Contexte français pour une intégration des TIC à l’école

Contexte français pour une intégration des TIC à l’école

Les prémisses : à partir de 1976

En 1976, le président de la République V. Giscard d’Estaing mandate S. Nora (Nora, Minc, 1978), inspecteur général des Finances, pour rédiger un rapport devant « faire progresser la réflexion sur les moyens de conduire l’informatisation de la société ». Même si ce travail n’a pas pris en compte l’impact de l’informatique au niveau de l’éducation, il propose une première ébauche d’hypothèse concernant les incidences sur le corps enseignant, « le développement de l’informatique de masse peut transformer la pédagogie, donc le statut des enseignants » même si « aucun robot […] ne saura prendre en charge le colloque singulier de l’enseignant et de l’enseigné. » (p. 58). L’ordinateur, avec le renfort de l’intelligence artificielle, peut modifier la relation au savoir. Celle-ci étant faite alors de dialogues, d’itérations successives, dessinant à chaque fois un cheminement original. Cette évolution vient bousculer le cloisonnement disciplinaire, la relation pédagogique traditionnelle, ainsi que l’organisation par niveaux d’enseignement, « atténuant [ainsi] les rigidités statutaires sur lesquelles s’articulent les diplômes et les grades ». L’enseignant se verrait attribué une fonction de coordination, « les tâches pédagogiques plus mécaniques seraient effectuées par des auxiliaires. Dans une telle perspective, c’est tout un univers sociologique qui serait amené à se modifier. Compte tenu de l’état d’esprit du corps enseignant, c’est dire que cette évolution n’est pas évidente et ne serait pas rapide. » (p. 59). M. Harrari1 , dans sa thèse, relève les toutes premières expériences d’utilisation de l’ordinateur dans des classes d’écoles primaires. Pour l’introduction de l’informatique à l’école primaire, elle relève une phase préliminaire (les préludes, 1975-1981), correspondant aux premières réflexions, aux toutes premières expérimentations, principalement avec le langage Logo, et aux timides premières mesures institutionnelles.

La prise de conscience : 1980

Dans le second semestre de l’année 1981, le ministère de l’Éducation nationale publie un document de travail2 en 4 tomes pour une « contribution à la réflexion sur l’informatique, la télématique et l’enseignement ». Ce rapport tente de mettre en évidence la complexité du développement de l’informatique dans l’éducation, à travers plusieurs contributions de l’inspection générale de l’Éducation nationale, de directions ministérielles, d’agences et de centres nationaux et de groupes de travail. Les effets sociaux sur la pratique de classe y sont relevés : « L’informatique et l’ordinateur offrent ici des perspectives nouvelles : au départ et notamment à l’étranger, on a surtout considéré la machine comme un moyen technologique puissant de transmission des connaissances mais aujourd’hui on s’aperçoit que c’est surtout un moyen d’effectuer un changement fondamental dans le rapport de l’élève au savoir. On aménage par la machine un environnement assurant toujours l’attitude active de l’élève face à la connaissance. Le « dialogue instantané » élève/machine est d’un grand intérêt et le fonctionnement en « conversationnel », une impérieuse nécessité pédagogique. »3 (p. 50). Les capacités interactives de la machine sont ici soulignées, l’approche pédagogique proposée ici est constructiviste. Les tomes 3 et 4 de ce document de travail ministériel s’intéressent davantage aux enjeux matériels et d’échelle représentés par l’introduction de l’informatique dans l’enseignement. L’informatique à l’école ne se réduit à un simple problème pédagogique. Elle possède une dimension industrielle et économique qu’on ne doit pas sous-estimer : « Est-il possible d’envisager une véritable politique de matériel visant à définir et à normaliser les parcs de matériel informatique et télématique qui devront être diffusés dans l’enseignement ? […] L’on risque, en effet, de ne pas pouvoir gérer efficacement les parcs de matériels informatique si l’on s’engage vers la multiplication d’expériences ponctuelles, plus ou moins importantes, qui créeront autant de situations de fait que le système éducatif devra prendre en charge. » (p. 415). La prolifération désordonnée d’expériences isolées est perçue comme une entrave au développement de l’informatique. Ce texte offre un plaidoyer pour le déploiement de grands plans d’équipement des établissements scolaires. Les enjeux sont multiples. Assurer la cohérence et la coordination des expériences en cours, mais aussi sociétaux et économiques : « Il est maintenant nécessaire de sortir du champ des micro-expériences, de songer à une généralisation. Déjà, l’opération « 10 000 micros » va dans ce sens. Mais il faut passer à l’étape suivante, il faut atteindre une masse critique, un seuil au-dessous duquel on se situe largement aujourd’hui. Sinon, il est exclu que les sociétés de service et les éditeurs se lancent sur ce marché. […] Le défi informatique et télématique concerne la société entière. Le monde de l’éducation ne doit pas y rester étranger. Bien plus, il a un rôle de tout premier plan à jouer dans l’informatisation de la société. » (p.728 et 730). Pour ce faire, il comporte trois circuits : le circuit pédagogique (l’enseignement), le circuit informatif (orientation, information, documentation), le circuit de gestion. Il s’agit bien ici de viser l’ensemble du système éducatif et ses rapports avec le monde moderne

Le plan IPT : 1985

Le plan IPT, présenté le 25 janvier 1985 par L. Fabius (1985b), répond à trois objectifs6 : il faut initier tous les élèves à l’outil informatique, les ordinateurs et leurs programmes doivent être accessibles à tous les citoyens, de très nombreuses équipes d’enseignants doivent être formées. L’Éducation nationale est donc au cœur de cet effort d’informatisation de la société. A. Chaptal (1999) relève que L. Fabius parlait alors d’acclimatation à la culture informatique, de passeport pour la modernité « et se situait délibérément dans une optique de formation du citoyen. » Au-delà de la continuité des chiffres et des choix technologiques, il voit là une rupture vis-à-vis des étapes antérieures de l’informatisation de l’éducation. En effet, le choix d’ouverture sur la société est innovateur, il vient heurter les positions précédentes qui soutiennent le principe d’une informatique discipline, objet de connaissance. L’ouvrage de présentation du plan IPT7 présente les intentions des « Ateliers Informatiques ». Ces ateliers sont ouverts pendant les heures scolaires aux professeurs et aux élèves comme un outil pédagogique, aussi pour introduire l’informatique comme savoir. En dehors des heures scolaires, ces ateliers sont ouverts à tout public « dans le cadre de conventions passées entre les collectivités locales, les associations et les établissements scolaires ». Ces ateliers ont à la fois des objectifs récréatifs, professionnels et éducatifs. « Les Ateliers ont donc vocation à devenir des centres de ressources pour les nouvelles technologies au service de tous. » (p. 14). Dans sa conférence de presse du 25 janvier 1985, L. Fabius (1985a) donne des lignes très politiques à ce plan : « Beaucoup d’efforts positifs ont déjà été entrepris. À partir des leçons qui peuvent être tirées, nous avons décidé de changer de vitesse et de lancer aujourd’hui un plan extrêmement puissant. […] La formation est l’investissement le plus important de la Nation, la clef de voûte de la modernisation du pays. L’informatique va devenir de plus en plus une seconde langue. L’objectif du président de la République, le nôtre, est de faire de cette génération la mieux formée de notre histoire. Grâce à ce plan, la France va être dès cette année un des premiers pays du monde, probablement le premier, dans l’enseignement de l’informatique pour tous. ». Cette citation est tirée de la revue « Éducation et informatique », dans le numéro 24 de janvier-février 1985. À côté des extraits du discours du Premier ministre, sont présentés les coûts, les moyens et les synergies mis en œuvre.

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