Variation de capacité de jonctions tunnel à base d’agrégats

Depuis plusieurs années, des recherches matériau se sont développées à l’Unité Mixte de Physique CNRS / Thales [1] pour réaliser des assemblées d’agrégats ([2], [3], [4], [5] et [6]). Ces travaux font suites à des réalisations d’hétérostructures nanoscopiques complexes (2D) comme par exemple les jonctions tunnel. L’utilisation des agrégats métalliques dans un oxyde (structure capacitive) est en effet très proche de la réalisation d’une jonction tunnel. Les transferts électroniques entre objets isolés de dimensions réduites ([7], [8] et [9]) font aussi suite aux études de transfert électronique dans des jonctions tunnel. Mon arrivée dans le laboratoire coïncide avec cette évolution.

Plus précisément, l’objet de ma recherche a été d’étudier le transport électronique dans une jonction tunnel dans laquelle une assemblée 2D d’agrégats métalliques nanométriques a été insérée. Schématiquement, on peut décrire l’effet étudié de la manière suivante : en appliquant une faible différence de potentiel entre les électrodes de la jonction, on constate un blocage du courant. Cet effet connu ([10], [11] et [12]), est attribué au blocage de Coulomb qui conduit à empêcher le passage des électrons tant qu’une tension seuil n’est pas atteinte. Il est ainsi possible de charger ou décharger un agrégat en oscillant autour de sa tension seuil. La variation de charges sur l’assemblée d’agrégats et, par conséquent, la capacité différentielle de la jonction, dépend des caractéristiques du système [13] (taille des agrégats, épaisseurs des barrières, etc.).

Les agrégats

Les caractéristiques de l’assemblée d’agrégats sont critiques dans le comportement capacitif des jonctions tunnel, aussi avons-nous analysé les différentes voies d’élaboration existantes. Nous présentons ici les plus connues, une attention particulière est portée à la formation d’agrégats par dépôt d’atomes, car nous avons privilégié cette technique de dépôt.

La formation d’agrégats par dépôt d’atomes

Dans ce paragraphe, nous nous attachons à expliquer de manière empirique la formation d’agrégats, lors d’un dépôt d’atomes sur une surface. Le lecteur intéressé par un exposé plus détaillé pourra se reporter à la référence [14]. La formation d’agrégats par dépôt d’atome peut être envisagée de plusieurs manières. La vision thermodynamique explique le mode de croissance par des considérations énergétiques. Il est ainsi possible de distinguer trois cas :

• La croissance Franck – Van der Merwe
C’est un mode de croissance 2D dans lequel la croissance d’une couche sur un substrat est énergétiquement favorable et les atomes se répartissent en une couche complète, recouverte par une seconde couche et ainsi de suite. Le mode de croissance Franck – Van der Merwe est adopté par les gaz rares sur le graphite ou certain métaux, par des métaux sur métaux ou par des semi-conducteurs sur semi-conducteur.

• La croissance Volmer – Weber
C’est un mode de croissance 3D dans lequel la croissance d’une couche sur un substrat n’est pas énergétiquement favorable et les atomes auront tendance à se regrouper en agrégats pour laisser une partie du substrat à nu. C’est le mode de croissance adopté par les métaux sur isolants, halogénures alcalins ou sur le graphite.

• La croissance Strantski – Krastanov
C’est un mode de croissance mixte dans lequel les conditions énergétiques sont alors favorables à une croissance 2D, mais pour des raisons cinétiques (mode pseudo Stranski – Krastanov) ou, dans le cas de matériaux épitaxiés et contraints (vrai mode Stanski – Krastanov), la croissance est dans un premier temps 2D puis évolue vers un régime 3D.

Une vision cinétique est également envisageable, elle prédit la croissance à partir du mouvement des atomes puis des agrégats sur la surface.

Les atomes sur la surface 

Un atome sur une surface est une particule dans un champ de potentiel. Les puits et barrières de potentiel sont dus à la topologie de la surface mais également aux relations chimiques entre l’atome déposé et ceux de la surface. Lors d’un dépôt d’atomes sur une surface, plusieurs situations peuvent se produire :

• La diffusion
Les atomes diffusent sur la surface, de manière isotrope ou non.
• L’agrégation
Deux atomes se lient formant un agrégat ou un atome vient grossir un agrégat déjà existant.
• La dissociation
Un atome quitte un agrégat. Ce phénomène est énergétiquement activé, il dépend donc du nombre d’atomes présents dans l’agrégat, de leur énergie de liaison et de la température (température de dépôt ou de recuit). C’est la dissociation qui est à l’origine du mûrissement d’Ostwald [15], mécanisme qui favorise la disparition des petits agrégats au profit des plus gros.
• La désorption ou l’évaporation
Un atome quitte la surface. Ce phénomène est d’autant plus probable que l’énergie de liaison matériau déposé / substrat est faible.
• La diffusion périphérique
Un atome diffuse à la périphérie d’un agrégat mais lui reste lié.
• Le piégeage par un défaut
Un atome est piégé par le puits de potentiel formé par un défaut de la surface. Ce dernier peut être de nature topologique, chimique (impureté) ou mixte (lacune…). Le piégeage est caractérisé par la longue durée de séjour de l’atome dans le puits de potentiel.

Table des matières

Chapitre 1 Introduction
Chapitre 2 Etat de l’art
2.1 Les agrégats
2.1.1 La formation d’agrégats par dépôt d’atomes
2.1.2 La voie chimique
2.1.3 Le dépôt d’agrégats en jet libre
2.2 Transport électronique dans les agrégats
Chapitre 3 Modèles et simulations
3.1 Le blocage de Coulomb
3.1.1 Un peu d’histoire
3.1.2 Modélisation électrique
3.1.3 Les limites du blocage de Coulomb
3.2 Capacité d’une jonction tunnel à base d’agrégats
3.2.1 Jonction avec un agrégat unique
3.2.2 Jonction avec une assemblée d’agrégats
3.3 Simulation numérique de la variation de capacité
3.3.2 Calcul numérique
3.3.3 Simulations
Chapitre 4 Variation de capacité de jonctions tunnel à base d’agrégats
4.1 Elaboration et caractérisation
4.1.1 Elaboration des échantillons
4.1.2 Caractérisation
4.2 Validation des barrières diélectriques
4.2.2 Propriétés diélectriques et isolantes de l’aluminium oxydé
4.2.3 Propriétés diélectriques et isolantes de l’alumine cible
4.2.4 Conclusion
4.3 Variation de capacité d’une jonction tunnel à base d’agrégats
4.3.1 Jonction tunnel à barrière d’aluminium oxydé et d’alumine cible
4.3.2 Variation de capacité d’une jonction tunnel à base d’agrégats de cobalt
4.4 Influence des caractéristiques de l’assemblée d’agrégats sur la variation de capacité
4.4.2 Influence de la densité d’agrégats
4.4.3 Contrôle de la taille des agrégats : vers un fonctionnement à température ambiante
4.5 Influence des barrières diélectriques sur la variation de capacité
4.5.1 Influence de l’épaisseur des barrières
4.5.2 Influence des constantes diélectriques
Chapitre 5 Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *