Caractérisation du couplage de mode et de la biréfringence dans les fibres de télécommunication

Les télécommunications optiques

Depuis l’invention du LASER dans les années 60, les technologies optiques ont connu un essor considérable. En effet, en raison de sa grande pureté spectrale et de la possibilité de moduler des signaux optiques à de grandes fréquences, la lumière LASER devenait un vecteur idéal pour transporter de l’information. Une des suites logiques à l’invention du LASER consistait à transmettre le signal lumineux dans un guide d’onde optique, i.e. la fibre optique. Néanmoins, l’utilisation de tels guides d’ondes optiques nécessitait à l’époque de résoudre un certain nombre de problèmes technologiques liés à la fabrication de composants à faible atténuation et à grande bande passante. Une étape cruciale fût franchie lorsque l’atténuation dans les fibres optiques devint compatible avec les exigences d’un réseau de télécommunication (20 dB/km à 850 nm en 1970 [Corning]). Depuis, des progrès considérables ont été réalisés et des atténuations de 0.2 dB/km sont couramment atteintes dans la fenêtre de longueur d’onde proche de 1550 nm. La fabrication de fibres à faibles pertes fût le point de départ d’une recherche intense du point de vue des réseaux de télécommunication. Destinés au départ à des applications militaires, les réseaux de télécommunication se sont rapidement ouverts aux structures commerciales. Cette démocratisation allait de pair avec une augmentation des débits et la fibre optique commençait alors à remplacer le câble (dont l’atténuation est plusieurs dizaines de fois supérieure à celle de la fibre optique) et le satellite (mal adapté à des liaisons points à points entre plusieurs utilisateurs). Aujourd’hui, le succès remporté par la fibre optique est tel que l’on parle de télécommunications optiques. La course aux débits engendre des efforts de recherche toujours plus importants, nécessite des fibres toujours plus “transparentes” et toujours plus performantes. Dans cette optique, les chercheurs et les industriels ont tenté de maîtriser les différents phénomènes physiques limitant l’augmentation des débits dans la fibre optique.

Les effets de dispersion dans les fibres monomodes

De façon simplifiée, une fibre optique est un guide d’onde diélectrique constitué de deux cylindres concentriques de verres différents. Le cylindre central est appelé cœur et le cylindre externe, gaine. La propagation de la lumière dans les fibres optiques est régie par les équations de Maxwell. Leur résolution dans une fibre optique conduit à l’existence d’une ou plusieurs solutions stationnaires, appelées communément modes de propagation du champ électromagnétique. Le nombre de mode dépend des caractéristiques géométriques de la fibre. Ainsi, les fibres dites multimodes possèdent un diamètre de cœur élevé (de l’ordre de 50 µm), compatible avec la propagation de plusieurs modes de propagation. Ces fibres sont principalement utilisées pour des applications courtes distances car les différents modes ne se propagent pas à la même vitesse, ce qui devient pénalisant du point de vue de la bande passante lorsque les distances de propagation sont très élevées ; on parle de dispersion intermodale. Un ordre de grandeur des débits autorisés par les fibres multimodes est de l’ordre de 1 Gb/s sur environ 500 mètres [Schlager]. Les fibres dites monomodes possèdent un diamètre de cœur plus petit (de l’ordre de 8 µm), ce qui n’autorise la propagation que d’un seul mode de propagation. Les débits actuellement bien maîtrisés sur les fibres monomodes sont de l’ordre de 40 Gb/s par canaux sur des distances supérieures à 1000 km. La fibre monomode présente de plus l’avantage d’offrir une bande passante en longueur d’onde beaucoup plus importante que les fibres multimodes. Ainsi pour des transmissions sur longues distances on utilise exclusivement des fibres monomodes pour s’affranchir des effets de dispersion intermodale. Néanmoins, même pour des transmissions monomodes, il persiste certains effets physiques dispersifs conduisant à une dégradation du signal au cours de la propagation : la dispersion chromatique et la dispersion de mode de polarisation.

La dispersion chromatique est proportionnelle à la dérivée seconde de l’indice optique vu par le mode, ou indice effectif, par rapport à la longueur d’onde : un signal optique n’étant jamais parfaitement monochromatique, chaque composante spectrale du signal se déphase de façon différente au cours de la propagation ce qui se traduit par une déformation temporelle du signal. La dispersion chromatique dans les fibres monomodes peut être séparée en deux contributions : la première provient de la dépendance de l’indice optique avec la longueur d’onde et la seconde de la structure géométrique du guide d’onde, plus communément appelée profil d’indice. En jouant sur ces deux degrés de liberté on peut moduler la dispersion chromatique totale. A l’heure actuelle, la dispersion chromatique dans les fibres optiques est un phénomène bien maîtrisé [Nouchi02].

Un autre phénomène de dispersion est lié au caractère vectoriel de la lumière (plus communément désigné par le terme de polarisation) : il est appelé Dispersion de Mode de Polarisation ou PMD (de l’anglais Polarisation Mode Dispersion). Les fibres optiques monomodes permettent en fait la propagation de deux modes de propagation dont les polarisations sont orthogonales. Lorsque la fibre présente une symétrie circulaire, ces deux modes de polarisation se propagent avec la même vitesse de groupe. Lorsqu’en revanche la symétrie circulaire est brisée, ce qui est en pratique toujours le cas, les vitesses de groupe sont différentes : la PMD représente alors la différence entre les temps de groupes associés aux deux modes de polarisation orthogonaux. La PMD partage ainsi avec les phénomènes de dispersion usuels, la propriété de provoquer la déformation temporelle du signal transmis. De façon plus précise, la PMD repose sur deux phénomènes :

1) La biréfringence, qui est la différence entre les vitesses de phase associées aux deux modes de polarisation orthogonaux. Elle résulte de l’asymétrie géométrique du profil d’indice et du profil de contrainte résiduelle. C’est elle qui est à l’origine de la différence entre les vitesses de groupe des deux modes de polarisation.
2) Le couplage de mode qui est la conséquence de la faiblesse de la biréfringence dans les fibres de télécommunication. En raison de cette faiblesse, les deux modes de polarisation peuvent facilement se coupler et échanger de l’énergie. En fait, tout au long de la propagation dans une fibre réelle, des imperfections telles que des courbures ou des torsions réparties de façons aléatoires le long de la fibre vont entraîner un couplage permanent entre les deux modes de polarisation. Ce couplage peut varier dans le temps et dans l’espace, du fait de variation de température ou de défauts distribués le long de la fibre, ce qui confère un comportement de type Brownien à la PMD : la PMD croît donc comme la racine carrée de la distance de propagation.

Le terme “fibre historique” fait référence ici aux fibres utilisées lors de l’installation des premiers réseaux optiques dans les années 90 par France Télécom. Les valeurs extrêmes des PMD des fibres installées dans ces réseaux sont de l’ordre de 0.2 ps/km0.5 et de 2 ps/km0.5 ce qui pour un débit de 40 Gb/s limite la portée optique à 150 km et 1.5 km respectivement. Une attention particulière doit donc être prêtée au “paramètre” PMD dans le design des futurs réseaux de télécommunication optiques qui devront être en mesure de travailler à des débits égaux voire supérieurs à 40 Gb/s. Ce résultat illustre l’importance de la réduction de la PMD dans un contexte d’augmentation des débits. Deux approches sont généralement envisagées afin de réduire la PMD. La première consiste à compenser la distorsion du signal en ligne, tout comme on compense les pertes subies lors de la propagation ou la dispersion chromatique. Cette compensation se fait périodiquement grâce à des compensateurs de PMD [Lanne]. Le principe consiste, de façon simplifiée, à imposer une PMD opposée à celle que le signal a subit au cours de la propagation. Cette compensation doit se faire en temps réel puisque la PMD évolue rapidement dans le temps. Elle nécessite donc des éléments dont les caractéristiques de biréfringence sont modulables très rapidement. Une approche parallèle consiste à obtenir des fibres à faible PMD, en intervenant au niveau du processus de fabrication. C’est dans ce cadre que s’inscrit cette thèse (publier sur clicours.com).

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Notions de base sur la Dispersion de Mode de Polarisation
1 Notions de base sur la polarisation ; milieux anisotropes
2 Dispersion de Mode de Polarisation dans une fibre biréfringente
3 Caractérisation des effets de polarisation
4 Conclusion du chapitre
Chapitre II : Calcul de la biréfringence de phase et de groupe
1 Calcul de l’anisotropie dans une fibre optique
2 Calcul de la biréfringence de phase et de groupe
3 Conclusion du chapitre
Chapitre III : Calcul de la PMD dans le régime longue distance
1 Etat de l’art
2 Vrillage sinusoïdal vs vrillage triangulaire
3 Conclusion du chapitre
Chapitre IV : Caractérisation du couplage de mode et de la biréfringence dans les fibres de télécommunication
1 Les méthodes expérimentales utilisées
2 Caractérisation des effets de polarisation dans le régime longue distance
3 Caractérisation de la polarisation dans le régime longue distance
4 Conclusion du chapitre
Conclusion générale

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