Analyse de la variabilité pour l’aptitude au bouturage ligneux chez les espèces Prunus

Traitement hormonal avec l’auxine

Depuis la découverte de de l’auxine par F.W. Went en 1928, les recherches sur les hormones végétales sont très nombreuses. Parmi ces hormones, l’auxine joue un rôle essentiel dans plusieurs processus de développement des plantes (Zhao 2010). L’auxine joue notamment un rôle central dans la formation des racines adventives. Il agit d’une façon synergique ou antagoniste avec d’autres hormones pour déclencher une série de processus qui participent à la formation des racines adventives (Pacurar et al. 2014; Vanstraelen and Benkova 2012). Au départ l’auxine a été découverte dans les plantes sous forme d’IAA (acide indole acétique), c’est la forme la plus répandu dans les plantes. Une autre forme existe aussi, c’est IBA (acide indole butyrique). Il est moins répandu que l’IAA, même si des recherches récentes ont prouvé son existence dans certaines espèces (Ludwig-Müller and Epstein 1991; Sutter and Cohen 1992). C’est d’ailleurs la forme la plus utilisée et la plus efficace pour stimuler l’initiation des racines adventives (Hartmann et al. 1977; Zimmerman and Wilcoxon 1935).

D’autres auxines synthétiques sont aussi utilisées pour des usages de multiplication végétative comme le NAA (acide naphtaline acétique) et le 2,4-d (L’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique). L’auxine IAA est synthétisée dans les tissus des jeunes feuilles et les bourgeons apicaux et les semis à partir de tryptophane (Normanly 2010), puis il est transporté par la voie cellulaire par diffusion ou à l’aide des protéines membranaires (Kramer and Bennett 2006) ou via les vaisseaux de phloème (Davies 2010) pour atteindre les lieux de fonction dans tous les parties de la plante. L’auxine maintient la dominance apicale et prévient le développement des bourgeons latéraux. Elle intervient dans le tropisme des plantes et stimule la division cellulaire des cellules de cambium et des tissus vasculaires (Aloni 1995). Elle retarde la senescence des feuilles et la maturation des fruits et stimule la formation de fruits parthénocarpiques (Sauer et al. 2013) L’application exogène de l’auxine a un rôle décisif dans l’initiation des racines adventives chez un grand nombre d’espèces (Benjamins and Scheres 2008; Blakesley et al. 1991). Son utilisation a permis de multiplier plusieurs espèces reconnues avoir du mal à émettre des racines adventives.

La réponse des plantes à l’auxine n’est pas universelle, ce qui nécessite des recherches pour définir la concentration la plus adaptée pour chaque espèce végétale avant de commencer la multiplication végétative à grande échelle. Même s’il est largement admis que le traitement avec AIB est habituellement nécessaire (Canli and Bozkurt 2009; De Klerk et al. 1999), une concentration trop élevée d’AIB pourrait jouer un rôle opposé et inhiber l’enracinement et par conséquence diminuer le nombre de boutures qui survivent (Sulusoglu and Cavusoglu 2010), D’autres manipulations peuvent améliorer l’enracinement comme l’augmentation de la surface de coupure à la base de la bouture en les coupant en biais, ou en faisant des incisions longitudinales de 1 à 2 cm à la base des boutures. Ces manipulations augmentent l’effet stimulant des blessures sur l’initiation des racines adventives chez plusieurs espèces végétales et améliorent ainsi l’enracinement (Al-Salem and Karam 2001; Mackenzie et al. 1986). Le tableau 4 résume les recherches qui ont été effectuées sur des collections génétiques de Prunus en précisant le type de la bouture et la concentration de l’auxine.

Pourcentage d’enracinement

On a fait une synthèse des données sur deux niveaux : le taux de réussite de bouturage par sous-genre Prunus (Figure 9) et par groupe d’espèces (Figure 10). Ces données regroupées par sousgenre Prunus ont été représentées graphiquement dans une boite à pattes pour montrer les paramètres de dispersion (Figure 9). Pour l’analyse de l’aptitude au bouturage par sous-genre Prunus, le sous genre Amygdalus présente le taux d’enracinement le plus faible. Presque 50 % de génotypes qui appartiennent à ce sousgenre sont morts et quelque uns ont réussi modérément à se bouturer mais avec un taux ne dépassant pas 40%. Le taux de réussite au bouturage dans le sous genre Prunophora varie de 0 à 100%, mais contrairement au précédent, ce sous genre a une bonne aptitude au bouturage. Plus de la moitié des génotypes issus du groupe Prunophora ont un taux de réussite qui dépasse 75%. Les hybrides entre les deux sous genres Prunophora et Amygdalus ont une capacité au bouturage intermédiaire, nettement supérieure au sous genre Amygdalus, avec presque 50% de ces hybrides ayant un taux de bouturage supérieur à 40 %. Le sous-genre Cerasus est présenté par un seul génotype « Microcerasus » qui a une bonne aptitude au bouturage mais ce résultat ne peut pas représenter l’ensemble du sous genre Cerasus.

Les analyses statistiques ont révélé des différences très significatives entre le sous genre Amygdalus et les deux autres sous genres (P< 0.05), par contre il n’y a pas de différences significatives entre le sous genre Prunophora et le groupe Amyg-Pruno (hybrides Amygdalus*Prunophora). L’analyse par espèces ou groupes d’hybrides est présentée dans le tableau suivant où sont indiquées par espèces, le nombre de génotypes étudiés et la moyenne du taux de réussite au bouturage. La comparaison entre espèces pour leurs aptitudes au bouturage révèle les points suivants : -Dans le sous-genre Amygdalus, l’enracinement de l’espèce amandier a été nul pour tous les clones. Pour le pêcher, il a été de 10 %. En revanche la moyenne de reprise au bouturage pour les hybrides « pêcher *amandier » a été de 24%, et donc supérieur aux deux espèces parentes. -Les espèces du sous-genre Prunophora ont eu des taux d’aptitude au bouturage élevés ; les deux espèces P armeniaca (abricotier) et P.salicina (prunier japonais) sont celles qui ont les taux de bouturage les moins élevés. Les 3 espèces P cerasifera, P domestica et P marianna qui sont très utilisées comme porte-greffe Prunus, ont eu des taux de bouturage élevés avec 71% 43% et 84% respectivement. -Les hybrides avec l’espèce P cerasifera ont eu également de bons taux de reprise au bouturage. Les hybrides P persica*P cerasifera, P dulcis*P cerasifera ont eu un taux de bouturage élevé 51% et 57%.

L’espèce P cerasifera a certainement des gènes dominants d’aptitude au bouturage, ce qui expliquerait que la moyenne de ces hybrides est supérieure à la moyenne des deux espèces parentes, P cerasifera et P persica dans un cas, P cerasifera et P dulcis dans l’autre cas. Ces résultats de l’aptitude au bouturage ont été calculés à partir des moyennes de tous les génotypes appartenant à la même espèce. Pour bien visualiser la variabilité génétique au sein de chaque espèce, on a représenté les boites à pattes du taux de réussite de bouturage par espèce. Nous observons que, le taux de réussite varie entre 0 et 100 % dans plusieurs espèces : P domestica, P spinosa et les hybrides P dulcis*P cerasifera. Par contre, dans les espèces P persica, P dulcis, P armeniaca et le groupe hybride P dulcis*P armeniaca on observe que la moitié des génotypes ont un taux de 0%. L’ensemble des génotypes des deux espèces P cerasifera et P marianna ont des aptitudes au bouturage élevés.

Discussion

La diversité génétique des espèces cultivées constitue la base première indispensable pour les programmes de l’amélioration génétique des plantes (Govindaraj et al. 2015). Cette variabilité génétique est présente à grande ampleur au sein de genre Prunus. Elle a été générée par des mécanismes évolutifs liés aux milieux d’origine et par des hybridations naturelles ou artificielles (Casas et al. 1999; Milligan et al. 1994). La conservation de cette diversité génétique ainsi que la propagation des plantes issues des programmes de l’amélioration génétique est un objectif très important. L’un des outils utilisés est la multiplication végétative par bouturage ligneuse car c’est une technique intéressante pour ses avantages de coût et de facilité (Sharma and Aier 1989). Dans notre expérience nous avons essayé de voir la capacité de bouturage d’un génotype donné en fonction de son origine génétique. Nous nous somme basés sur la classification de Rehder (Rehder 1940) qui avait été reprise dans l’étude de Watkins (1976) pour replacer les différentes espèces et sous-genre Prunus dans un arbre phylogénétique. Le sous genre Cerasus est très peu représenté dans la collection et nous ne pouvons donc pas généraliser nos résultats pour ce sous-genre. L’aptitude au bouturage a été nulle pour l’espèce amandier et très faible pour l’espèce pêcher. Par contre quelques hybrides pêcher*amandier ont montré un taux d’enracinement supérieur aux deux parents. Contrairement au sous genre Amygdalus, le sous genre Prunophora a une importante capacité de bouturage. Seuls les clones des espèces P armeniaca et P salicina, ont donné de faibles taux de bouturage.

Il est intéressant d’utiliser les espèces du sous-genre Prunophora comme P cerasifera dans les programmes d’amélioration génétique par hybridation inter spécifique pour apporter une bonne aptitude au bouturage avec d’autres caractères recherchés (Salesses et al. 1998). Par exemple les hybrides P cerasifera*P dulcis peuvent apporter les caractéristiques intéressantes de chaque espèce, comme l’aptitude au bouturage de P cerasifera et la résistance à la sécheresse de P dulcis (Gonzalo et al. 2012). Le phénomène de l’hétérosis s’est manifesté clairement dans certaines combinaisons, notamment dans les hybrides P persica*P dulcis et les hybrides P cerasifera*P dulcis, avec des taux d’enracinement supérieurs à la moyenne des deux parents. Ce phénomène est souvent observé en ce qui concerne la productivité et la vigueur et il peut se manifester dès les premiers stades de développement du système racinaire comme Hoecker et al. (2006) l’ont reporté. D’après nos observations de la formation de cals aux bases de bouture, nous n’avons pas trouvé une relation évidente entre la formation de cal et l’enracinement des boutures. Néanmoins la formation de bons cals à la base des boutures sur un grand nombre de génotypes prouve que la concentration d’hormone utilisée a bien stimulé la division cellulaire. La plante produit des cals au niveau des coupes afin de cicatriser et d’éviter l’infection par les pathogènes (􀅠tefan􀄍i􀄍 et al. 2005). La croissance et le développement des plantes dans la pépinière déterminent leur installation en verger (Sharma and Aier 1989). Dans notre expérience nous avons suivi la longueur de la tige et du système racinaire comme indicateurs de la croissance dans les premiers stades de développement. La longueur de système racinaire est un trait important pour la recherche de porte-greffes vigoureux. Ce trait peut être associé à la résistance à la contrainte hydrique, car il permet une exploration du sol plus importante et plus profonde. La racine pivotante de l’espèce P dulcis par exemple est connue pour donner à l’espèce une grande résistance à la contrainte hydrique, grâce à l’exploration des couches profondes de sol où la teneur en eau serait plus importante (Isaakidis et al. 2004). Les hybrides P persica*P dulcis ont aussi généralement cette caractéristique de système racinaire profond.

Table des matières

1. Introduction générale
1.1. Importance économique des espèces fruitières du genre Prunus
1.1. Classification
1.2. Botanique
1.3. Amélioration génétique des porte-greffes Prunus
1.4. Objectifs de la thèse
2. Analyse de la variabilité pour l’aptitude au bouturage ligneux chez les espèces Prunus
2.1 Introduction bibliographique
2.1.1. Initiation des racines à partir des boutures
2.1.2. Changements histologiques au cours de l’enracinement
2.1.3. Rôle du cal dans l’enracinement
2.1.4. Facteurs influençant l’enracinement
2.2. Matériel et Méthodes
2.2.1. Matériel végétal
2.2.2. Réalisation des boutures ligneuses
2.2.3. Mesures et observations
2.3. Résultats
2.3.1. Pourcentage d’enracinement
2.3.2. Notation de cal
2.3.3. Croissance végétative et racinaire après enracinement
2.4. Discussion
3. Réponses de certains porte-greffes Prunus à la contraintes hydrique
3.1. Introduction bibliographique
3.1.1. Changement climatique et contrainte hydrique
3.1.2. Réponses de la plante à la contrainte hydrique
3.2. Article soumis pour publication dans le journal « Trees- Structure and Function »
3.3. Suite de résultats non inclus dans l’article
3.3.1. Photosynthèse nette
3.3.2. Conductance stomatique
3.3.3. Transpiration par unité de surface
3.3.4. Effet de la contrainte hydrique sur la surface foliaire
3.3.5. Contractions des tiges
4. Conclusion générale et perspectives
5. Références
6. Annexe.

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *