Transport électronique dans les fils en nanotubes de carbone

Structure et propriétés électriques des nanotubes de carbone

Le carbone existe sous plusieurs formes allotropiques. Les deux formes les plus courantes dans la nature sont le graphite et le diamant. D’autres formes allotropiques de carbone ont été découvertes:
Le graphène synthétisé pour la première fois en 2004 par Geim et Novoselov (lauréat du prix Nobel de physique en 2010) est une monocouche en deux dimensions d’atomes de carbone. Les nanotubes de carbone (NTC) ont été observés pour la première fois en 1952 par Radushkevich et al. puis popularisés à partir de 1991 par Iijima et al. . Ce sont des matériaux à une dimension constitués d’une feuille de graphène repliée sur elle-même pour former un tube.
Les fullerènes, découverts en 1985, sont des molécules à zéro dimension. Ils sont constitués d’une monocouche de carbone sous forme sphérique (exemple : C60)
Il existe deux types de nanotubes de carbone : les nanotubes de carbone monoparoi (single walled carbon nanotubes) et les nanotubes de carbone multiparois (multi walled carbon nanotubes) constitués de plusieurs feuillets imbriqués les uns dans les autres comme des poupées russes et espacées de 0.34 nm . Les nanotubes de carbone monoparois ont des diamètres entre 0.4 nm et 3 nm alors que les NTC multiparois ont des diamètres allant de 2 nm jusqu’à 50 nm. Toutefois, quel que soit leur nombre de parois les NTC peuvent avoir des longueurs macroscopiques pouvant dépasser le centimètre (le record détenu par Zhang et al. est de plus de 55 cm) ce qui leur donne un rapport d’aspect longueur sur diamètre gigantesque (environ 1 million). Le NTC peut être matérialisé comme un feuillet de graphène enroulé sur lui-même. La chiralité d’un NTC dépend du vecteur chiralité Ch autour duquel s’enroule le feuillet de graphène. Ce dernier est défini en fonction de deux vecteurs directeurs a1 et a2 .

Fabrication des NTC

Les nanotubes de carbone peuvent être élaborés par plusieurs techniques . Les principales techniques sont : arc électrique, ablation laser et dépôt chimique en phase vapeur. La technique par arc électrique permet de fabriquer des NTC en envoyant un arc électrique sur une cible en graphite . Au contact de l’arc électrique, le carbone se sublime pour se condenser sous forme de NTC dans une partie froide du réacteur. Etant donné les températures mises en jeu (supérieures à 1700 °C) les nanotubes de carbone fabriqués présentent peu de défauts. Cette technique est difficile à maîtriser et ne permet pas de fabriquer d’importantes quantités de NTC. La technique d’ablation laser est très similaire à la technique par arc électrique à la différence que le graphite est sublimé par un faisceau laser. Cette technique présente les mêmes inconvénients que la technique par arc électrique. Cependant, à notre connaissance, aucune de ces deux techniques n’est utilisée pour fabriquer des fils en NTC.
La technique de production de NTC la plus courante et la plus économiquement viable est le dépôt chimique en phase vapeur (Chemical Vapour Deposition, CVD). Plusieurs variantes de CVD existent mais, par rapport au travail effectué dans cette thèse, nous ne présentons ici que la CVD catalytique. Les principaux avantages de la CVD sont : la possibilité de facilement maîtriser les paramètres d’élaboration et de fabriquer d’importantes quantités de NTC. Les mécanismes exacts de croissance catalytiques des NTC sont toujours débattus mais le principe consiste à injecter un gaz carboné (méthane, éthylène ou acétylène…) sur un catalyseur métallique (fer, cobalt ou nickel…) dans un four à haute température (supérieur à 600 °C). A de telles températures, le catalyseur métallique est sous forme de nanoparticules et le gaz carboné vient se craquer dessus pour former un NTC .

Performances électriques des fils de NTC

Transport électronique entre 3 K et 300 K des fils en NTC : Les mesures de la variation de la résistance électrique d’un fil de NTC en fonction de la température (3 K – 300 K) permettent de comprendre les facteurs limitant le transport électronique. Cependant, ces études sont peu répandues dans la littérature. Voici, à notre connaissance les seules publications qui ont étudié le transport électronique dans les fils en NTC fabriqués par voie liquide par catalyseur flottant et à partir de tapis de NTC . Le transport électronique dans les fils en NTC dépend étroitement de leur technique d’élaboration.
Tout d’abord, les fils de NTC élaborés par voie liquide ou par catalyseur flottant présentent un comportement métallique au-dessus d’une certaine température, c’est-à-dire que la résistance augmente avec la température. Ce comportement est dû aux interactions électrons-phonons dans les NTC métalliques. D’après Lekawa-Raus et al. , la température T0 à partir de laquelle le comportement du fil devient métallique est liée à la proportion de NTC métalliques dans le fil (plus la température T0 est faible, plus la proportion de NTC métalliques est importante). Cette interprétation est confirmée par Piraux et al. où la résistivité du fil de NTC décroît avec la baisse de la température T0. D’autre part, le comportement à très basse température des fils de NTC est totalement différent. La résistance du fil décroît brutalement avec l’augmentation de la température. Ce comportement est dit semi-conducteur et est nettement visible sur les fils faits en catalyseur flottant et légèrement moins sur ceux faits par voie liquide.
L’explication de ce comportement à basse température ne fait pas l’unanimité. Le transport électronique du fil peut être expliqué par : un transport par electron scattering , transport par saut (variable range hoping) , transport par effet tunnel (fluctuation induced tunneling) ou un transport de type liquide de Luttinger .

Intérêts et utilisations des fils et fibres de NTC

Les nanotubes de carbone suscitent un grand intérêt depuis leur popularisation par Iijima et al. en 1991 . Le nombre de publications sur les NTC a augmenté de façon constante jusqu’à atteindre une valeur stable d’environ 10000 publications par an à partir de 2010. Cependant, les fils ou plus généralement les fibres en NTC n’ont été fabriqués pour la première fois qu’en 2000 par Vigolo et al. . On n’observe une augmentation brutale du nombre de publications sur les fils que dix ans plus tard correspondant globalement à la fabrication par Behaptu et al.  d’un fil de NTC dopé à l’iode avec une très forte conductivité de 58000 S/cm (soit 17 µΩ.cm). Le nombre de publications sur les fils en NTC semble s’être stabilisé à environ 7000 publications par an ces quatre dernières années et constitue à l’heure actuelle la majorité des publications parues sur les NTC. La forte augmentation du nombre de publications annuelles sur les fils en NTC s’explique par le fait que, lorsque les NTC sont assemblés sous forme de fil ou de fibre, cela permet d’obtenir un matériau de taille macroscopique qui possède des performances (électrique, mécanique, thermique…) proche de celles des NTC individuels. Malgré les excellentes performances des NTC individuels, la conductivité électrique des fils en NTC (85 000 S/cm) est encore en dessous de celle du cuivre (588 000 S/cm). Cependant, à cause de la densité élevée du cuivre, 8.96 g.cm-3, les conductivités spécifiques (conductivité électrique divisée par masse volumique) des fils en NTC (5 500 S.m2.kg-1) est pratiquement égale à celle d’un fil de cuivre (6 500 S.m2.kg-1). Ce résultat ouvre la voie à de nouvelles applications et permet aux fils de NTC d’être une alternative aux métaux dans les applications où la légèreté du câblage est déterminante comme dans l’aéronautique, l’aérospatiale ou le transport électrique dans les lignes à haute tension. Par ailleurs, cela peut être une solution à long terme pour résoudre les problèmes de ressource future des métaux utilisés dans tous les dispositifs électriques.

Croissance des tapis de nanotubes de carbone

Réacteur de dépôt chimique en phase vapeur à filaments chauds : Les tapis de nanotube de carbones (NTC) sont fabriqués dans un réacteur de dépôt chimique en phase vapeur (Chemical Vapour Deposition, CVD) à basse pression. Le réacteur CVD est placé en salle blanche afin d’éviter que les poussières ne viennent polluer le réacteur. La particularité de notre réacteur CVD est qu’il possède une raquette de filaments en carbone qui permettent de chauffer la phase gazeuse à très haute température. Jusqu’à 10 filaments peuvent être montés en parallèle. Ils peuvent être alimentés avec une puissance maximale de 1000 W. Les filaments en carbone font environ 9 cm de longueur et 0.5 mm de diamètre et ils sont placés à 1 cm au-dessus des échantillons. Dans ce travail, seuls 6 filaments en carbone sont installés en parallèle dans la raquette. En utilisation habituelle, la température des filaments peut atteindre 1500 °C. Les principaux avantages des filaments en carbone par rapport aux filaments métalliques sont qu’ils supportent des températures élevées et qu’ils évitent de polluer le réacteur et nos échantillons par des atomes métalliques. La température à l’intérieur du réacteur est à la fois maintenue par un système de chauffage interne et par la puissance des filaments. La température maximale de fonctionnement du réacteur est de 750 °C. La pression peut être maintenue entre 13 Pa et 1333 Pa et les gaz disponibles sont l’acétylène, l’hydrogène, l’hélium, le méthane, l’argon et l’azote.

Table des matières

Introduction
1 Chapitre 1 : Etat de l’art des performances électriques des fils en nanotubes de carbone 
1.1 Présentation des nanotubes de carbone
1.1.1 Structure et propriétés électriques des nanotubes de carbone
1.1.2 Fabrication des NTC
1.2 Fabrication des fils de NTC 
1.2.1 Filage de tapis de NTC
1.2.2 Filage direct
1.2.3 Filage par voie liquide
1.3 Performances électriques des fils de NTC 
1.3.1 Contexte de ce travail de thèse
1.3.2 Transport électronique entre 3 K et 300 K des fils en NTC
1.4 Modèles utilisés pour expliquer le transport électronique dans les fils de NTC 
1.4.1 Variable Range Hopping.
1.4.2 Fluctuation-Induced Tunneling
1.4.3 Quasi-1D métal
1.4.4 Combinaison du modèle FIT et quasi-1D métal (modèle de Kaiser)
1.4.5 Problématiques soulevées par les modèles de VRH, FIT et Kaiser
1.4.6 Modèle de transport électronique de type liquide de Luttinger
1.5 Intérêts et utilisations des fils et fibres de NTC
1.6 Références du chapitre 1 
2 Chapitre 2 : Méthodes expérimentales et maîtrise de la fabrication de fils en nanotubes de carbone
2.1 Croissance des tapis de nanotubes de carbone
2.1.1 Réacteur de dépôt chimique en phase vapeur à filaments chauds
2.1.2 Fabrication des échantillons
2.1.3 Procédé de fabrication des tapis de nanotubes de carbone
2.1.4 Caractéristiques des tapis de nanotubes de carbone
2.1.5 Structure d’un tapis de NTC
2.2 Filabilité des tapis de NTC
2.2.1 Débobinage du tapis de NTC
2.2.2 Observations de la non filabilité d’un tapis de NTC
2.3 Fabrication de nappes et fils en nanotubes de carbone
2.3.1 Machine de filage
2.3.2 Amorçage du filage
2.3.3 Filage en continu
2.4 Dépôts des électrodes sur les nappes et les fils
2.5 Mesure de résistance en température (3 K- 350 K)
2.6 Spectroscopie Raman 
2.7 Conclusion du chapitre 2
2.8 Références du chapitre 2
3 Chapitre 3 : Phénomènes limitant le transport électronique dans les fils en nanotubes de carbone
3.1 Transport électronique dans les fils en NTC entre 3 K et 350 K
3.1.1 Comportement d’un fil de NTC
3.1.2 Influence de la densification du fil
3.1.3 Influence de la longueur des NTC
3.1.4 Influence de la conductivité intrinsèque des NTC
3.1.5 Résumé
3.2 Structure et propriétés électriques des nappes en NTC
3.2.1 Fabrication des échantillons
3.2.2 Conductivité à 300 K de la nappe en fonction de l’angle Θ
3.2.3 Structure de la nappe de NTC
3.2.4 Conductivité intrinsèque à 300 K d’un faisceau et d’un NTC
3.3 Transport électronique dans la nappe en NTC 
3.4 Discussion autour des conductivités électriques des fils de NTC
3.5 Conclusion du chapitre 3
3.6 Références du chapitre 3
4 Chapitre 4 : Amélioration de la conductivité des fils en nanotubes de carbone par dopage et recuit à plus de 2000 °C
4.1 Dopage au chlorure de platine IV (PtCl4)
4.1.1 Méthodes expérimentales
4.1.2 Amélioration de la conductivité à température ambiante
4.1.3 Effet du dopage sur le transport électronique
4.1.4 Nappes de NTC empilées
4.2 Recuit à plus de 2000 °C
4.2.1 Méthodes expérimentales
4.2.2 Influence du recuit sur la structure des NTC
4.2.3 Influence du recuit sur la conductivité du fil en NTC
4.2.4 Influence du recuit sur le transport électronique du fil en NTC
4.3 Cumul du dopage et du recuit
4.4 Importance de l’arrangement des NTC entre eux 
4.5 Diagramme explicatif du transport électronique dans les matériaux en NTC
4.6 Conclusion du chapitre 4
4.7 Références du chapitre 4
5 Chapitre 5 : Modélisation du transport électronique dans les matériaux en nanotubes de carbone
5.1 Modèles de transport électronique et données expérimentales
5.1.1 Problématiques soulevées par les modèles de transport électronique existants
5.1.2 Développement d’un nouveau modèle à partir des données expérimentales
5.2 Interprétation du modèle 
5.2.1 Transport dans un liquide de Luttinger en-dessous de 70 K
5.2.2 Explication du comportement polynomial au-dessus de 70 K
5.3 Transport électronique théorique dans les nanotubes de carbone
5.3.1 Transport électronique dans les parois métalliques des NTC
5.3.2 Transport électronique dans les parois semi-conductrices des NTC
5.4 Signification physique de la partie polynômiale du modèle
5.4.1 Fils fabriqués par technique catalyseur flottant
5.4.2 Fils fabriqués à partir de tapis de nanotubes de carbone
5.4.3 Transport électronique jusqu’à 500 K
5.4.4 Résumé du modèle
5.5 Discussions et perspectives
5.5.1 Interprétation du préfacteur ρ0
5.5.2 Axes d’amélioration
5.6 Conclusion du chapitre 5
5.7 Références du chapitre 5 
Conclusions et Perspectives
Annexes

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