ACCES DE FEMMES AUX TERRES AGRICOLES

ACCES DE FEMMES AUX TERRES AGRICOLES

Les structures démographiques 

 Répartition de la population par sexe et par âge 

Le recensement 2002 effectué par la CR confirme et souligne la jeunesse de la population : les moins de 15 ans constituent 52.2% de l’effectif global, tandis que les personnes âgées entre 35 et 51 ans représentent les 15% ; Donc les personnes ayant moins de 35 ans regroupent 67.2% de la population totale. Quant à la répartition de la population par sexe (ou sex-ratio), elle fait apparaître un léger déséquilibre en faveur de l’effectif total des hommes. Le rapport de masculinité est de 101 hommes pour 100 femmes ; Ceci montre que 51% de la population est de sexe masculin contre 49% de femmes. Cependant, les femmes constituent un poids non négligeable dans la CR et sont incontournables dans le cadre des activités agricoles.

 Composition ethnique

 Les principales ethnies représentées à Gagnick sont : • les Sérère : ils représentent environ 60% de la population totale. Ils seraient les premiers occupants de la localité ; • les Wolof constituent le second groupe ethnique le plus important avec 26% de la population totale ; • les Peul font 12% de la population totale et sont généralement constitués de pasteurs ; • un groupe composite de Socé, Toucouleur et Maure qui fait 2% de la population.  

La répartition religieuse 

L’Islam est la religion la plus pratiquée. Néanmoins, on y note la présence d’une minorité de chrétiens, spécialement à Sagnar. Graphique 2 : Répartition de la population selon la religion Source : CERP M’badakhoune, 2002 Dans la CR de Gagnick, les Sérère prédominent suivis des Wolof. Ces deux ethnies restent très attachées à leur tradition qui privilégie l’homme par rapport à la femme. Ainsi l’homme est le chef de ménage et détient les terres de culture. La religion musulmane renforce le statut de l’homme. Les facteurs socioculturels et religieux influencent considérablement l’accès aux terres agricoles et introduisent une discrimination entre l’homme et la femme. 

L’agriculture 

La CR de Gagnick est une zone à vocation agricole. En effet, l’agriculture occupe 90% de la population active. 83.5% de la superficie totale soit 11344.72ha lui sont consacrés. La population agricole féminine représente 50,03% et dispose de 50, 49% des exploitations agricoles (recensement national de 32 l’agriculture 1998-1999). C’est une agriculture essentiellement pluviale avec traction animale. Les produits cultivés sont : • l’arachide Il est pratiqué sur les sols Dior et Deck-Dior. L’arachide occupe 4509,85ha soit 39,75% des surfaces cultivées. Sa production est estimée de 3788,27 tonnes en 2001. • le mil Il occupe 6088,55 ha de superficie et constitue l’alimentation de base des populations rurales. En 2001, sa production était estimée à 3044,28 tonnes. • le sorgho Cette céréale très utilisée pour la consommation est cultivée dans les localités de Tibou, Poula Mack, Gagnick, Halte. Elle occupe une superficie de 80.01ha avec une production de 32 tonnes en 2001. Les autres cultures sont le manioc avec 485ha et le niébé 62.13ha. Il faut noter la percée remarquable de la pastèque due à sa rentabilité économique et à ses faibles besoins en eau. Malgré le potentiel humain mobilisé, l’agriculture est confrontée à une baisse des rendements. Ainsi des répercussions sont à envisager dans l’accès aux moyens de production notamment à la terre. Les femmes pratiquent l’agriculture et représentent 50, 03% de la population agricole contre 49, 97% en faveur des hommes. (Source recensement national de l’agriculture, 1998-1999).

FEMMES ET LOIS FONCIERES

 La période précoloniale 

Gagnick faisait partie du royaume du Saloum. Le Saloum comprenait des provinces, des pays autour de la capitale Kahône et des villages directement rattachés au Bour Saloum. L’ancien Gagnick serait la résidence des chefs sérére, avant la prise du pouvoir par les guéléwars. Une petite principauté y a été créée sous le Bour Saloum Balé pour satisfaire un prétendant malheureux au poste de Beuleup qui s’appelait Samba Bissin Diara N’dao ; elle englobait un bon nombre de villages par la suite. Gagnick et ses villages proches étaient administrés par des représentants du Bour Saloum qui portaient le titre de Diaraf. Ils furent au nombre de 28 au total ; parmi eux M’Bagnick Sonar Poulen, Gallop Penda Soumaré N’dao. Cette société précoloniale est une société paysanne. La terre y est donc fondamentale puisqu’il s’agit de la base de la survie du groupe. La seule richesse est l’exploitation de la terre. Ainsi le droit à la terre est à la fois une nécessité et une évidence. Dans une communauté qui vit de l’agriculture, le régime foncier est lié à l’organisation sociale et économique. Dans le Gagnick, selon notre informateur Gallop N’dao, notable à Gagnick et appartenant à la lignée des Diaraf, le système foncier reposait sur le lamanat. Les lamanes, chefs de territoire et Diaraf, détenaient le droit de feu. Ils étaient les détenteurs du patrimoine foncier. Le chef de famille avait le droit de hache. Le lamane accorde au chef de famille nouvellement arrivé l’autorisation d’occuper une portion de ses terres en friche. Le nouveau titulaire effectue alors un défrichement qui lui confère le droit de hache. Les champs ainsi défrichés et cultivés donnent le droit de culture. Au sein de la famille, le chef de famille distribue les terres aux membres de la famille. Ainsi la femme reçoit sa part. Selon, le vieux N’Dao, la femme mariée n’avait aucune difficulté à accéder aux terres de culture. Le patrimoine était suffisant pour satisfaire toute la famille. De ce fait, la femme mariée disposait de son propre champ où elle 37 pratiquait des cultures vivrières comme le sunna4, le bassi5. A Gagnick, la femme avait le droit de culture. II) La période coloniale Sous l’ère coloniale, le Sénégal sera divisé en cercles, subdivisions et cantons. Les royaumes furent annexés. Kahône, la capitale du Saloum, devient un canton dirigé par un chef de canton. Gagnick dépendra du canton de Kahône. Le système foncier basé sur le lamanat va connaître des bouleversements. En lieu et place du lamanat, le code civil français fait son apparition. Le principe de « terres vacantes et sans maîtres » fut introduit ainsi que le droit de la propriété, plus tard. Dans le Gagnick, les conséquences ne vont pas se faire attendre. Les lamanes vont perdre les terres non défrichées ainsi que celles prêtées à des tiers, d’après le vieux N’dao. Les détenteurs du droit de hache et du droit de culture deviennent propriétaires. Beaucoup de lamanes vont quitter et défricher ailleurs. A titre d’exemple, Lat Demba s’installa à Loumbel Kely, Waly N’doup à Tibou. Pourtant les changements majeurs ne seront pas observés en ce qui concerne l’accès aux terres de cultures des femmes. Ces dernières reçoivent toujours les terres de leurs maris, chefs de famille. Mais avec l’introduction de l’arachide et de la monnaie, les cultures vivrières vont connaître un recul au profit des cultures de rente. Les terres qui étaient consacrées aux cultures de consommation vont diminuer. Les femmes étant fortement impliquées dans ces cultures vont voir leurs superficies grignotées par les cultures de rente .Toutefois, des difficultés d’accès n’apparaîtront pas car la pression foncière n’était pas encore forte. 

 Le régime foncier sénégalais après indépendance

 Avant l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, notre pays a connu deux grands régimes fonciers. Il s’agit du régime de lamanat et celui du code civil français de 1830. 4 Petit mil hâtif, un pénicillaire s Sorgho 38 Z._ ___ – Affecté Domaine public -Non affecté naturel Domaine public artificiel 3. Domaine des particuliers {propriété privée 2% des terres 1. Domaine national 95% des terres 2. Domaine de l’Etat 3% des terres / Domaine public \ Domaine Privé Pour coller aux réalités du peuple sénégalais, une réforme foncière sera entreprise par le Sénégal indépendant à partir de 1964. 

La gestion des terres du Sénégal 

Le Sénégal couvre une superficie de 196722km2 . Cette vaste étendue de terre constitue le territoire national. Les espaces aérien, maritime et fluvial font partie du territoire national. Aujourd’hui, toutes les terres du Sénégal sont divisées en trois catégories : le domaine national, le domaine de l’Etat et le domaine des particuliers. Schéma N° 1 : La répartition des terres au Sénégal Ces trois domaines sont détenus par les particuliers, des organisations publiques et privées et l’Etat du Sénégal. Nous nous intéresserons aux terres du domaine national qui concernent directement notre étude. 

 La Loi sur le Domaine National

 La réforme foncière va donner naissance à la loi n° 64-46 sur le Domaine National. La réforme poursuivait trois objectifs : • unifier un système complexe avec des droits traditionnels, le droit colonial et le droit musulman • assurer une meilleure mise en valeur des terres 39 • responsabiliser les communautés de base pour une participation effective des Collectivités locales au développement Selon l’article premier de la loi n° 64-46 relative au domaine national «Constituent de plein droit le domaine national, toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées ou dont la propriété n’a pas été transcrite à la convention des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Ne font pas non plus partie de plein droit du domaine national les terres qui, à cette date, font d’objet d’une procédure d’immatriculation au nom d’une personne autre que l’état ». L’article 4 classe les terres du domaine national en quatre catégories : • les zones urbaines comprenant les terres du domaine national situées sur le territoire des communes et des groupements d’urbanisme • Les zones classées (à vocation forestière) • Les zones de terroirs • Les zones pionnières (terres mises en valeur dans le cadre de l’exécution de plan de développement et de programmes d’ aménagement). Les zones de terroirs sont des terres affectées aux populations rurales qui assurent leur mise en valeur et les exploitent sous le contrôle de l’état et conformément aux lois et règlements en vigueur. Ces terres sont, en général, celles exploitées dans le cadre des activités agricoles des producteurs ruraux (agriculteurs, pasteurs) et l’habitat. Les zones de terroirs nous intéressent au premier plan car Gagnick étant une Communauté rurale et les terres agricoles qui constituent l’objet de notre étude font partie intégrante de ces zones de terroirs. 111.2.1) La gestion des terres du Domaine National La Loi 72-25 du 19 avril 1972 créant les Communautés rurales va rendre effective la mise en oeuvre de la Loi sur le Domaine National. 40 La réforme de l’administration locale intervenue consacre le processus de responsabilisation des populations rurales dans la prise en charge de leur développement. Ainsi les terres constituées par les zones de terroirs sont dorénavant gérées par l’organe délibérant de la Collectivité locale en milieu rural conformément au décret n°80-1051 du 14 octobre 1980 modifiant le décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national. A l’instar de toutes les Communautés rurales, à Gagnick, le Conseil rural est l’organe délibérant. Il comprend 28 conseillers parmi lesquels un président et deux vices présidents. C’est ce Conseil qui gère les terres agricoles situées au sein de la Communauté rurale. Avec la loi n°96-07 du 22 mars 1996, 9 domaines de compétences sont transférés à la Communauté rurale, à la Région et à la Commune érigées en Collectivité locale : > gestion et utilisation du domaine privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national ; > environnement et gestion des ressources naturelles ; > santé, population et action sociale ; > jeunesse, sports et loisirs ; > Culture ; > éducation, alphabétisation, promotion des langues nationales et formation professionnelle ; > planification ; > aménagement des territoires ; > urbanisme et habitat. L’article 16 de la loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux Collectivités locales stipule que le territoire sénégalais reste le patrimoine commun de la nation. L’objectif est de préserver le caractère communautaire de la gestion des terres dans nos sociétés négro -africaines. Avec la décentralisation, l’Etat a délégué un certain nombre de ses prérogatives aux Collectivités locales. Ainsi dans le domaine économique, la Communauté rurale a en charge l’attribution du domaine national aux paysans qui sont les plus aptes à mettre le terroir en valeur. 41 Dans une zone à vocation agricole, la gestion des terres agricoles ne sera pas du tout aisée d’autant plus dans cette Communauté rurale, plusieurs acteurs se partagent l’espace agricole : hommes, femmes et exploitants agricoles de la Commune de Guinguinéo, Collectivité locale limitrophe. Aussi les terres sont- elle rares. Cette situation génère des conflits dont la gestion a été confiée à une commission domaniale, dans la Communauté rurale de Gagnick. 111.2.2) L’affection des terres agricoles Seul le Conseil rural au terme de la loi 72-25 du 19 avril 1972, est habilité à affecter et à désaffecter les terres de culture relevant de son domaine de compétence par délibération de ses membres. L’accès à la terre n’exclut aucun citoyen sur la base de son appartenance ethnique et sociale ou religieuse. Selon le décret 72-1288, peuvent être affectataires d’une terre de culture, les membres de la Collectivité locale groupés ou non en association qui ont la capacité d’assurer correctement ou avec l’aide de leur famille la mise en valeur des terres. Ainsi tout citoyen désirant occuper une terre agricole doit formuler une demande d’affectation adressée à l’organe de décision de la Collectivité locale et attendre la notification de l’acte d’affectation. Il doit justifier la capacité de mettre en valeur la superficie demandée. Seulement, l’affectation est soumise aux conditions positives suivantes : • d’une exploitation directe ou familiale ; • mise en valeur conformément au programme établi par la Communauté rurale ; • la résidence dans la Communauté rurale de l’affectataire. L’affectation est soumise aussi aux conditions négatives suivantes : • Aucune vente n’est possible, • Pas de location, • Pas d’héritage, • Pas de cession à un autre. La délibération prise à cet effet par le Conseil rural, pour être exécutive est soumise à l’approbation du sous-préfet. 42 Il convient de préciser que l’affectation d’une terre de culture ne donne à l’occupant qu’un droit d’usage qui ne procure pas à ce dernier une propriété pleine et entière. Toutefois, il peut user et fructifier la terre conformément aux conditions fixées par le programme établi par la Collectivité. Une désaffectation des terres peut intervenir dans le cas suivant • non respect des engagements de l’affectataire ou des règles fixées en matière d’utilisation des terres, (insuffisance de mise en valeur, mauvais entretien, l’inobservation répétée et grave des règles fixées en matière d’utilisation des terres) • cessation d’exploiter personnellement ou avec l’aide de sa famille • à la demande de l’intéressé • pour des motifs d’intérêt général (chemin de bétail, travaux d’hydraulique, lotissement, les voies et places publiques) • l’absence d’une mise en valeur sur une période de plus de deux ans. Donc, aucun texte législatif ou réglementaire ne s’oppose à l’affectation d’une terre de culture à une femme. D’ailleurs la Constitution du 22 janvier 2001 a déjà posé les bases « l’homme et la femme ont également le droit d’accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi6 ». Ainsi les femmes de la Communauté rurale de Gagnick peuvent au même titre que les hommes solliciter l’affectation des terres agricoles auprès du Conseil rural. L’affectation ne doit obéir qu’à la disponibilité de la terre et aux capacités du bénéficiaire d’assurer directement ou avec l’aide de sa famille, la mise en valeur des terres qui lui seront affectées. Aussi les GPF peuvent-ils valablement demander et obtenir l’affectation d’une terre de culture. Le système du lamanat et les lois foncières coloniales octroient aux femmes un droit de culture. Celles-ci ont recours aux chefs de famille, les hommes, pour accéder aux terres de culture, et cela sans difficulté majeure. Le régime foncier   actuel confie au Conseil rural l’affectation des terres de culture, avec comme fait nouveau un accès en toute indépendance du chef de famille. Dans la CR de Gagnick, ces nouvelles dispositions foncières opèrent-elles une rupture avec les systèmes fonciers précédents concernant l’accès aux terres de culture des femmes qui participent aux activités agricoles ?

Table des matières

DEDICACES
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
LISTE DES SIGLES ET DES ACRONY1VIES
INTRODUCTION
P ROBLEMATIQUE
METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU CADRE GEOGRAPHIQUE
DE L’ETUDE
CHAPITRE 1 : LES DONNEES PHYSIQUES
CHAPITRE 2 : LES DONNEES SOCIO DEMOGRAPHIQUES ET  ECONOMIQUES
DEUXIEME PARTIE : SITUATION FONCIERE DES FEMMES DANS LA CR DE GAGNICK
CHAPITRE 1 : FEMMES ET LOIS FONCIERES DANS LA CR DEP  GAGNICK
CHAPITRE 2 : LE POIDS DES FEM1VIES DANS LES ACTIVITES
AGRICOLES A GAGNICK : LA FEMME, FORCE DE TRAVAIL
CHAPITRE 3 : LES FEMMES ET LA TERRE AGRICOLE DANS LA CR GAGNICK
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION DES SITUATIONS DE NON ACCES
DES FEMMES AUX TERRES AGRICOLES DANS LA
CR GAGNICK
CHAPITRE 1 : LES STATEGIES LOCALES
CHAPITRE 2 : L’INCITATION EXTERIEURE
CONCLUSION
LISTE DES CARTES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES PHOTOS
LISTE DES SCHEMAS
LISTE DES GRAPHIQUES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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