptômes comportementaux typiques au TDA/H, soit une inhibition comportementale réduite et une inattention marquée (Barkley, 1997). En se référant au modèle de Barkley (Barkley, 1997), on constate que ces troubles neuropsychologiques pourraient être la cause des comportements hyperactifs des sujets et ainsi affecter négativement la motricité de ces derniers .

Table des matières

Introduction
TDA/H, MOTRICITÉ ET FONCTIONS COGNITIVES
1.1 Portrait du TDA/H
1.1.1 Prémisse
1.1.2 Description
1.1.3 Étiologie
1.1.4 Conceptualisation du TDA/H
1.2 Fonctions cognitives
1.2.1 Conceptualisation des fonctions exécutives
1.2.2 Inhibition
1.2.3 Attention
1.3 Fonctions cognitives et liens avec la motricité
1.4 Motricité
1.4.1 Définition
1.4.2 Effets de la qualité de la motricité
1.4.3 Développement de la motricité et influences
1.4.4 Motricité et TDA/H
OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES
2.1 Formulation des objectifs
2.1.1 Premier objectif
2.1.2 Deuxième objectif
MÉTHODOLOGIE
3.1 Participants
3.2 Description de l’étude
3.3 Collecte des données
3.3.1 Habiletés motrices
3.3.2 Évaluation de l’attention et de l’inhibition
3.4 Statistiques
3.4.1 Traitement préliminaire des données
3.4.2 Normalité des données
3.4.3 Traitements principaux
RÉSULTATS
4.1 Résultats de la première hypothèse
4.1.1 Sommaire et différences entre les sexes
4.1.2 Corrélations de l’échantillonnage général
4.1.3 Corrélations de l’échantillonnage général par sexes
4.2 Résultats associés à la seconde hypothèse
4.2.1 Motricité, attention et inhibition en présence d’un TDA/H autorapporté
4.2.2 Corrélations en présence d’un TDA/H autorapporté
DISCUSSION
5.1 Portrait de l’échantillon général
5.1.1 Sexe des participants et comparaison aux normes
5.1.2 Corrélations avec le temps de réaction
5.1.3 Corrélations pour la variabilité du temps de réaction
5.1.4 Différences corrélationnelles entre les sexes
5.2 Portrait en présence d’un TDA/H autorapporté
5.2.1 Attention et inhibition en présence d’un TDA/H autorapporté
5.2.2 Motricité en présence d’un TDA/H autorapporté
5.2.3 Relations entre motricité, attention et inhibition en présence d’un TDA/H autorapporté
5.3 Limites identifiées
5.4 Forces identifiées
Conclusion

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