Trente ans de décentralisation et d’appui de l’UE

Trente ans de décentralisation et d’appui de l’UE

Historique et bilan des réformes de décentralisation

A partir du milieu des années 80, une vague de réformes de décentralisation a traversé le monde en développement. Un grand nombre de gouvernements se sont lancés dans des processus de réformes de l’État visant à transférer responsabilités, ressources et autorité du niveau national / central vers les plus locaux des échelons infranationaux de gouvernement et d’administration. Chaque pays a suivi sa trajectoire propre, selon les héritages du passé, les caractéristiques géographiques, les facteurs politiques, les conditions socio-économiques existantes ou encore sa culture. La décentralisation a pris place dans des systèmes centralisés tout comme dans des systèmes fédéraux ou quasi-fédéraux. Les facteurs qui ont impulsé la décentralisation ont varié d’une région à l’autre. En Amérique latine, le principal moteur de la décentralisation est né du besoin de faire évoluer le système politique d’une dictature militaire vers une démocratie. En Europe de l’Est et dans l’ancienne Union soviétique la décentralisation a fait partie du processus de transformation politique et économique d’un système socialiste vers une économie de marché. En Afrique, la décentralisation a été en général imposée de l’extérieur et liée au double impératif d’ajustement structurel et de démocratisation / bonne gouvernance suite à la fin de la Guerre froide. La théorie classique attribue d’importants bénéfices potentiels aux réformes de décentralisation. Le transfert de responsabilité peut renforcer la qualité et l’efficience de la fourniture de services publics grâce à l’amélioration de la gouvernance et de l’allocation de ressources. La proximité des autorités locales peut susciter la participation des citoyens à la vie publique et leur plus grand contrôle sur les fonctionnaires et élus locaux. Ceci par conséquent peut contribuer à réduire la corruption et à améliorer la responsabilité publique. Trente ans plus tard, le bilan d’ensemble de la décentralisation est mitigé. Bien que les dynamiques de décentralisation varient très largement d’une région à l’autre, il est possible d’identifier des points communs qui mettent en lumière ce qui a marché et ce qui n’a pas démontré d’efficacité. Le tableau 1.1 présente un survol des évolutions positives ainsi que des contraintes récurrentes souvent observées lors de la mise en œuvre des réformes de décentralisation dans les pays partenaires(1). En pratique, le stade réel de décentralisation dans un pays donné ne correspondra jamais exactement à l’une des catégories décrites ci-dessus. Il s’agit le plus souvent pour chaque pays d’un mélange particulier d’ingrédients, mélange dont la composition varie dans le temps. Ceci est cohérent avec la nature non linéaire des réformes de décentralisation qui sont caractérisées par des fluctuations imprévisibles.

La courbe d’apprentissage de l’UE sur la décentralisation, le développement local et les autorités locales

Ces trente dernières années, l’implication de l’UE dans ces domaines est passée par un cycle d’expérimentation et d’apprentissage par la pratique qui a permis de développer graduellement un cadre de politique cohérent. Ce processus a été conduit à différents moments par des dynamiques propres au pays partenaire (comme la résurgence d’une priorité sur la décentralisation), par des changements de la pensée internationale sur le développement (ex. : la reconnaissance croissante des autorités locales comme type d’acteur particulier) et par l’évolution des priorités de l’UE en termes de développement et de gouvernance. Quatre phases principales de l’implication de l’UE se distinguent durant cette période. La figure 2.1 illustre la trajectoire suivie par l’UE et la courbe d’apprentissage concernant les approches de la décentralisation et du développement local / territorial. Phase 1 : Projets de développement au niveau local (1980–circa 1995). L’UE a une longue tradition d’intervention dans le développement local, notamment via plusieurs générations de dispositifs de micro-projets communautaires, visant principalement à stimuler le développement rural et à fournir des infrastructures de base. Suite à la nouvelle vague de réformes de décentralisation du début des années 90, les autorités locales sont apparues comme un nouvel acteur du paysage local. Il leur a fallu un peu de temps avant qu’elles puissent établir une existence formelle en tant qu’institutions et revendiquer leur place. Cependant, à mesure que les AL devenaient plus visibles, l’UE a commencé à explorer de nouvelles façons d’impliquer ce nouvel acteur institutionnel dans sa coopération. Ceci a conduit à une nouvelle génération de micro-projets intégrés dans une approche du développement local plus large et destinés à être portés par des « actions conjointes » entre communautés et AL. Initialement, il n’y avait pas de cadre stratégique clair pour guider les interventions de l’UE. Ces dernières étaient généralement confinées au niveau local et manquaient d’une vision claire sur le plan politico-institutionnel comme d’une compréhension systémique. Cette situation a été exacerbée par la préférence nette des bailleurs de fonds pour la collaboration avec les gouvernements centraux sur le sujet des politiques et avec les ONG au niveau local pour la mise en œuvre de projets. Ceci explique pourquoi les AL sont restées longtemps un acteur plutôt marginal dans le développement en général et la coopération au développement de l’UE en particulier, que ce soit en tant que partenaires de dialogue ou récipiendaires de fonds.

Phase 2 : Évolution vers une approche basée sur les acteurs et une réflexion sur les systèmes (circa 1995–2010)

Au fur et à mesure que les AL commençaient à acquérir plus de légitimité et de crédibilité, un intérêt croissant est apparu à l’UE pour fournir des formes d’appui plus adaptées. Une première génération de projets visant les autorités locales en tant qu’acteur à part entière a vu le jour, à la fois à l’échelle des pays (ex. : projets de développement municipaux) et à l’échelle régionale (ex. : les programmes URB-AL et URB-Asia qui se sont révélés un succès). Avec le temps, ces projets ont appuyé le développement des capacités des autorités locales à s’attaquer à des sujets tels que la cohésion sociale, le développement économique local, la durabilité environnementale ou les personnes déplacées internes. Ils ont également soutenu le renforcement organisationnel et la bonne gouvernance au niveau local. De tels efforts ont été complétés par une palette de dispositifs de coopération décentralisée conduite par les municipalités des pays européens. 

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