Caractéristiques du complexe ADN-protéine

Caractéristiques du complexe ADN-protéine

La séquence d’ADN télomérique de levure d[(CCCACA)3CCC]

Nous avons volontairement choisi un fragment d’ADN synthétique pouvant adopter la structure en motif i par repliement intramoléculaire. Le choix de l’organisme, Saccharomyces cerevisiae, sur lequel ce travail s’est effectué et les informations concernant la stabilité du motif i intramoléculaire, nous ont conduit à choisir pour séquence de référence, le fragment d[(CCCACA)3CCC], appelé par la suite Tlev. 1-1- La séquence d[(CCCACA)3CCC] Cette séquence est formée de 4 répétitions de 3 désoxycytidines pouvant permettre un arrangement en motif i intramoléculaire composé d’un cœur de 6 paires de bases C.CH + coiffé par des boucles ACA, selon les modèles structuraux proposés par X. Han (Han et al., 1998) et A.T. Phan (Phan et al., 2000). On ne trouve ce fragment d’ADN qu’aux extrémités télomériques des chromosomes I, VIII, XII et XIII (données provenant de Blast alignments (site : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/BLAST/), cf. tableau 3.1.) de Saccharomyces cerevisiae.Nous allons montrer par des mesures de dénaturation thermique (UV) et des expériences de RMN 1H à 1 et 2 dimensions, que sous certaines conditions, le fragment Tlev peut adopter la structure en motif i. 

Etude par spectroscopie d’absorption

 La mesure de la température de dénaturation du fragment d’ADN Tlev en fonction de sa concentration (en monobrin) (figure 3.1.) et en fonction du pH (figure 3.1. en bas à droite) permet de vérifier l’existence d’une structure et la stœchiométrie de celle-ci.A pH 6, en présence de NaCl 175 mM et MgCl2 2 mM, le profil de dénaturation thermique à 25 µM diffère légèrement de ceux obtenus à 1.5 et 5 µM. La température de dénaturation thermique Tm varie de ~ 24°C (à 1.5 et 5 µM) et ~ 26°C (à 25 µM). A titre de comparaison, la température de dénaturation thermique de la séquence télomérique d[(CCCTAA)3CCC] des mammifères est de 30°C à pH 6.4 en l’absence de sel (Leroy et al., 1994) (figure 3.1. en bas à droite). L’évolution de Tm en fonction du pH est très semblable à celle observée (figure 3.1 en haut à gauche). 1-3- Etude par spectroscopie RMN du proton Les expériences de spectroscopie RMN ont été conduites sur la séquence d[(C3ACA)3C3A], dont le spectre à 1 dimension, très proche de celui de la séquence Tlev, présente dans la zone des protons amino un profil un peu mieux résolu (expériences à 1 dimension sur spectromètre RMN à 360 MHz, (figure 2.6.)). La concentration en monobrin de l’échantillon utilisé est de ~ 1 mM.La présence d’un pic large centré sur 15.5 ppm est caractéristique de protons imino provenant de bases CH + appariées. Ce signal persiste à 50 °C, pH 5, et on en observe encore la trace à pH 7.2, 4 °C et à pH 5, 60 °C (figure 3.2.). Un spectre NOESY dans H2O présente des pics croisés entre protons amino et protons H2’ / H2’’ , caractéristiques du motif i (figure 3.3.). 

Caractéristiques du complexe ADN-protéines

La visualisation du complexe ADN-protéines se fait uniquement par l’intermédiaire du fragment d’ADN synthétique marqué radioactivement à l’extrémité 5’ au 33 P. Cette méthode ne permet pas une observation directe du complexe et apporte une observation différée de la présence de la protéine, notamment au cours des expériences de purification. La visualisation du complexe ADNprotéines dépend de la capacité des protéines à reconnaître et fixer l’ADN, donc de leur intégrité. 

Migration électrophorétique non dénaturante

 Le principe des expériences qui vont être maintenant décrites, consiste à incuber des protéines et un fragment d’ADN marqué radioactivement, puis à réaliser une migration électrophorétique native permettant de visualiser d’éventuels complexes ADN*/protéines. Les conditions d’incubation d’une part, les conditions de migration, d’autre part, sont les paramètres ajustables de ces expériences. Nous avons généralement constaté l’apparition d’un précipité (ou agrégat) dans l’extrait de protéines, à partir de pH 7, phénomène s’amplifiant à pH 6. Afin d’éviter de perdre les protéines que nous recherchions lors de nos expériences, nous avons volontairement travaillé le plus souvent entre pH 7.4 et pH 8. 

Conditions d’incubation 

Nous avons défini les paramètres d’une migration électrophorétique servant de référence pour l’ensemble des tests présentés : Chapitre III. Caractéristiques du complexe ADN-protéines – 47 – – ~ 5 µg de protéines provenant des extraits protéiques de levure (préparés comme décrit au chapitre II et en annexes) sont mélangés avec 0.65 pmol de Tlev partiellement marquée (3%) dans 10µl (soit une concentration de 65 nM) – le mélange est incubé à température ambiante durant 15 min, dans TBE 0.5x à pH 8 – dans certains cas, la cellule d’incubation contient aussi 0.5 nmol d’ADN d(T14) simple brin en tant que compétiteur non spécifique. Cependant, nous avons constaté que malgré son abondance relative (1000 fois celle de Tlev), ce compétiteur est sans effet sur la formation du complexe. C’est pourquoi la plupart des expériences de migrations électrophorétiques natives décrites par la suite ont été réalisées sans ADN compétiteur. La migration dure ~ 45 min (voir conditions d’électrophorèse décrites au chapitre II). Dans ces conditions, nous observons principalement une bande retardée intense sur laquelle nous avons focalisé nos efforts de caractérisation et d’identification. Nous observons au moins trois autres bandes d’intensité relative beaucoup plus faible (figure 3.4.) que nous n’étudierons pas. La quantité d’ADN radioactif est saturante comme l’atteste la présence de sonde libre Tlev* et l’absence de changement de l’intensité obtenue pour la bande retardée principale si on augmente d’un facteur 2 la quantité de Tlev*.Nous avons vérifié que nous obtenions des résultats identiques (distance de migration de la bande retardée la plus intense) en utilisant des protéines provenant d’extraits nucléaires préparés dans le laboratoire du Professeur Suzanne Gasser à partir de la même souche Ga59 que celle que nous utilisions (figure 3.4.bis). Cela nous permet également de considérer que l’activité retardée est due à une protéine localisée au moins partiellement dans le noyau. On remarque encore que l’abondance en protéines spécifiques des extraits nucléaires est le 10 ème de celle de nos extraits (on a un signal retardé identique pour 10µgr de protéines nucléaires et pour 1µgr de nos extraits protéiques). Ceci nous laisse penser que les 9/10 ème des protéines impliquées dans la reconnaissance de l’ADN Tlev pourrait être d’origine cytoplasmique.

Conditions de migration 

Pendant une migration électrophorétique à 4°C, l’intensité du signal retardé reste constante pour une durée de migration totale allant de 30 minutes à 8 heures. Dans ces conditions, le complexe ADN-protéines migre sous une forme stable et n’évolue pas au cours de la migration. Pour des durées de migration identiques mais à température supérieure (20-30°C), l’intensité de la bande retardée diminue et s’étale, indiquant que le complexe ADN-protéines se dissocie en cours de migration. L’ADN une fois séparé des protéines sort de la zone de migration des protéines et la réassociation avec les protéines devient impossible. 

Cinétique de l’association

Nous avons étudié la vitesse d’association de l’ADN avec les protéines à température ambiante. L’intensité du signal observé reste identique à celle de l’expérience de référence pour des temps d’incubation allant de 1 à 60 minutes (conditions expérimentales par ailleurs identiques à l’expérience référence), révélant une association rapide. Une autre expérience confirme la cinétique rapide. Nous avons commencé par faire migrer les protéines seules (15 minutes), avant de faire migrer l’ADN*. Celui-ci rattrape les protéines et s’y associe dans des proportions identiques à celles de l’expérience de référence, montrant que cette association reste rapide ( inférieure au temps de passage de l’ADN (1 min.) dans la zone où migrent les protéines). En complément de cette expérience, nous avons commencé par faire migrer des protéines préalablement incubées avec le fragment Tlev non marqué radioactivement, puis après 15 min, nous avons fait migrer Tlev marqué radioactivement. Après autoradiographie nous visualisons une bande retardée moins intense que celle observée habituellement, indiquant qu’au passage de l’ADN Tlev*, celui-ci entre en compétition avec l’ADN Tlev non marqué radioactivement. Enfin la cinétique d’association dépend de la durée mais aussi de la température d’incubation. A 25 et 37°C on n’observe pas de différence de l’intensité de la bande retardée. A 4°C, l’association est ralentie. Après 1 minute, l’intensité du signal retardé est moitié plus faible à 4°C qu’à 25 °C et nous ne discernons pas de différence entre 25 et 37 °C. Après 15 minutes à 4, 25 ou 37 °C, l’intensité du signal retardé est équivalente. A 50°C, le signal est atténué de 60% pour complètement disparaître à Chapitre III. Caractéristiques du complexe ADN-protéines – 50 – partir de 60°C, ce que l’on peut expliquer par la dégradation des protéines (dénaturation, agrégat par exemple).

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