Arthur RIMBAUD (France) (1854-1891)

Arthur RIMBAUD (France) (1854-1891)

’Première soirée’’ (13 août 1870) Poème

Commentaire

Rimbaud, s’essayant dans un genre frivole auquel il n’attachait probablement pas plus d’importance qu’il ne convenait, voulait faire la satire de l’amour niais, comme le montre le choix des adjectifs « joli », « petit », « mièvre ».Le 19 juillet 1870, la France déclara la guerre à la Prusse. « Je vois encore son haussement d’épaules devant le grand mouvement chauvin qui accueillit la déclaration de guerre en juillet 1870 », confia son ami Delahaye. Des opérations militaires secouèrent bientôt la région de Charleville, qui était proche des champs de bataille. La confusion fut totale, plus rien ne fonctionnait, et Rimbaud, chez qui cela accentua son attitude de révolte et son goût de l’aventure, très vifs depuis l’enfance, dans une lettre à Izambard du 25 août, couvrit de sarcasmes les « notaires » et les « épiciers retraités » de sa ville, « benoîte population » qui, « prud’hommesquement spadassine », « chassepot au cœur, fait du patrouillotisme aux portes de Mézières ; ma patrie se lève !… Moi, j’aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! c’est mon principe. » Mais son propre frère, Frédéric, se laissa griser par la musique militaire et emboîta le pas aux troupes qui allaient à la rencontre des Prussiens. Antibonapartiste convaincu, révolté, Arthur s’en prit violemment à la société bourgeoise et cléricale, et à ses valeurs patriotiques..

‘’À la musique’’ (1870)Poème

Commentaire

C’est une alerte caricature des « bourgeois poussifs » de Charleville écrite probablement peu avant la déclaration de guerre. On y trouve un emprunt très net à ‘’Promenade d’hiver’’ de Glatigny :
« Sur la place, écoutant les accords
D’un orchestre guerrier, leurs beaux habits dehors,
Mille bourgeois joyeux flânent avec leurs femmes,
Dont les vastes chapeaux ont des couleurs infâmes […]
Moi, je suis doucement les filles aux yeux doux,
À qui le rire met de jolis petits trous
Au visage, et qui vont alertes et discrètes,
Cueillir furtivement la fleur des amourettes. »
Baudelaire avait également évoqué dans ‘’Les petites vieilles’’ les musiques militaires « dont les soldats parfois inondent nos jardins ».
Mais, si Rimbaud a eu des inspirateurs, il faut remarquer l’originalité grandissante du style et le pittoresque des expressions utilisées pour décrire avec verve les « bourgeois poussifs ». Cette alerte caricature de Charleville faisait pendant à la lettre du 25 août.Dans une lettre du 10 juin 1871, Rimbaud demanda à Demeny de détruire le manuscrit d’un futur recueil qui lui semblait participer d’un romantisme attardé : « Brûlez, je le veux, […] brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai […]» Demeny ne s’exécuta point, et les vingt-deux poèmes (tous antérieurs à la mi-octobre 1870, poèmes en alexandrins, parfois empreints de sentimentalisme) ainsi conservés par lui constituent le « recueil Demeny ».
Désormais, il voulait refuser tout romantisme, toute subjectivité, tout culte de la forme. Il courait déjà ailleurs, lisant les philosophes et les poètes modernes, découvrant que sa poésie pouvait devenir une arme pour se défendre, pour attaquer, lui trouvant donc une nouvelle mission. L’espace d’une saison, son rire assassin et ses ironies acérèrent sa plume. Il dénonça toute hypocrisie, tout égoïsme, tout ordre qui étouffe toute liberté. Les curés, les bourgeois, les politiciens, les douaniers, les bibliothécaires, furent cloués, nus et ridicules, au pilori de ses vengeances (dans le journal ‘’La charge’’).
Le 29 août, au lieu de se présenter au baccalauréat, sans autorisation et sans argent, il se rendit en train à Paris, où il comptait assister à la chute du gouvernement impérial. Mais, à son arrivée en gare du Nord, on l’arrêta pour avoir effectué une partie du trajet sans billet, et « devoir treize francs de chemin de fer », précisa-t-il dans une lettre à Izambard, du 5 septembre, qu’il lui envoya pour qu’il le libère de la prison de Mazas, la plus brutalement moderne des prisons de l’Empire. Il n’y resta que huit jours, mais eut le temps d’y être couvert de vermine. C’est dans cet état que le 8 septembre, il arriva à Douai, rue de l’Abbaye-des-Prés, chez les demoiselles Gindre, les tantes de son professeur.
Le 24 septembre 1870, une lettre impérieuse de la « mère Rimb’» rappela « le petit drôle ». Izambard le reconduisit à Charleville.
Le 25 septembre, Rimbaud fit insérer dans ‘’Le libéral du Nord’’ un article qui, selon Izambard, était suprêmement ironique sous sa « platitude professionnelle».
Mais il ne songeait encore qu’à fuir : « Je meurs, je me décompose dans la platitude, dans la mauvaiseté, dans la grisaille ». Le 7 octobre, il fugua à nouveau, partant à pied, vers la Belgique, sur les routes ardennaises qui longent la Meuse, puis par Fumay, Charleroi, Bruxelles, avant de se réfugier à Douai, chez les demoiselles Gindre.

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