DIVERSITÉ ET PERFORMANCE SOCIALE

DIVERSITÉ ET PERFORMANCE SOCIALE

Les théories mobilisées dans le cadre de la relation diversité et performance sociale

Le paragraphe permet de montrer l’importance des contributions théoriques dans la recherche de la relation entre la diversité et la performance sociale. En effet, « s’appuyant sur une revue de la littérature explorant l’impact de la diversité sur la performance des organisations sur la période 1990-2010, ce document cherche également à éclairer l’hétérogénéité des conclusions des études empiriques à la lumière de paradigmes théoriques multiples. Nous sommes d’avis avec Bruna et Chauvet (2013), pour qui dans la relation entre diversité et performance les cadres théoriques mobilisables sont : la théorie des ressources ou Resource-Based-View, la Théorie de l’identité sociale et la théorie de la régulation sociale. Bien que les résultats d’études empiriques testant l’impact d’une ou plusieurs dimensions de la diversité sur la performance des organisations brillent par leur hétérogénéité comme le dévoilent les métaanalyses de Jackson et al. (2003) et McMahon (2010), un début de convergence se fait jour entre chercheurs en stratégie et GRH quant à l’importance de la diversité en tant que facteur potentiel et conditionnel d’accroissement de la performance des entreprises ». Ainsi, ce cadre théorique est utile pour expliquer que les Hommes qui travaillent dans les entreprises multinationales ont leur propre identité et appartiennent à une communauté. Pour qu’ils puissent travailler dans l’entreprise et atteindre leurs objectifs, il faut la mise en place des principes et les règles qui régulent leurs comportements. De la même manière, ces Hommes constituent des ressources pour ces entreprises multinationales sur lesquels elles peuvent compter pour réaliser leur mission. Le développement de ces différentes théories contribuera à la compréhension du rôle de la diversité dans la détermination de la performance sociale des entreprises multinationales africaines évoluant en contexte béninois. 50 Nous abordons dans premier temps la théorie des ressources, ensuite la théorie de la régulation sociale et enfin, la théorie de l’identité sociale. 

La théorie des ressources

Sur la base cette théorie, nous soutenons que les Hommes de par leur diversité (en termes de culture, genre, religion et ethnique) au sein des entreprises multinationales constituent des ressources que ces entreprises doivent optimiser pour atteindre leurs objectifs. Cette théorie, en dépit de nombreux critiques dont elle a fait l’objet (Porter, 1991), est de nos jours l’une des ressources les plus sollicités dans le domaine du management stratégique (Foss et Ishikawa, 2007). La Resource-Based View : « La Resource-Based-View souligne ainsi la dimension créatrice de valeur propre à la diversification (ethnique, culturelle, sociale, de genre, d’âge…) des équipes. Et cela, aux dépends d’une analyse des risques (condamnation pour discrimination, déperdition d’image alors même que la diversité a été érigée en norme collectivement appropriée) qui pourtant constitue l’un des mouvants essentiels de la politique diversité des organisations. De surcroit, la Resource-Based-View, dans ses modèles les plus étroits, ne permet pas de cerner un des motifs essentiels de promotion d’une politique diversité : la légitimation de l’entreprise ». La théorie des ressources a permis le développement des concepts de connaissance et de compétences (Brulhart et al., 2010). En effet, la compétence des employés est fondamentale pour la réussite des entreprises multinationales dans un environnement fortement concurrentiel. Ainsi, diverses ressources peuvent être mises en jeux pour aboutir à l’atteinte des objectifs de productivité et d’amélioration des résultats de l’entreprise. Parmi ces ressources, le capital humain qui est une appellation des compétences humaines du point de vue économique de la théorie du capital humain (Becker, 1962), présente la perspective universaliste de la GRH. Les travaux de Wernerfelt (1984)28, ont contribué à la valorisation du facteur humain qui est un argument en faveur de la théorie des ressources (Tywoniak, 1998 ; Prahalad et Hamel, 1990). De même, la théorie des ressources et des compétences, développée par les auteurs issus de l’école des relations humaines (Penrose, 195929; Barney, 1991), met l’accent sur l’importance des ressources humaines dans la réalisation des objectifs de l’entreprise. Cette théorie est vulgarisée par Prahalad et Hamel (1993), en montrant que la manière dont les  employés en tant que ressources fondamentales sont gouvernés a une importance dans la réussite des organisations et deviennent pour ces organisations un avantage stratégique. De même, pour demeurer l’élément stratégique de l’entreprise, les ressources apportent à l’entreprise les inputs du système de production dont la nature dépend des connaissances possédées par les individus dans l’entreprise (Prévot et al., 2010, p. 89). Ces auteurs soulignent que la théorie des ressources explique les différences de performance entre les entreprises à partir de leurs caractéristiques. Aussi, ces caractéristiques sont définies par Barney (2002) à partir du modèle intitulé « VRIN » qui signifie « Valeur, Rareté, Inimitabilité, Non substituable ». Barney montre que ces caractéristiques des ressources fondamentales de l’entreprise permettent de maintenir de façon durable l’avantage concurrentiel. Ces ressources en raison de leurs importances peuvent aussi aider les entreprises multinationales à rester pérennes sur le marché dont l’environnement est fortement concurrentiel. À partir de ce constat, nous sommes d’avis avec Barney (2002) que les ressources de l’entreprise sont des valeurs rares et ne peuvent pas être ni imitées, ni substituées. Notons que cette théorie a fait l’objet de quelques critiques depuis 1984. La théorie des ressources aurait fait l’objet de critique en raison de la négligence des facteurs contextuels et le cadre institutionnel (Evans et Davis, 2005). Cette théorie serait critiquée pour le fait qu’elle ne permettrait pas d’expliquer la façon dont les entreprises doivent s’y prendre pour investir dans les activités d’acquisition, de développement et de fidélisation des salariés (Fabi et al.,2012). En dépit de ces critiques, cette théorie nous permet d’expliquer l’importance des Hommes diversifiés dans les multinationales et comment la prise en compte de leurs aspirations peut être bénéfique à l’entreprise. Ainsi, les ressources humaines relèvent de la gestion stratégique de l’entreprise. La gestion stratégique permet de mettre l’accent sur les approches : universaliste, contingente et configurationnelle qui sont issues des travaux de Delery et Doty (1996). En effet, l’approche universaliste considère que certaines pratiques de GRH sont meilleures par rapport aux autres et elles peuvent être appliquées dans tous les contextes organisationnels et qu’en les appliquant elles aient un effet positif (Delery et Doty, 1996; Huselid, 1995; Pfeffer, 1994). Cette approche montre que les pratiques dites performantes sont positivement reliées à la performance des entreprises parce qu’elles favorisent la satisfaction des employés. Cependant, les contextes n’étant pas identiques, la transférabilité de ces pratiques dans un autre contexte peut ne pas être efficace. Il est important de prendre en compte les facteurs de contingences. 52 La deuxième approche dite de contingence recommande qu’il faille contextualiser la gestion des ressources humaines. Ainsi, la performance n’est atteinte que lorsqu’il y a convenance entre les pratiques de gestion des ressources humaines et la stratégie de l’entreprise (Lawrence et Lorch, 1967 ; Miles et Snow, 1994 ; Schuler et Jackson, 1987). Les différents travaux empiriques réalisés par ces auteurs ont permis de valider cette approche. Ce qui montre que les facteurs de contingence sont à prendre en compte pour aboutir à la performance de l’entreprise. Malgré les résultats élogieux de cette approche, d’autres chercheurs (Arthur, 1994 ; Delery et Doty, 1996 ; Keller, 1996) recommandent que les pratiques RH soient constitués d’un ensemble cohérent pour produire un effet. Cette approche est dite « approche configurationnelle ». Les études réalisées par les partisans de cette approche ont prouvé les effets de la gestion des ressources humaines sur la performance de l’organisation. Mais ces effets peuvent être constatés si les pratiques en question constituent un groupe cohérent et qu’elles concordent aux caractéristiques de l’organisation (Dyer et Reeves, 1995; Wright et al., 1995). Avec cette approche, l’effet des regroupements des pratiques de gestion des ressources humaines sur la performance des organisations est évalué par de nombreux travaux antérieurs (Arthur, 1994 ; Delery et Doty, 1996 ; Keller, 1996). L’étude réalisée par Huselid (1995) auprès de 968 responsables RH a permis de constater que les entreprises qui investissent plus dans la gestion des ressources humaines sont celles qui sont plus performantes. Les résultats de cette étude démontrent alors l’importance de la gestion des ressources sur la performance des entreprises. Dans la même logique, Barrette et Ouellette (2000) ont montré que l’accroissement de cohérence des systèmes de gestion des ressources humaines avec le système de gestion de la performance est lié à une augmentation du positionnement concurrentiel de l’entreprise. Comme le soulignent Bruna et Chauvet, (2013), l’entreprise utilise la stratégie pour pouvoir transformer et valoriser ses différentes ressources et compétences qui se trouvent dans l’organisation. C’est en arrivant à transformer, protéger et développer un nombre important de ses compétences en vue d’atteindre ses objectifs qu’une entreprise peut être qualifiées de performante (Wernerfelt, 1984). Il s’agit d’identifier les ressources et les compétences afin de les utiliser rationnellement pour permettre à l’entreprise d’être performante (Tywoniak et Groupe, 1998). Barney (1986) montre que l’avantage concurrentiel est obtenu grâce aux ressources et compétences que l’entreprise dispose. 53 Pour que cet avantage soit un acquit pour l’entreprise, il faut que les ressources soient bien exploitées et c’est à ce prix qu’elles peuvent permettre à l’entreprise de se différencier des concurrents. C’est ce que Grandval et Soparnot (2003)30, appellent les « actions grises31 » qui permettent à l’entreprise de maintenir un avantage concurrentiel soutenable. En effet, l’étude réalisée par Grandval et Soparnot (2003) leur ont permis de parvenir aux résultats selon lesquels la compétence cardinale permet à l’entreprise de maintenir un « avantage concurrentiel soutenable ». Ces auteurs montrent qu’il est important que l’entreprise écoute son environnement dans le but de pouvoir maintenir cet avantage concurrentiel. La théorie des ressources appuie fondamentalement la thèse de la valeur propre qui découle de la diversification des ressources humaines en fonction de leur culture, de l’origine ethnique et religieuse, du genre, d’âge et de nationalité (Prahalad et Hamel, 1993). Cette valeur est constatée dans l’entreprise par l’entremise des résultats réalisés résultant de l’effet de synergie entre les acteurs. Il est nécessaire de comprendre que nous pouvons faire un rapprochement entre les actions grises dont parlent ces deux auteurs et les manières de gérer la diversité des ressources humaines qui constituent pour les multinationales une richesse. Ainsi, les pratiques mises en jeu dans l’entreprise peuvent permettre une amélioration de la productivité si et seulement si les acteurs les mettent en pratique en évitant la discrimination et la frustration des employés favorisant ainsi un climat social apaisé. En dépit des atouts de cette théorie, elle ne met pas en relief les notions d’identité et de régulation des comportements au sein de l’entreprise. Le recourt à la théorie de la régulation sociale permettant de réguler les comportements des différents acteurs au sein de l’entreprise devient nécessaire dans un contexte de diversité des ressources humaines. 

La théorie de la régulation sociale

Dans toute entreprise, il est nécessaire de mettre en place les mesures de régulation pouvant permettre à l’entreprise de bien circonscrire les différents comportements que les employés peuvent développer. Sachant qu’une société ne peut vivre sans un minimum de mesures de 30 Grandval, S. et Soparnot, R. (2003). Les actions grises dans la théorie des ressources : une compétence cardinale pour la PME? Revue internationale P.M.E., 16(3-4), 121–149. https:// doi.org/10.7202/1008448ar 31 Les actions grises constituent une pratique d’influence qui permet d’atténuer les conditions théoriques et légales de la concurrence. Elles se distinguent du concept de veille stratégique en liant information et action et demandent des ressources spécifiques (Grandval, S. et Soparnot, R., 2003). 54 régulation, nous nous sommes intéressés aux propos du célèbre chercheur De Terssac (2012)32 qui stipulent que « la vie en société se base sur des interactions qui établissent des règles qui permettent la communication et l’échange social, la collaboration et le conflit, l’arbitrage et le compromis ». C’est dans cette logique que Reynaud (1999)33 montre que l’objet de la théorie de la régulation sociale est de comprendre que les différentes obligations de comportement auxquelles les individus se soumettent, est la vie des règles, leur élaboration et leur renouvellement. Ces règles poursuivent l’auteur, avant de devenir une « théorie générale de l’échange social », avaient comme point de départ le « domaine des relations professionnelles ». Cette théorie permet de traiter les questions que les différents acteurs de la vie se posent de façon perpétuelle (De Terssac ,2012) et s’interrogent sur comment les règles sociales sont-elles élaborées par l’intervention de plusieurs acteurs de la société. Notons que la présente théorie trouve son fondement à la suite des recherches menées par Reynaud en 1950 sur les relations de travail et en 1970 sur les conflits qui lui ont permis de parvenir à la conclusion que les individus ayant des différends se mettent d’accord seulement sur la création des règles légitimes et non sur des principes généraux (De Terssac, 2012). Cette remarque suit la même logique que celle de Flanders (1968)34 qui estime que « la négociation n’est pas du marchandage, un accord collectif n’est pas un marchandage collectif ». Selon l’auteur, nous ne pouvons pas acheter ou vendre du travail à partir de la négociation. Cependant, elle favorise la création des règles qui permettent de fixer de façon concrète les conditions de réussite de cette transaction ; ce qui pousse De Terssac, (2012) à affirmer que « la négociation professionnelle ne fixe pas de salaire mais elle invente des règles qui permettent de fixer un salaire » et le système de relations professionnelles contribue à la création du système social. La société est donc le produit de l’engagement des différents acteurs qui occupent chacun une position et qui œuvrent pour sa construction (Reynaud, 1999). Ces règles et principes mises en place dans les entreprises s’imposent à tous les différents acteurs et leurs applicabilités deviennent une obligatoire. Cependant, si les fondamentaux de ces principes et règles ne sont pas bien pensés, elles peuvent être un frein au bon fonctionnement de l’entreprise.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIERE PARTIE : APPROCHE THÉORIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 1. LE MANAGEMENT DE LA DIVERSITÉ DANS LE CONTEXTE DES ENTREPRISES MULTINATIONALES ET LA PERFORMANCE SOCIALE
SECTION 1 : LE CONTEXTE DES ENTREPRISES MULTINATIONALES ET LE MANAGEMENT DE LA DIVERSITÉ
SECTION 2 : LA PERFORMANCE SOCIALE DANS LES ENTREPRISES
CHAPITRE 2 : CADRAGE THÉORIQUE ET MÉCANISMES D’INFLUENCE DE LA  DIVERSITÉ SUR LA PERFORMANCE SOCIALE
SECTION 1 : LES THÉORIES MOBILISABLES POUR APPRÉHENDER LA TENSION ENTRE LA DIVERSITÉ ET LA PERFORMANCE SOCIALE
SECTION 2 : MÉCANISMES D’INFLUENCE DE LA DIVERSITÉ SUR LA PERFORMANCE SOCIALE ET FORMULATION DES HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
DEUXIEME PARTIE : APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE, PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS
CHAPITRE III : APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ET VALIDATION D’ÉCHELLE DE MESURE
SECTION 1 : CHOIX ÉPISTÉMOLOGIQUE ET DESIGN DE LA RECHERCHE
SECTION 2 : TECHNIQUES D’ANALYSE DES DONNÉES ET VALIDITÉ DES ÉCHELLES DE
MESURE .
CHAPITRE 4 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS, DISCUSSION ET IMPLICATIONS MANAGÉRIALES DE LA RECHERCHE
SECTION 1 : RÉSULTATS DE LA STATISTIQUE DESCRIPTIVE ET DE LA RÉGRESSION
ENTRE LES VARIABLES
SECTION 2 : DISCUSSION DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE ET IMPLICATIONS
MANAGÉRIALES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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