Association de la compétition et du mutualisme en culture continue

Association de la compétition et du mutualisme en culture continue

L’étude de la coopération entre organismes vivants devient de très grand intérêt durant les dix dernières années en tant q’une caractéristique naturellement existante. Evelyn Zientz et al . [106] ont soulignés que les bactéries mutualistes (facultatives ou obligatoires) peuvent être trouvées partout dans l’arbre de vie (protistes, plantes et animales) et que de telles relations biologiques pourraient avoir culminé avec l’intégration stable d’une cellule avec une autre suggéré dans la théorie endosymbiotique [68,70]. Dans de nombreux cas, utilisant des expériences de laboratoire, il est montré que des relations mutualistes étaient obligatoires ce qui s’oppose à l’exclusion compétitive. Alors, on pourrait voir de telles interactions comme un acteur majeur de bio-diversité. L’étude de cette sorte d’interaction biologique est non seulement appropriée d’un point de vue fondamental, mais aussi de point de vue ingénierie. En effet, dans beaucoup de situations pratiques, rendant la présence d’un micro-organisme, naturellement, stable dans un écosystème tandis que la plupart des tentatives pour le maintenir en jouant, seulement, sur les conditions environnementales, ont échoués. Récemment une nouvelle classe de système coopératif synthétique a été proposé. Il s’agit d’une coopération obligatoirement mutualiste appelés CosMo (cf. Shou et al. [85]). Dans ce chapitre, la levure Saccharomyces Cerevisiae a été génétiquement modifiée pour obtenir deux souches de non-accouplement avec des capacités métaboliques différentes pour qu’ils se comportent essentiellement comme deux espèces différentes. Plus spécifiquement, elles ont été fait pour qu’elles soient mutualistes ; la première produit une protéine nécessaire pour la croissance de la deuxième (cette synthèse est bloquée dans le métabolisme du deuxième espèce) et au contraire. Ensemble, ces deux souches forment un système coopératif qui imite un système de mutualisme obligatoire de deux espèces tout en compétant sur une seule ressource pour leur croissance. Ce travail vise, donc, à modéliser un système si complexe dans le chemostat et à l’étude de ses propriétés théoriques. Comme nous l’avons vu au Chapitre 4 divers modèles mathématiques ont été développés et analysés par différents auteurs (voir, par exemple). La majorité de ces modèles de compétition, dans le chemostat, sous l’apport de dilution constante et un substrat non-reproduisant, prévoient l’exclusion compétitive, c’est-à-dire qu’au plus une des espèces peut survivre. Pourtant la coexistence des espèces compétitives dans la nature est clairement visible et dans le but d’expliquer ce phénomène, on recourt à diverses hypothèses. Par exemple dans , il considère un apport non constant en nutriments et dans , il considère un taux de croissance ratio-dépendant au sens de . Une autre approche naturelle est de considèrer le cas des espèces mutualistes. Le mutualisme est un type de relation unissant deux organismes vivants, par lequel les deux espèces tirent mutuellement profit l’une de l’autre. La forme de mutualisme la plus connue est celle où la survie d’une espèce dépend de façon essentielle de la présence de l’autre espèce. Ce mutualisme s’oppose donc à l’exclusion compétitive. En effet, une espèce ne peut subsister que si l’autre est présente. Que se passe-t-il lorsque le mutualisme a lieu dans le contexte de la compétition pour une ressource ? C’est ce que des modèles mathématiques peuvent tenter de clarifier. Freedman et al. [36] ont proposé en 2001 un système d’équations différentielles pour deux prédateurs mutualistes qui coopèrent dans la capture d’une même ressource dont la loi de croissance est de type logistique. Il est connu que la relation ressource-consommateur est plus complexe lorsque la dynamique de la ressource est de type logistique que dans le cas où c’est une fonction affine décroissante comme dans le chemostat. En particulier, il peut y avoir des cycles limites [48]. De ce fait, le système en dimension 3 de deux consommateurs mutualistes est difficile à décrire. Notre objectif dans ce chapitre est de reprendre l’analyse de Freedman et al. [36] dans le cas plus simple du chemostat où, comme il est bien connu, la présence d’une variété invariante attractive, permet de ramener l’étude qualitative à la dimension 2 et donc d’aborder une analyse globale. On montre, qu’on n’a pas d’orbites périodiques et qu’en général il existe deux bassins d’attractions dont l’un correspond à la disparition et l’autre à la coexistence des deux espèces. On montre aussi, sous certaines contraintes supplémentaires, l’unicité du point d’équilibre stable qui correspond à la persistence des deux espèces. Enfin on illustre les résultats proposés par des simulations numériques. 

Modèle mathématique et résultats 

Modèle mathématique 

Soient s(t),x1(t) et x2(t) désignant, respectivement, les concentrations du substrat et des microorganismes présents dans le chemostat à l’instant t. On suppose que tous les taux de mortalité des deux espèces sont négligeables devant le taux de dilution. On note par D le taux de dilution et sin la concentration d’alimentation en substrat. Notre modèle est décrit par le système d’équations différentielles  ordinaires suivant :    s˙= D (s in −s)− f1(s,x2)x1 − f2(s,x1)x2, x˙1 =  f1(s,x2) −D  x1, x˙2 =  f2(s,x1) −D  x2. (6.1) La réponse fonctionnelle de chaque espèce fi : R 2 + → R, i = 1,2 vérifie les hypoyhèses suivantes : H1 – fi est de classe C1 (R 2 +), i = 1,2. H2 – ∂ fi ∂xj (s,xj) > 0 pour i, j = 1,2, i 6= j. H3 – ∂ fi ∂s (s,xj) > 0 pour i, j = 1,2, i 6= j. H4 – fi(0,xj) = 0, i, j = 1,2, i 6= j. H5 – fi(s,0) = 0, i = 1,2. 

L’hypothèse H1 assure l’existence locale et l’unicité de la solution, l’hypothèse H2 traduit le mutualisme entre les deux espèces, l’hypothèse H3 montre que les deux espèces consomme du substrat, l’hypothèse H4 explique qu’en absence de substrat, il n’y a pas croissance et l’hypothèse H5 exprime le fait que la survie d’une espèce dépend de façon ”essentielle” de la présence de l’autre espèce on parlera, alors, du mutualisme obligatoire. Rappelons deux propriétés fondamentales du modèle du chemostat [89]. 15 Proposition 1. Pour toute condition initiale  s(0),x1(0),x2(0)  ∈ R 3 +, la solution correspondante a des composantes positives, bornées et donc définie pour tout t ≥ 0. 2. L’ensemble Ω = n (s,x1,x2) ∈ R 3 + /s+x1 +x2 = s ino est invariant et est attracteur de toute solution de (6.1). Preuve : L’invariance de R 3 + est garantie par le fait que s = 0 entraîne s˙ = Dsin > 0 et que xi = 0 entraîne x˙i = 0. Il reste à montrer que la solution est bornée. 6.3 Modèle mathématique et résultats 123 Pour toute solution  s,x1,x2  de (6.1), soit z = s+ x1 + x2 − s in. La dérivée de z par rapport au temps le long des solutions du système (6.1) est donnée par : z˙ = −D(s+x1 +x2 −s in) = −D z donc s+ x1 + x2 = s in + Ke−Dt avec K = s(0)+ x1(0)+ x2(0)− s in. Il est, donc, clair que s,x1 et x2 sont bornés car ils sont tous positifs.  

Restriction à 2D

 Nous sommes intéressés par le comportement asymptotique des solutions de (6.1). Comme les solutions de (6.1) convergent exponentiellement vers l’ensemble Ω, il suffit, donc, de se restreindre à cet ensemble. En fait, en général, il n’en est rien comme le montrent les exemples de [96] et [97]. Toutefois, dans notre cas, grâce aux résultats de Thieme [96] et aux propriétés asymptotiques de la restriction de (6.1) à Ω, nous allons montrer dans ce paragraphe que les propriétés asymptotiques du système réduit à Ω seront informatives pour le système complet. Nous projetons donc le système réduit à Ω sur le plan (x1,x2) d’où l’étude du système suivant :    x˙1 = x1  f1(s in −(x1 +x2),x2)−D  = x1g1(x1,x2), x˙2 = x2  f2(s in −(x1 +x2),x1)−D  = x2g2(x1,x2). (6.2) Le vecteur d’état (x1,x2) appartient au sous ensemble plan S =  (x1,x2) ∈ R+ 2 : 0 ≤ x1 +x2 ≤ s in . On rappelle que les isoclines nulles du système (6.2) sont les ensembles suivants : C1 = n (x1,x2), x1 = 0 o ∪ n (x1,x2), g1(x1,x2) = 0 o C2 = n (x1,x2), x2 = 0 o ∪ n (x1,x2), g2(x1,x2) = 0 o 16 Proposition L’ensemble Γ1 = n (x1,x2), g1(x1,x2) = 0 o est le graphe d’une fonction de x2 x2 7−→ γ1(x2) .De même Γ2 = n (x1,x2), g2(x1,x2) = 0 o est le graphe d’une fonction de x1 x1 7−→ γ2(x1) Preuve : La fonction x1 → f1  s in −(x1 +x2),x2  est strictement décroissante et le théorème des fonctions implicites assure que Γ1 est le graphe d’une fonction de x2 qu’on note γ1 et de même Γ2 est le graphe d’une fonction de x1 qu’on note γ2. En dérivant l’expression fi  s in −(γi(xj)+xj),xj  = D,i, j = 1,2,i 6= j, on obtient : γ ′ 1 (x2)+1 = ∂ f1 ∂x2 ∂ f1 ∂s > 0 et γ ′ 2 (x1)+1 = ∂ f2 ∂x1 ∂ f2 ∂s > 0.  17 Proposition S ne contient pas d’orbites périodiques ni de chaines cycliques. Preuve : Effectuons le changement de variables ξ1 = Ln(x1) et ξ2 = Ln(x2) le système (6.2) devient :    ˙ξ1 = g1(e ξ1 ,e ξ2 ), ˙ξ2 = g2(e ξ1 ,e ξ2 ). Soit G(ξ1,ξ2) =   g1(e ξ1 ,e ξ2 ) g2(e ξ1 ,e ξ2 )  . La divergence de G est donnée par : div G = −  e ξ1 ∂ f1 ∂s (s in −(e ξ1 +e ξ2 ),e ξ2 )+e ξ2 ∂ f2 ∂s (s in −(e ξ1 +e ξ2 ),e ξ1 )  < 0 et le critère de Dulac permet de conclure.  Nous nous interessons, pour commencer, aux équilibres de (6.2) donnés par F0 = (0,0) et F∗ = (x ∗ 1 ,x ∗ 2 ) avec x∗ 1 > 0 et x∗ 2 > 0. 1 Théorème 1. L’équilibre F0 est localement asymptotiquement stable. 2. Si F0 est le seul point d’équilibre alors il est globalement asymptotiquement stable. Preuve : 1. Comme fi(s in ,0) = 0, i = 1,2, il existe alors un voisinage V1 de (0,0) tel que  f1(s in − (x1 + x2),x2)−D  |V1 < 0 ce qui entraîne que x˙1 < 0 et un voisinage V2 de (0,0) tel que  f2(s in −(x1 + x2),x1)−D  |V2 < 0 d’où x˙2 < 0. Ainsi ∀  x1(0),x2(0)  ∈V1∩V2 le couple (x1,x2) converge vers (0,0) et la stabilité locale de F0 en découle. On peut également déduire la stabilité locale de F0 par le calcul des valeurs propres de la matrice Jacobienne donnée par J0 = −DI2 où I2 est la matrice identité 2×2. 2. Supposons que F0 est le seul point d’équilibre, par exemple, si : max R+×R+ fi(s,xj) < D pour i = 1 et/ou i = 2 Comme S est positivement invariant et F0 appartient à la frontière de S alors F0 doit être un équilibre globalement asymptotiquement stable de (6.2) par le théorème de Poincaré-Bendixson et ces implications.  Si max R+×R+ fi(s,xj) ≥ D pour i = 1 et i = 2 alors il peut exister d’autres équilibres de la forme F∗ = (x ∗ 1 ,x ∗ 2 ) avec x∗ i > 0, i = 1,2 qu’on les appelle équilibres intérieurs. Généralement ces points d’équilibres, s’ils existent ne sont pas uniques et leur nombre dépend des propriétés des deux fonctions fi , i = 1,2. Exemple : Soit f(s,x) = ψ(x)s + 2ψ(s)x et ε > 0 avec ψ une fonction différentiable définie sur R+, nulle en zéro, strictement croissante sur [0,ε] valant D s in sur [ε,+∞[. Soient f1(s,x2) = f(s,x2) et f2(s,x1) = f(s,x1) alors ces deux fonctions satisfont les conditions 1, 2, 3, 4 et 5 exigées dans la définition du système (6.1). D’autre part, on remarque qu’elles coïncident sur une partie de la première bissectrice. Comme les conditions 2 et 3 sont strictes, on perturbe et on obtient ainsi autant de points d’intersections que l’on veut. On dira que les fonctions fi sont en « position générale » lorsque les graphes Γ1 et Γ2 se rencontrent et ne sont pas tangents. Soient par exemple les fonctions : f1(s,x2) = 2 π arctg(50×2)s + 2 π [β1×2 + α1 sin(ω1×2)]arctg(50s) f2(s,x1) = 2 π arctg(50×1)s + 2 π [β2×1 + α2 sin(ω2×1)]arctg(50s) tels que les constantes αi ,βi et ωi sont strictement positives vérifiant αiωi < βi pour i = 1,2 et on présente dans la figure 6.1 les isoclines nulles du système pour le cas de quatre (β1 = 2.2,β2 = 2,α1 = α2 = 0.35,ω1 = ω2 = 5) et six ( β1 = 2,β2 = 2.2,α1 = 0.195,α2 = 0.18,ω1 = ω2 = 10) points d’équilibres intérieur

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