CHAMPIGNONS ENDOMYCORHIZIENS A PELOTONS D’ESPECES EPIPHYTES DU GENRE Angraecum Bory

CHAMPIGNONS ENDOMYCORHIZIENS A PELOTONS D’ESPECES EPIPHYTES DU GENRE Angraecum Bory

Les mycorhizes

Le terme mycorhize du grec mukês pour champignon et rhiza pour racine, a été utilisé pour la première fois par Frank (1885) pour définir l’organe mixte résultant de l’association symbiotique entre les hyphes de champignons et les racines de végétaux. La mycorhize est donc le siège des échanges bidirectionnels entre les deux partenaires : la plante fournit des photosynthétats au champignon, et reçoit en retour de l’eau et des éléments minéraux puisés du sol, parfois jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres de la racine (Smith & Read, 2008). Cette association à b énéfice réciproque dite mycorhizienne, concerne plus de 90% des familles de plantes (Smith & Read, 2008). On distingue essentiellement quatre types de mycorhizes : les endomycorhizes arbusculaires, les ectomycorhizes, les endomycorhizes à pelotons et les ectendomycorhizes (Figure 1, Tableau 1). Dans la nature, les endomycorhizes arbusculaires encore appelées mycorhizes à arbuscules (MAs) sont les plus répandues. Elles concernent au moins 95% des taxons végétaux dont des arbres, des plantes agricoles et des herbacées. Elles ne sont pas visibles à l’œil nu et présentent des structures typiques observables au microscope : les arbuscules et les vésicules (Figure 1). Les arbuscules sont constitués d’hyphes ramifiées qui se trouvent exclusivement dans l’espace périplasmique des cellules corticales de la racine. Les vésicules, observées chez 80% des champignons MAs, peuvent se retrouver à l’intérieur des cellules corticales, ou s’intercaler entre celles-ci (Smith & Read, 2008). Les champignons responsables de ce type de mycorhize appartiennent au phylum des Glomeromycota (Schüßler et al., 2001). Les ectomycorhizes (ECMs) sont après les MAs les plus représentées dans les écosystèmes forestiers. Elles concernent la majorité des arbres des régions tempérées et boréales, et très peu d’arbres tropicaux (Smith & Read, 2008). Les ectomycorhizes sont visibles à l’œil nu grâce au manteau fongique qui recouvre la racine en faisant disparaître les poils racinaires. De ce manteau fongique partent des hyphes externes qui vont explorer un grand volume de sol et des hyphes internes qui s’insinuent entre les cellules du cortex de la plante-hôte pour former le réseau de Hartig (Figure 1). Les champignons responsables de ce type de mycorhize sont des Basidiomycètes et des Ascomycètes (Smith & Read, 2008). Entre ces deux grands groupes de mycorhizes, il y a les ectendomycorhizes, qui constituent un type de mycorhize intermédiaire où le champignon forme des pelotons intracellulaires et un manteau fin autour de la racine. Il y a également les endomycorhizes à pelotons qui peuvent regrouper les mycorhizes orchidoïdes, les mycorhizes éricoïdes, les mycorhizes arbutoïdes et les mycorhizes monotropoïdes (Figure 1 ; Tableau 1). Chez les orchidées, les hyphes des champignons se développent en amas (pelotons) dans l’espace périplasmique des cellules des protocormes, racines, rhizomes et bulbes (Kristiansen et al., 2004). Figure 1 : Principaux types d’associations symbiotiques entre des champignons du s ol et des racines de végétaux ; (A) racine sans mycorhize, (B) endomycorhizes à vésicules et à arbuscules, (C) endomycorhizes à pelotons, (D) ectendomycorhizes, (E) ectomycorhizes chez les angiospermes, (F) ectomycorhizes chez les gymnospermes (Source : Duhoux & Nicole, 2004). 14 Tableau 1 : Différents types de mycorhizes MAs (1) ECMs (2) Ectendomycorhizes Myc. arbutoïdes Myc. monotropoïdes Myc. éricoïdes Myc. orchidoïdes Champignon Hyphes avec cloison – + + + + + + sans cloison + – – – – – – Arbuscules + – – – – – – Pelotons – – + + + + + Manteau – + + ou – + ou – + – – Réseau de Hartig – + + + + – – Taxon Gloméro. Basidio./Asco. (Gloméro.) § Basidio./Asco. Basidio. Basidio. Asco. Basidio. Plante-hôte Taxon Bryo./Ptérido. Gymno./Angio. Gymno./Angio. Erica. Monotropa. Erica./Bryo. Orchida. Gymno./Angio Chlorophylle + (-) § + + + – + – * (1) MAs = Mycorhizes à arbuscules ; (2) ECMs = Ectomycorhizes ; Myc. = Mycorhizes ; – = absent ; + = présent ; § = rare ; * = les Orchidaceae ne sont pas chlorophylliennes au stade juvénile ; plusieurs Orchidaceae sont chlorophylliennes au stade adulte ; Gloméro. = G loméromycète ; Basidio. = Basidiomycète ; Asco. = A scomycète ; Bryo. = Bryophyte ; Ptérido. = Ptéridophyte ; Gymno. = Gymnosperme ; Angio. = Angiosperme ; Erica. = Ericaceae ; Monotropa. = Monotropaceae ; Orchida. = Orchidaceae (Source : Smith & Read, 2008). 15 II. Dépendance des orchidées vis-à-vis des champignons Les orchidées sont fortement tributaires des champignons dans leurs premières phases de développement, car leurs graines de petites tailles n’ont pas assez de réserves pour assurer la croissance de la plantule (Dressler, 1990 ; Rasmussen, 1995 ; McKendrick et al., 2000, 2002; Batty et al., 2001; Kottke & Suárez, 2009). Pour se développer, les graines germées doivent être colonisées par un champignon symbiotique dont les hyphes vont pénétrer dans les cellules pour former des pelotons (Peterson et al., 1998 ; Rasmussen, 2002). Les graines ainsi colonisées vont se différentier et former un protocorme qui peut rester plusieurs années sans former des feuilles (Whigham et al., 2006 ; Shefferson et al., 2007). Durant cette période, l’orchidée reçoit les nutriments et le carbone dont elle a besoin du champignon. Elle peut également digérer les pelotons formés pour en tirer du carbone et de l’azote. Ainsi, avant la formation des premières feuilles, toutes les orchidées sont mycohétérotrophes, car elles dépendent totalement des champignons pour leur nutrition en carbone (Leake, 1994). A l’âge adulte, la plupart des orchidées sont autotrophes et forment une symbiose mycorhizienne avec des champignons qui leur assurent une bonne nutrition minérale (Smith & Read, 2008). En retour, les champignons symbiotiques associés recevraient du carbone des orchidées (Cameron et al., 2006). L’utilisation des outils moléculaires (PCR et séquençage) couplés à des méthodes isotopiques (abondance naturelle en 13C et 15N) ont également permis de révéler que les espèces d’orchidées qui ont perdu leur capacité photosynthétique restent totalement dépendantes des champignons pour le carbone (Leake, 2005; Julou et al., 2005 ; Dearnaley, 2007). Parmi ces orchidées mycohétérotrophes certaines (plus de 100 espèces) reçoivent leur carbone des champignons ectomycorhiziens (Figure 2), qui sont associés à leur tour à des arbres photosynthétiques voisins d’où ils puissent leur carbone : on parle dans ce cas d’épiparasitisme mycorhizien (Leake, 1994 ; Taylor & Bruns, 1997 ; Bidartondo et al., 2002 ; Taylor et al., 2002). D’autres orchidées mycohétérotrophes sont associées à d es champignons saprophytes du boi s et de la litière, qui leur fournissent du c arbone et de l’azote : on parle dans ce cas d e parasitisme mycorhizien (Ogura-Tsujita et al., 2009). Par ailleurs, d’autres orchidées photosynthétiques ou partiellement photosynthétiques reçoivent une partie (9% à 30%) de leur carbone des champignons ectomycorhiziens associés à d es arbres voisins : on parle alors de mixotrophie (Gebauer & Meyer, 2003 ; Bidartondo et al., 2004 ; Julou et al., 2005 ; Girlanda et al., 2006 ; Selosse & Roy, 2009). 16 Figure 2 : Différents types de mycorhizes formés par un m ême champignon (Thelephoraceae) associé à la fois à une orchidée non phot osynthétique (Cephalanthera austinae) et un arbre photosynthétique. (a) fragment de racine de l’arbre avec des ECMs ; (b) coupe transversale d’une ECM montrant un m anteau fongique (m) et un réseau de Hartig (h) ; (c) coupe transversale d’une racine de l’orchidée montrant une épiderme (e), et des pelotons (p) typiques des mycorhizes d’Orchidacées ; (d) peloton constitué d’un amas d’hyphes avec des boucles (c) (Taylor & Bruns, 1997).

Spécificité associative

La spécificité est une caractéristique de toutes les associations symbiotiques, qui est déterminée par la compatibilité génétique et/ou physiologique d’un ou de plusieurs symbiontes vis-à-vis d’un taxon donné (Taylor & Bruns, 1999 ; Bruns et al., 2002 ; Ishida et al., 2007). Dans la nature, on peut observer différent niveaux de spécificité allant de la spécificité stricte à la spécificité large encore appelée préférence d’hôte (Molina et al., 1992 ; Morris et al., 2008 ; Hynson & Bruns, 2010 ; Tedersoo et al., 2011). Chez les orchidées, la spécificité stricte impliquant une seule espèce de champignon est relativement rare. Toutefois, des cas de spécificité étroite impliquant une seule famille ou des cas de spécificité large impliquant un ordre ou une classe de champignons sont souvent observés (Smith & Read, 2008). La spécificité étroite est plus fréquente chez les orchidées mycohétérotrophes et mixotrophes (Sélosse et al., 2004 ; Waterman & Bidartondo, 2008). Ainsi par exemple, l’orchidée non chlorophyllienne Neottia nidus-avis est spécifiquement associée aux Sebacinales (McKendrick et al., 2002 ; Selosse et al., 2002). Corallorhiza maculata, une autre orchidée mycohétérotrophe est associée aux Russulaceae (Taylor & Bruns, 1997, 1999 ; Taylor et al., 2004), alors que C. trifida qui est mixotrophe est associée aux Thelephoraceae (Taylor & Bruns, 1997 ; McKendrick et al., 2000 ; Zimmer et al., 2008). De nombreux travaux (Shefferson et al., 2005, 2007 ; McCormick et al., 2004, 2006 ; Bonnardeaux et al., 2007 ; Irwin et al., 2007) ont toutefois mis en évidence des cas de spécificité étroite chez des orchidées photosynthétiques. IV. Méthodes d’identification des champignons associés aux racines d’orchidées Les approches traditionnelles utilisées pour inventorier les champignons associés aux orchidées sont basées sur l’isolement et la culture en milieux stériles (Rasmussen, 2002). Toutefois, les isolats fréquemment obtenus produisent du mycélium stérile en culture axénique, et restent donc difficiles à identifier en absence de caractères morphologiques et sexuels (Currah et al. 1997 ; Rasmussen, 2002 ; Lacap et al., 2003 ; Zettler et al., 2003). Par ailleurs, la distinction des champignons responsables de la formation des pelotons dans les racines des autres isolats endophytes est souvent difficile (Currah et al., 1997). L’isolement des champignons à partir des pelotons a donc été utilisé avec succès chez certaines orchidées 18 Figure 3 : Représentation schématique du marqueur moléculaire ITS (ITS1, 5.8S et ITS2) et d’une séquence partielle de 350 paires de bases (pb) de la grande sous-unité 28S (LSU) (domaines hypervariables D1-D2-D3-D4) de l’ADNr de champignons. Les flèches représentent les sites de fixation des amorces (Tedersoo et al., 2008). (Warcup & Talbot, 1980 ; Bougoure et al., 2005). Toutefois, de nombreux champignons mycorhiziens ne poussent pas sur des milieux de cultures artificiels et ne sont donc pas isolables (Allen et al., 2003 ; Hyde & Soytong, 2007). Les techniques de la biologie moléculaire ont permis de s’affranchir des problèmes liés à l’isolement et à la culture des champignons mycorhiziens des orchidées (Waterman & Bidartondo, 2008). En effet, l’utilisation de l’amplification par PCR, la RFLP et le séquençage de marqueurs moléculaires comme de l’ITS (Internal Transcribed Spacer ou espaceur intergénique transcrit), le LSU (Large SubUnit ou grande sous-unité) et le SSU (Small SubUnit ou petite sous-unité) de l’ADN fongique ont permis l’indentification de nombreux champignons associés aux orchidées (Pope & Carter, 2001 ; Selosse et al., 2002 ; Bidartondo et al., 2004 ; Bougoure et al. 2005 ; Julou et al., 2005 ; Bonnardeaux et al. 2007 ; Roche et al., 2010). Le degré de polymorphisme des marqueurs est utilisé pour révéler les relations phylogénétiques entre les champignons identifiés. Par exemple, le LSU est utilisé pour des études au niveau du ge nre, alors que l’ITS plus discriminant est utilisé pour des études au niveau de l’espèce ou de la souche (Bruns et al., 1991 ; Mitchell & Zuccaro, 2006). Les séquences ITS sont ainsi largement utilisées comme « code-barre » génétique pour la taxonomie des champignons associés aux orchidées (Bruns et al., 1991 ; Rasmussen, 2002 ; Zettler et al., 2003 ; Bougoure et al., 2005 ; Bonnardeaux et al., 2007). Des amorces spécifiques (ex. ITS1F/ITS4B pour les Basidiomycètes, ITS1F/LR3-Tul pour les Tulasnellalles, ITS1F/LR6-Seb pour les Sebacinales (White et al., 1990 ; Bidartondo et al., 2003 ; Tedersoo et al., 2008 : Figure 3)) sont utilisées pour détecter certains groupes de champignons mycorhiziens fréquents chez les orchidées (Selosse et al., 2002 ; Bidartondo et al., 2003, 2004 ; Suarez et al., 2006).

Table des matières

INTRODUCTION
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Les mycorhize
II. Dépendance des orchidées vis-à-vis des champignons
III. Spécificité associative
IV. Méthodes d’identification des champignons associés aux racines d’orchidées
V. Les champignons symbiotiques identifiés des racines d’orchidées
MATERIEL ET METHODES
I. Matériel végétal
II. Observation des pelotons mycéliens dans les racines d’orchidées
III. Isolement des champignons associés aux racines de l’orchidée Dendrobium sp.
IV. Caractérisation moléculaire des champignons associés aux racines d’orchidées
1. Extraction de l’ADN total des racines à pelotons et du mycélien
2. Amplification de la région ITS de l’ADNr nucléaire par PCR
2.1. Principe de la PCR
2.2. Conditions expérimentales de la PCR
2.3. Contrôle des produits de la PCR
3. Purification des produits d’amplification de l’ITS pour le séquençage
4. Séquençage
5. Traitement des séquences
RESULTATS ET DISCUSSION
I. Observation des pelotons mycéliens dans les racines d’orchidées
II. Isolement et caractérisation des champignons associés aux racines de Dendrobium sp.
III. Détection des Tulasnellales et Sebacinales dans les racines des 10 espèces d’Angreacum Bor
IV. Les champignons associés aux racines des espèces épiphytes d’Angraecum
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *