Cadres textuels, contextuels et métatextuels pour l’analyse de la communication sur Internet

Cadres textuels, contextuels et métatextuels pour l’analyse de la communication sur Internet

On se replace, dans cette dernière sous-partie, dans un questionnement sémiotique. Ce recours répond, comme le dit Bruno Latour en rappelant son parcours théorique, à une volonté de retrouver les idées du pragmatisme dans le cadre de l’analyse des dispositifs produisant des textes de réseau : Traditionnellement, comme le rappelle Sungdo Kim, la sémiologie de la communication s’oppose à la sémiologie de la signification. La première a tendance à définir de manière normative les objets qu’elle saisit : elle décide de ce qui doit être traité et de ce qui doit être laissé de côté en termes objectifs. Mais les critères de discrimination des objets analysés sont parfois imprécis : comment, en effet, délimiter la sphère de la communication ? Une tâche que considère comme aporétique la sémiologie de la signification, qui envisage ses objets de manière plus réaliste : elle les classe non pas comme des « observables » (ce qui est circonscrit par la théorie pour l’observation) mais comme des objets à construire dans toutes les modalités de la communication (Kim, 1992 : 32). Les concepts récents produits par la sémiotique de la médiation informatisée sont des ressources capitales pour comprendre comment des métalangages encadrent et construisent la production culturelle ; ils s’inspirent de la sémiologie de la signification en la recadrant dans les dispositifs techniques de la communication. Le dispositif des médias informatisés est lui- même un texte, fait d’une multitude de couches de scripts appartenant à différents niveaux de codes, en relation d’inter-dépendance.

Je l’envisage ici comme un métalangage récursif : il fournit des instruments aux utilisateurs, selon leur niveau de compétence, pour appréhender le La notion de « méta » est un fil rouge qu’il est intéressant de continuer à tirer pour préparer les analyses des pratiques vernaculaires d’Internet qui seront élaborées par la suite. On retrouve la notion de métalangage travaillant de l’intérieur les théories sémiotiques françaises des médias informatisés qui fournissent un ensemble de concepts capital pour comprendre la culture de réseau aujourd’hui. L’approche « méta » est conditionnée par le privilège donné à la théorie du texte et au médium de l’écriture comme moyen de réfléchir à l’anthropologie d’une culture des nouvelles technologies :  […] l’écriture a un statut particulier au sein des médias informatisés car elle en est tout à la fois l’objet et l’outil. L’objet, en ce que ces médias sont avant tout dédiés aux pratiques d’écriture ; l’outil, car les logiciels réalisés pour faire fonctionner la machine sont écrits comme des textes. Le texte est alors un outil qui rend possible le fonctionnement de la machine ou lui donne accès. C’est par ce ‘texte-outil’ et à travers lui que s’élaborent pratiques et usages d’écriture et de lecture. De plus, à l’écran, entre le texte, l’image et ‘l’image de texte’, l’essentiel advient à travers un texte mis en scène grâce à des procédés ‘architextuels’, eux-mêmes programmés par le texte informatique. Les médias informatisés sont ainsi définis comme des ‘machines textuelles’ auxquelles on accède et que l’on manipule à travers et par l’écriture (Jean Davallon, cité in Souchier, Jeanneret et Le Marec, 2003).

Cette thèse sera largement soutenue par cet ensemble théorique. Tout d’abord parce qu’il permet, grâce à son concept pivot, l’énonciation éditoriale, de recueillir l’objet « information » et de l’analyser dans une théorie de la communication située dans les usages. Ensuite, parce qu’il permet de penser ensemble et de manière articulée les formats d’inscriptions culturelles traditionnellement séparés dans les domaines du technique et du machinique d’un côté, et ceux du textuel et du discursif de l’autre. Le concept d’ « énonciation éditoriale » proposé par Emmanuël Souchier est une reprise en compte dans les théories du texte de la notion de support longtemps mise à l’écart : il permet de réfléchir à nouveau à l’organisation du texte dans ses formes et ses contenus mais en prenant en compte la matérialité des supports. Importé dans le contexte des « écrits d’écran », il sert de fondement à l’élaboration du concept d’ « architexte » par Souchier, en collaboration avec Yves Jeanneret et Joëlle Le Marec (Souchier et al., 2003), cadre pivot de l’analyse des pratiques du « lire, écrire, récrire » sur les médias informatisés. L’ « architexte », comme je le détaillerai plus bas, suppose l’existence d’un logiciel situé en amont de l’écriture visible (le langage naturel et graphique apparaissant sur l’interface) automatisant les conditions de production, de manipulation, d’appropriation, et enfin de circulation des textes.

 

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