Coopération entre la médecine générale et la médecine polyvalente pour prendre en charge les patients en soins palliatifs

Définition de la médecine polyvalente 

La médecine polyvalente, contrairement aux autres spécialités souffre d’un manque de définition claire. Le Schéma Régional d’Organisation Sanitaire de Basse Normandie de 2006/2011 propose trois façons de définir la médecine polyvalente.
Par la qualification des médecins : Il n’existe pas de Diplôme d’Etudes Spécialisées (DES) ou de Diplôme d’Etudes Spécialisées Complémentaires (DESC) de médecine polyvalente. Cependant ils ont généralement réussi le concours de Praticiens Hospitaliers (PH) en médecine. On attend de ces médecins une prise en charge du patient dans sa globalité.
Par le recrutement des patients : Les patients admis en médecine polyvalente ne nécessitent pas, sauf circonstance particulière, l’intervention d’un spécialiste, ils sont souvent polypathologiques. De plus lorsque le patient présente des symptômes d’origine indéterminée et qu’il ne peut être orienté
d’emblée dans un service spécialisé, ce patient peut être admis en médecine polyvalente. Des patients présentant des problèmes psychologiques ou addictifs peuvent être admis en unités de médecine polyvalente si l’hospitalisation en psychiatrie n’est pas retenue.
Par sa situation dans l’offre de soin : Elle est le premier niveau de l’hospitalisation des patients en médecine. L’entrée dans le service peut se faire par l’intermédiaire des urgences, des consultations, par transfert ou entrée directe.
Quoiqu’il en soit, cette discipline s’organise puisque depuis maintenant quelques mois existe une fédération française de médecine polyvalente. Les objectifs sont nombreux, que ce soit dans une perspective de formation ainsi que de recherche d’identité et de positionnement dans la prise en charge des patients polypathologiques. En fait, la médecine polyvalente nécessite une prise en charge holistique du patient, dans sa globalité et travaille de façon rapprochée avec les autres spécialité. Comme peut être la médecine gériatrique et la médecine interne, elle se rapproche en cela étroitement de la médecine palliative.

Soins palliatifs en ville 

Contexte : Actuellement 20% des décès se produisent à domicile . L’offre de soins palliatifs à domicile sur le territoire français est incomplète comme nous en fait part le rapport public annuel 2015 de la cour des comptes qui précise que « La prise en charge extra hospitalière est demeurée le parent pauvre et reste toujours à construire, que ce soit à domicile ou en établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes ». Ce rapport insiste sur la nécessité de développer la prise en charge des soins palliatifs à domicile mais également en structure hospitalière en améliorant la coordination ville-hôpital. La «déshospitalisation» de la mort est un enjeu important tant pour répondre au souhait de la population française qu’en raison du coût financier de l’hospitalisation.
Bien sûr, ici encore, de nombreux acteurs sont impliqués en ville. Le médecin traitant qui occupe une place privilégiée auprès du patient et ceci à plusieurs titres :
C’est le médecin de famille qui connaît le patient souvent depuis longtemps, sa famille et son mode de vie.
Comme il occupe en tant que médecin traitant une place privilégiée dans le dépistage, c’est souvent lui qui a découvert et peut être même annoncé la maladie.
Souvent associé à des confrères spécialistes, il a mis en place et surveillé chacune des thérapeutiques que le patient a du suivre tout en l’aidant à accepter les éventuels effets indésirables et ceci encore une fois depuis le tout début de la maladie.
C’est encore le médecin traitant qui, souvent aidé par ses confrères, a du expliquer l’évolutivité de la pathologie et progressivement accompagner le patient vers des soins de plus en plus symptomatiques et de moins en moins curatifs.
À ce stade, c’est toujours le médecin traitant qui, devant bien souvent une perte d’autonomie sera confronté à la coordination de chacun des acteurs que nous décrivons plus en avant. Enfin, et en espérant avoir été exhaustif, c’est au fil de la prise en charge que le médecin traitant devra soulager, quelque soit la douleur morale, physique ou sociale non seulement le patient mais aussi son entourage.

Le médecin généraliste : spécialiste impliqué et motivé pour l’optimisation de ses pratiques en soins palliatifs malgré des difficultés

Dans notre enquête, 48% des médecins interrogés ont répondu au questionnaire malgré une relance téléphonique. Cette relance n’a déclenché que deux réponses supplémentaires avec bien souvent le manque de temps voire d’intérêt à la question posée. Cela soulève donc une première analyse: nous avons peut être sélectionné un panel de médecins investit dans cette prise en charge. Plus de la moitié des médecins généralistes ayant répondus exercent depuis moins de 15 ans, et même moins de 10 ans pour 40% d’entre eux. Plus de 80% exercent en groupe. Ce chiffre est concordant avec celui de l’institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) qui montre qu’aujourd’hui l’exercice en groupe est majoritaire et en augmentation ; 80% des médecins de moins de 40 ans exercent en groupe. Enfin, l’appréciation globale de la collaboration avec le service est jugée satisfaisante pour 92% des médecins comme nous l’avons vu dans notre enquête d’une part et comme l’a étudié Céline DEBAUDRE dans sa thèse en 2012. Cela impose un constat et une nuance lors de l’analyse des résultats: les médecins qui nous ont répondu ont l’habitude de collaborer avec l’unité fonctionnelle de médecine polyvalente (UFMP). Donc, nous avons à faire ici à des médecins sensibilisés par notre sujet, plutôt jeune d’exercice, majoritairement installés en groupe et qui sont habitués à collaborer avec le service. Dans notre enquête 72% des médecins ont accompagné entre 1 et 5 patients en soins palliatifs ces deux dernières années. Surtout, tous ont été confrontés à cette prise en charge. Là encore, on peut penser que ces chiffres sont sous évalués avec la problématique d’une définition non consensuelle des soins palliatifs. Subjectivement, si on admet que la décision de soins raisonnés et la limitation des investigations complémentaires chez les patients fragiles sont des soins palliatifs, on peut penser que les médecins de ville sont en fait plus exposés qu’ils ne l’évoquent.
En fait, c’est de la fragilité, de la polypathologie, de soins adaptés dont il s’agit et qui font de la médecine générale, de part ses fondements, un, voir, le pivot central de la médecine palliative.

La douleur physique et morale : peu de recours au service puisque ces compétences sont revendiquées et assumées par le médecin généraliste

Dans notre travail 80% des médecins ayant répondu sont à l’aise pour prendre en charge la douleur physique de leur patient et 60% la douleur morale. Nous sommes ici, au cœur du rôle du médecin généraliste comme nous l’avons détaillé dans notre introduction.
Ces résultats, attendus, sont, qui plus est, corroborés par la littérature. Un article a été écrit en 2003 sur le regard que porte la population française sur les soins palliatifs et la fin de vie. Cette étude a été réalisée sur 302 personnes âgées de 18 à 86 ans dans plusieurs régions de France. Concernant la prise en charge de la douleur, le référent reste le médecin généraliste pour presque 60% des français.
Une autre étude en Angleterre réalisée en 2001 sur 986 patients adultes montre également que les patients privilégient l’entretien avec leur médecin traitant en cas de problèmes psychologiques ou de problèmes somatiques graves pour plus de 80% d’entre eux .
On mesure donc l’implication directe du médecin généraliste dans ce rôle et on comprend qu’il n’ait pas besoin du service pour l’accomplir (seulement 4% des médecins seraient prêts à adresser leur patient dans le service pour soigner la douleur physique et aucun pour prendre en charge la douleur morale). Le service de proximité se place ici en dernière ligne quand on évalue les recours envisagés par le médecin traitant. Le médecin généraliste est l’expert pour cette prise en charge, s’il a besoin de coopérer, il le fait avec les spécialistes (services référents, réseau de soins palliatifs, unité de soins palliatifs, etc ) .

L’épuisement des aidants et la perte d’autonomie du patient : une coopération attendue

A l’inverse, à l’égard de ces douleurs physique et morale, ils sont plus nombreux à s’estimer en difficulté dans la gestion de l’épuisement des aidants (52% se sentent « plutôt mal à l’aise ») et des soins de nursing lourds (60% sont « très ou plutôt mal à l’aise »). Ainsi, ils sont presque 30% à être prêt à coopérer avec le service pour prendre en charge l’épuisement des aidants et 16% en cas de perte d’autonomie .
Ici encore, ces résultats sont attendus puisqu’il s’agit de situations médico-psycho-sociales plus évoluées et donc il est difficile pour le médecin traitant d’y faire face seul.
Une étude a été réalisée sur soixante quatorze médecins généralistes de la Vienne par un questionnaire anonyme. Le but était d’identifier les difficultés des médecins généralistes dans leur prise en charge des patients en fin de vie à domicile. Dans 49% des cas la prise en charge de la famille arrive au premier rang parmi les difficultés ressenties. Hors cette prise en charge de l’entourage est essentielle comme nous le rappelle l’ANAES : « Il convient de reconnaître, de respecter et préserver la place de la famille il convient de les aider à surmonter les périodes de crise et d’incertitude » .
En fait, la fin de vie avec le contexte de souffrance familiale et de perte d’autonomie qui en découlent, même si elle est souhaitée à domicile pour la plupart des Français, est confrontée à des difficultés cette fois ci organisationnelles. C’est d’une prise en charge pluriprofessionelle dont il s’agit, faisant intervenir de nombreux acteurs soignants. Le rôle propre du médecin généraliste, se situe ici peut être plutôt dans la coordination de ces soins.

Table des matières

A. INTRODUCTION
1. Définitions
2. Soins palliatifs à l’hôpital
a. Historique et contexte
b. Le service de médecine polyvalente à Louviers
3. Soins palliatifs en ville
a. Contexte
b. Dans la Communauté d’Agglomération Seine Eure (CASE)
B. MATÉRIEL ET MÉTHODE
1. Population étudiée
2. Protocole d’étude
C. RÉSULTATS
1. Taux de réponses
2. Présentation des médecins ayant participé à l’enquête
3. Activité palliative des médecins généralistes
4. Formation en soins palliatifs des médecins généralistes
5. La collaboration avec le service
6. Prise en charge de la douleur physique par le médecin généraliste
7. Prise en charge de la douleur morale par le médecin généraliste
8. Prise en charge de l’épuisement des aidants par le médecin généraliste
9. Prise en charge des soins de nursing lourds et la perte d’autonomie par le médecin généraliste
10. Prise en charge d’un événement intercurrent sans urgence vitale nécessitant une prise en charge hospitalière
11. Coopération avec le réseau de soin palliatif DOUSOPAL et l’hospitalisation à domicile (HAD)
D. DISCUSSION 
• Les soins palliatifs en médecine polyvalente: une activité quotidienne et assumée mais rarement évaluée
• Le médecin généraliste : spécialiste impliqué et motivé pour l’optimisation de ses pratiques en soins palliatifs malgré des difficultés
• La douleur physique et morale : peu de recours au service puisque ces compétences sont revendiquées et assumées par le médecin généraliste
• L’épuisement des aidants et la perte d’autonomie du patient : une coopération attendue
• Le service d’accueil et d’urgences, un service dans son rôle?
• Coopération médecine générale / médecine polyvalente : une optimisation nécessaire
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
Annexe 1 : Sondage à l’intention de l’équipe du service de médecine polyvalente de Louviers
Annexe 2 : Territoire d’intervention du réseau DOUSOPAL
Annexe 3 : Communauté d’Agglomération Seine Eure (CASE)
Annexe 4 : Lettre d’introduction du questionnaire papier à l’intention des médecins généralistes
Annexe 5 : Questionnaire à l’intention des médecins généralistes

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