Une modification des rôles et des « faces » des soignants »

Une modification des rôles et des « faces » des soignants »

« La culture dans ce contexte agit tel un élément venu de lřextérieur, sřajoutant à la rigidité de lřinstitution. Parce quřelle déforme et redéfinit dans son action les limites du lieu investi et du temps imparti, la culture permet à une forme de désinstitution de voir le jour. La culture intervient en ce sens comme la possibilité dřune reconstruction de lřespace et du temps au sein dřune institution cloisonnée, et permet ainsi de décloisonner les individus présents. Nous comprenons ici le décloisonnement comme la possibilité pour les sujets présents de sortir de leurs rôles respectifs par lřintermédiaire dřun changement des comportements. La surprise créée par lřévènement dřun spectacle de danse par exemple permet aux masques symboliques de tomber. On nřattend plus du soignant quřil soigne et on ne voie plus le patient comme un malade. Parce quřil étonne et apporte avec lui autre chose, lřévènement culturel crée un lieu nouveau de rencontre dans un lieu jusquřalors conditionné par des conduites et des règles. Chaque individu est, dans ce cadre, spectateur avant toute chose » (Grappin, 2008 :78). Nous partageons la première idée de lřauteure selon laquelle la culture permet de redéfinir à la fois le temps et lřespace dans lřétablissement hospitalier. Cependant, notre propos est plus nuancé. Selon nous la culture ne « sřajoute pas » elle sřinsère, se glisse dans des brèches latentes ou déjà présentes, permettant justement de faire face et dřatténuer cette « rigidité » institutionnelle. Lřaction culturelle entraîne un changement dans les comportements, dans les interactions, mais ne modifie pas la nature des rôles des différents acteurs en présence. Le rôle établi, conventionnel, devient secondaire néanmoins un soignant reste avant tout soignant, et un patient reste un malade qui doit être pris en charge. Les rôles ne sont plus figés, mais sont démultipliés, le personnel devient aussi spectateur et acteur tout comme le patient.

Cependant, nous ne pensons pas comme le souligne Florence Grappin, que lřindividu soit avant tout spectateur. Ce rôle induit un comportement plutôt passif, axé sur la réception dřune œuvre, ce qui est plutôt le cas lors dřactivités socioculturelles. Pour les projets menés dans le cadre du programme « Culture à lřhôpital », lřindividu est avant tout acteur, et cřest cette création commune qui selon nous, permet une multiplicité des rôles à lřœuvre et par là même une modification de la nature des interactions.  « Moi au départ je ne savais pas s’il y avait un rôle défini dans ce groupe pour le personnel soignant. Ma position a été de m’asseoir autour de la table comme tout le monde et d’être au même niveau que les autres. Pour moi, c’était normal de faire partie intégrante de ce qui se passait, d’accepter la feuille que l’on m’a proposée et de dessiner. Je ne vois pas la position de se mettre à l’extérieur. On n’a pas à être là pour regarder, on n’a pas à être là en tant qu’observateur, on fait partie intégrante de l’atelier. Si on veut s’immiscer dedans, si on veut comprendre le fonctionnement il faut être dans le fonctionnement. C’était une découverte aussi, de sa propre  Le soignant doit être « là », c’est-à-dire sřintégrer au groupe, sans trop être « là » afin de ne pas déranger, de laisser aux patients la place nécessaire pour sřexprimer. Malgré ces questionnements de départ, tous les soignants rencontrés ont évoqué le désir de se positionner comme les patients, c’est-à-dire en tant que participant. Pour comprendre ce qui se joue dans lřatelier, il leur est nécessaire dřintégrer son fonctionnement. La position qui consiste à rester dans lřobservation parait totalement inappropriée. Elle est évoquée comme un frein à lřexpression des patients. Au sein des services, ils se montrent souvent mal à lřaise lorsquřils se sentent observés. aussi un certain encadrement. Ils sont là « au cas où », en cas de débordement par exemple. Ces situations restent rares, un seul exemple nous a été rapporté. Lors dřun atelier dřarts plastiques auprès de jeunes adolescents, lřun dřentre eux, pris dřune crise de violence (physique et verbale) a dû être exclu du groupe par les soignants. Il sřagissait dřune personne dans une situation de détresse importante, son comportement était gênant au sein même du Plus généralement, les soignants assurent le bon fonctionnement de lřatelier. Si un patient a besoin dřun accompagnement particulier, ils savent se rendre disponibles. Ils aident les patients à positiver ce quřils accomplissent au cours de lřatelier, ils les accompagnent dans leur démarche artistique. Ils se positionnent dans un travail dřaide et de restauration de la personne comme ils peuvent le faire au sein de leurs unités : . Quelles actions précises menez-vous au sein de lřatelier (de manière pratique au- delà de la position adoptée) ? « Moi mon action est de la restauration et de l’aide. Je vais être dans une aide où lorsqu’ils disent : “Je n’y arrive pas, je vais aller fumer”. Je vais être là pour leur dire : “Écoutez attendez, vous pourrez fumer tout à l’heure où rappelez-vous comment c’était à la première séance et ce que vous pouvez faire aujourd’hui.” En fait je vais les restaurer positivement. Mon action est de toujours leur faire ressortir ce qu’il y a de bien. Ce qui n’est pas bien je ne vais pas le voir. Il me dit : “Ce n’est pas bien”, mais ça, je ne vais pas l’entendre. Je l’entends, intellectuellement je l’entends, mais je ne vais pas le laisser sur “c’est pas bien ce que j’ai fait aujourd’hui”.

 

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