Ecriture et lecture chez Angela Carter

Ecriture et lecture chez Angela Carter

FASCINATION ET FANTASME

IDEOLOGIE ET MONOLOGISME

ANGELA CARTER ET LE MOUVEMENT FEMINISTE : EXTRAVAGANCE

Angela Carter est fréquemment qualifiée d’écrivain féministe[1] et est répertoriée comme telle. Il est vrai qu’une grande partie de la fiction et des essais de Carter a été publiée chez Virago Press[2]. Nous remarquerons également que la fiction d’Angela Carter apparaît fréquemment dans les programmes de littérature des Universités britanniques dans le cadre des « women’s studies ». Il est probable qu’une anthologie de la littérature féministe la ferait figurer en bonne place.

A la lecture des études critiques sur la fiction cartérienne, il apparaît que bon nombre d’entre elles font référence au féminisme. Les romans et nouvelles y sont vus comme emblématiques d’une production littéraire liée à un contexte social et politique, à savoir le mouvement féministe qui a traversé les années 70[3]. Par ailleurs, certaines lectures des œuvres de Carter se concentrent principalement sur un point de vue féministe, en ce sens qu’elles tendent à mettre en lumière la façon dont sa fiction met en scène des relations et des luttes au cœur desquelles se trouvent des femmes[4]. Ainsi, nous avons pu constater que ses nouvelles et romans sont devenus des ouvrages de référence et d’étude pour la critique littéraire féministe[5].

Dans un recueil d’essais très souvent cité, On Gender and Writing[6], Carter figure aux côtés de féministes : Michelene Wandor y invitait des écrivains à s’interroger sur le processus d’écriture en relation avec le féminisme et la question de « gender »[7].Il convient de noter que les prises de position idéologiques et les déclarations de Carter ont probablement contribué à orienter les lecteurs dans leurs approches critiques. Elles ont en tout cas été fréquemment mises en avant pour confirmer l’héritage féministe :The Women’s Movement has been of immense importance to me personnally and I would regard myself as a feminist writer, because I’m a feminist in everything else and one can’t compartmentalise these things in one’s life. […] I can date to that time and to some of those debates and to that sense of heightened awareness of the society around in the summer of 1968, my own questioning of the nature of my reality as a woman. How that social fiction of my « femininity » was created, by means outside my control, and palmed off on me as the real thing[8].

Tous ces éléments, sans être exhaustifs, signent une appartenance certaine à ce que l’on appelle la mouvance féministe[9]. C’est la raison pour laquelle il peut paraître difficile, problématique, et voire peut-être discutable pour certains, de faire une impasse, momentanée ou non, sur le point de vue féministe et ce, d’autant plus que c’est Carter qui a explicitement défendu sa fiction comme telle :

I wrote one anti-mythic novel in 1977, The Passion of New Eve —I conceived it as a feminist tract about the social creation of femininity, amongst other things[10].

Malgré cette appartenance manifeste au féminisme, Angela Carter en est une figure à part, extravagante au sens étymologique du terme : loin de coller à une ligne de pensée qui lui serait imposée, Carter s’est toujours tenue à l’écart des dogmes auxquels certaines organisations féministes n’ont pas échappé. Ainsi que le précise Sarah Gamble, « Carter never felt obliged to toe any kind of feminist party line, and the feminist ideology she espoused was defiantly idiosyncratic »[11]. Son refus d’adhérer à la « ligne d’un parti » d’une part, ainsi que les représentations sulfureuses et transgressives des personnages féminins et de la sexualité féminine dans sa fiction d’autre part, lui ont valu d’être rejetée par certaines féministes[12].

La publication de son essai The Sadeian Woman[13] et ses analyses pour le moins sujet à controverse en matière de sexe et de pornographie en ont fait un personnage provocateur, si ce n’est dérangeant. Le titre de la préface était à lui seul une provocation pour la partie des féministes qui avaient choisi de faire de la pornographie un de leurs chevaux de bataille : « Polemical preface: Pornography in the service of women » (3). La pornographie a toujours été un sujet que les féministes dans leur ensemble, et les féministes américaines en particulier, ont combattue avec beaucoup d’énergie[14].

Son interlocutrice chez Virago, Carmen Callil, affirmait d’ailleurs que Carter avait choisi d’écrire SW « to get Virago off the ground »[15].

Il est certain que le choix de Carter de s’intéresser aux écrits de Sade l’a placée, d’emblée, à l’écart, ces écrits n’ayant pas la particularité de faire la « part belle » aux femmes. Dans un deuxième temps, son approche délibérément provocatrice des textes sadiens a achevé de la marginaliser. L’analyse qu’elle effectue de ces textes dans SW mêle à la fois sérieux et dérision ; lorsque cette dimension d’ironie a échappé aux lecteurs, le livre a été violemment critiqué et rejeté[16]. Un exemple est particulièrement révélateur de la provocation délibérée de Carter[17], en particulier en matière de crudité de langage. Au début de son analyse, après avoir fait une démonstration magistrale et pour le moins crue, de l’ambiguité et des différentes acceptions du mot « fuck », elle présente Sade comme une sorte de féministe avant l’heure :

He urges women to fuck as actively as they are able, so that powered by their enormous and hitherto untapped sexual energy they will then be able to fuck their way into history and, in doing so, change it[18].

Il est clair que même indépendemment du fond, la forme langagière est susceptible de faire blocage chez certains lecteurs. En ce qui concerne le fond, l’intérêt soutenu de Carter pour la question de la pornographie et sa référence à la sexualité n’ont pu que la discréditer aux yeux des féministes américaines « pures et dures » pour qui, « sex is violence and pornography is forced sex »[19].

Ses détracteurs ont omis de mentionner qu’après avoir mis en évidence une certaine dimension progressiste de Sade, Carter finit par émettre des réserves quant à l’avant-gardisme de ce personnage monstrueux.

Parallèlement à ces mises à l’écart par une part du mouvement féministe, Carter a pris explicitement des distances avec certaines perspectives féministes :

The notion of a universality of human experience is a confidence trick and the notion of a universality of female experience is a clever confidence trick[20].

There is a fictive quality about the notion of a “women only” experience[21].

Derrière cette affirmation, nous pouvons percevoir la notion de « female imagination » élaborée par Patricia Spacks ou bien celle de « gynocritics » mise en avant par Elaine Showalter[22], derrière lesquelles la création d’une « identité féminine » n’est pas très loin. Se profile également une nouvelle version d’une « nature féminine » que les féministes avaient pourtant combattue, et qui ferait mettre, de façon tout à fait contestable, une majuscule à « Woman » en vue de la conceptualiser et de l’universaliser.

En tant que membre du comité éditorial de Virago, Carter estimait nécessaire de « rescue [women’s writing] from the slough of passive suffering »[23], afin de prendre des distances avec l’image de la femme qui souffre » si souvent représentée dans les œuvres littéraires, comme celle de Jean Rhys ou d’Edna O’Brian et, donc, selon elle, sur-valorisée par certaines féministes. Elle rejoint en ceci la position de Judith Butler, citée par Elaine Jordan : « [T]he paradigm of victimisation, the over-emphasis on pornography, the cultural insensitivity … has to be countered by strong feminist positions »[24].

Elaine Jordan considère la ligne de pensée de Carter, tant dans ses essais que dans sa fiction, comme « [a] vital criticism of feminism from the inside »[25].

Ainsi, certaines attaques accusant Carter de « reinscrib[ing] patriarchy »[26] paraissent bien peu crédibles[27]. Il en est de même des affirmations de John Bayley selon lequel « whatever spirited arabesques and feats of descriptive imagination Carter may perform she always comes to rest in the right ideological position »[28]. Nous nous permettrons d’ailleurs de nous interroger, si ce n’est remettre en question, la signification et la validité d’une expression comme « the right ideological position ».

Pour résumer, sans renier une certaine appartenance et une fidélité à la mouvance féministe, Angela Carter a cependant marqué sa différence tant par ses idées que par le style de son expression, tant par le fond que par la forme :

A good deal of harmless fun has been poked at certain neologisms coined by the Women’s Movement in its sexually egalitarian or sometimes even female supremacist zeal. The militant who wanted to change her name to “Personchester.” Ho ho ho. S/he to replace the offensively sectarian yet ubiquitous use of he as an impersonal pronoun? What? Have the girls no sense of proportion? (Yet, if the reader consults the manner in which his buttons do up, he might, to his surprise, discover he is a woman.) Herstory. That  always provokes the big belly laugh[29].

OÙ L’IDEOLOGIE RELANCE LA FICTION

La position de Carter par rapport au courant féministe n’est ni unique ni atypique ; nous savons en effet que le mouvement féministe, comme toute organisation sans doute, a été et est toujours traversé de multiples influences et tendances. En revanche, nous pouvons nous demander si ce n’est pas l’abondance des prises de position idéologiques de Carter ainsi que ses commentaires en marge du monde de la littérature qui ont contribué à ce que nombre de lectures critiques fassent de multiples références extra-textuelles.

A cet égard, on a souvent mis en évidence une dimension satirique dans PNE. Contrairement à la parodie qui « ne peut avoir pour “cible” qu’un texte ou des conventions littéraires »[30], la satire s’inscrit dans l’extratextuel et non dans le littéraire. La satire est certes une forme littéraire, mais son domaine de référence est extra-littéraire. Par exemple, Sarah Gamble estime que, dans PNE, « Carter’s demythologising sentiments are blatantly manifested through satire »[31]. Pour Harriet Blodgett, PNE est « [a] satire on symbol formation »[32]. Nathalie Rosinsky, quant à elle, considère que le roman, à travers la représentation de la secte matriarcale de Beulah, « savagely satirizes the gynocentric vision »[33] « [and] fringe elements within the feminist essentialist movement »[34].

Il ne fait aucun doute que cette dimension satirique est présente dans PNE. En revanche, il ne nous semble pas que cet aspect doive être particulièrement mis en relief car ce serait au détriment, peut-être, d’une analyse de la dimension proprement textuelle. L’omniprésence d’un rapprochement des idées de Carter avec certains éléments du texte contribue à une confusion entre le narrateur d’une part, l’instance narrative d’autre part et, enfin, la personne réelle de l’auteur.

A ce propos, l’article de Nathalie Rosinsky est assez révélateur : il y est constamment fait référence aux points de vue de Carter, de sorte qu’un va-et-vient continuel entre le texte et l’extratextuel en vient à court-circuiter le texte de littérature. D’une certaine manière, une telle approche tend à installer une fiction d' »auteur » qui serait en position de maîtrise totale face au texte littéraire qu’il produit. Des expressions comme « Carter presents essentialist views »[35] ou bien « Carter proceeds to demonstrate »[36] font exister l’auteur, élément extratextuel, au détriment de l’instance narrative et de la dimension textuelle[37].

En tout état de cause, il nous semble que la référence constante au niveau idéologique ne fait que prendre le texte comme support et prétexte à une digression ; le risque en est d’évincer partiellement ce qui est de sa dimension littéraire. C’est le cas de l’article de Nathalie Rosinsky qui, par ailleurs, fait allusion de manière pertinente (quoique erronée puisqu’elle fait intervenir l’auteur réelle) à la question de la fiabilité du narrateur, Evelyn, et qui pose, de manière détournée, la question du « qui parle ? » qui se trouve au cœur du roman : « Someone —perhaps Eve, perhaps Carter herself— concludes that “the vengeance of sex is love” (191) »[38].

En outre, l’omniprésence de la référence idéologique (« Beulah’s zeal to eliminate all things male is wrong-headed to Carter »[39]) n’est peut-être pas étrangère au manque de prise de distance par rapport aux dires du narrateur à la première personne :

The Passion is set in America during the turmoil of the sixties as blacks and women rise up in militant protest. The book’s rationale is declared near the outset: « Our external symbols must always express the life within us … since that life has generated them » and therefore « A critique of these symbols is a critique of our lives »[40].

Qu’est-ce qui explique que l’élément satirique soit si souvent privilégié, contrairement à l’élément intratextuel qu’est la parodie par exemple : « The Passion of New Eve savagely satirizes the gynocentric vision that Call Me Ishtar merely[41] parodies »[42] ?

Linda Hutcheon affirme que la satire « a pour but de corriger certains vices et inepties du comportement humain en les ridiculisant. Les inepties ainsi visées […] sont presque toujours morales ou sociales et non pas littéraires »[43].

En se concentrant sur l’élément satirique qui transparaît dans PNE, la question de l’énonciation est laissée de côté. Il ne reste qu’un dialogue figé entre un émetteur d’idées, Carter, et un récepteur qui va reconnaître et décoder ces idées. Bien que cet échange ait l’apparence d’un dialogue, il relève plutôt d’une dimension « monologique » en ce sens qu’il présente ce que Julia Kristeva a appelé, dans son avant-propos à La poétique de Dostoïevski de Bakhtine,  » un “je” stable qui serait le “je” de l’auteur monologique »[44].

Une des dominantes de la fiction cartérienne est probablement le doute et l’incertitude introduits par la multiplicité des voix discursives. Or, dans un mouvement inverse, la référence constante au mouvement féministe ainsi qu’au positionnement idéologique de Carter pour éclairer sa fiction installe « une instance suprême qui assurerait la vérité de cette confrontation de discours »[45].

Il nous semble que le terme de « monologisme » marque bien l’univocité installée par les références extratextuelles permanentes : la personne de l’auteur prenant toute la place, le texte s’en trouve quelque peu relégué à l’arrière-plan, masqué ; le « risque » est que l’impasse finisse par être faite sur les différentes voix que représentent les personnages et l’instance narrative.

La littérature, d’une manière générale, invite plutôt aux interrogations et aux incertitudes et suscite la confrontation : elle ne saurait être un univers fermé par le monde des idées, et d’où rien ne fuirait. C’est dans ce cadre que nous pouvons montrer en quoi la satire se distingue de la parodie.

Linda Hutcheon a montré que la satire est « investie d’une intention de corriger »[46] certains comportements, plaçant ainsi l’auteur au cœur du procédé. Ainsi, en s’attachant à la dimension satirique d’un texte, le critique fait, pour ainsi dire, exister l’auteur comme référence ultime, univoque, par delà les différentes instances discursives du texte. L’auteur devient cette « troisième personne » de référence comme dit Kristeva[47], une sorte de « il » ou de « elle » tout puissant qui tend à éluder la pluralité des voix discursives[48]. Nous pouvons effectuer un parallèle avec l’analyse que fait Roland Barthes de « je » qu’il appelle le « shifter par excellence »[49]. Contrairement à « il » et « elle », qui n’appartiennent pas à la catégorie des opérateurs d’incertitude que sont les « shifters », les « shifters » aménagent des « fuites d’interlocution »[50]. Ainsi, nous pouvons nous demander si, à travers la référence continue à Carter et au féminisme, il ne s’agirait pas de combattre ce que Barthes appelle les « fuites de subjectivité »[51] qui font peur en les colmatant par ce « elle »[52]. Cette approche monologique implique un point de vue et un univers clos qui s’écartent en tous point du dialogisme bakhtinien.

Dans une perspective différente, s’intéresser à la dimension de parodie par exemple permet de rester dans le texte, et nous emmène loin des contrées du monologisme : en effet, les références à l’intertexte et l’intratexte par exemple, permettent d’introduire du jeu (dans les deux sens du terme) dans la lecture et l’écriture, en ré-introduisant du texte. La parodie installe également une coupure, tant au niveau du texte que de la lecture, et donc une dimension de subjectivité.

Dans l’analyse textuelle, il s’agit de prendre en compte la division inhérente au sujet parlant et au langage. C’est une dimension que le discours idéologique tend à omettre, et que la critique cartérienne prend elle-même peu en compte. Les commentaires extratextuels émis par la critique mettent en place une relation d’ordre imaginaire faite d’un auteur qui vise une cible par texte interposé, sans, semble-t-il, prendre en compte la coupure inhérente à tout acte de langage.

Kristeva présente le monologisme comme « blason du discours représentatif »[53] : si l’on estime que le langage n’est pas fait pour représenter le monde , mais pour tenter d’approcher un indicible, un impossible, il convient de « brise[r] aussi l’identité idéologique des énoncés et du texte en général, c’est-à dire la construction d’une idéologie (identique à elle-même) »[54].

Ainsi, à la suite de cette perspective bakhtinienne exposée par Julia Kristeva, il nous apparaîtrait réducteur de ramener la fiction cartérienne et, en particulier, PNE, à une simple question de représentation de telles ou telles idées de l’auteur ou de la mouvance féministe.

C’est pourquoi nous considérerons PNE dans le sens d’un texte « polyphonique » ainsi que l’entend Bakhtine. Kristeva, reprenant Bakhtine, présente le texte polyphonique comme « un dispositif où les idéologies s’exposent et s’épuisent dans leur confrontation, […] sont morcelées dans l’espace intertextuel —dans l’“entre” des “je”-s— »[55].

C’est la raison pour laquelle il nous apparaît essentiel de ne pas enfermer l’œuvre fictionnelle d’Angela Carter dans l’enclos idéologique d’une part, et féministe d’autre part[56].

Il est vrai qu’une fois ces éléments sur le rapport de la critique cartérienne et de l’idéologie posés, nous ne pouvons pas faire semblant et passer sous silence l’un des recueils d’essais de Carter, SW. Dans ce cas, Carter devance la critique et lui donne du grain à moudre en matière d’idéologie.

Bien que le recueil d’essais vienne chronologiquement après PNE, nous avons choisi de voir non pas comment, de la fiction, pouvait émerger un discours idéologique comme but ultime de la fiction littéraire, mais plutôt dans quelle mesure l’idéologie ne résout rien, mais peut peut-être problématiser la fiction. Lorna Sage affirme que « The Sadeian Woman strips off the idea enacted as fiction in New Eve, and presents them nakedly as arguments »[57]. Il n’est pas certain que l’essai de Carter soit aussi dépouillé que l’adverbe « nakedly » le suggère. Nous essaierons donc de voir dans quelle mesure, dans la dimension de fantasme qu’il recèle, il peut relancer la fiction.

[1] « Féministe, Angela Carter dénonce une société où “la femme n’avait d’autre fonction que celle d’exister et d’attendre”  » (Christine Jordis,  » “Lorsqu’elle souffre, elle existe” : Angela Carter », De petits enfers variés. Romancières anglaises contemporaines, Paris, Seuil, 1989, p. 164).

[2] « She was, of course, one of Virago’s fairy godmothers » (Lorna Sage, op. cit., p. 23).

[3] Par exemple, Lorna Sage considère PNE comme « an allegory of the painful process by which the 1970s women’s movement had had to carve out its own identity from the unisex mould of 1960s radical politics » (Angela Carter, Plymouth: Northcote House, 1994, p. 35). Ou bien encore, Patricia Duncker affirme, à propos de The Bloody Chamber : « [it] carries an uncompromisingly feminist message » (« Re-Imagining the Fairy Tales: Angela Carter’s Bloody Chambers », Literature and History X/1 (Spring 1984), p. 12). Brooks Landon a vu dans la fiction de Carter « an attempt to construct a feminist mythology » (« Eve at the End of the World: Sexuality and the Reversal of Expectations in Novels by J Russ, A. Carter, and T. Berger. » In Erotic Universe: Sexuality and Fantastic Literature, Donald Palumbo ed., Connecticut, Greenwood Press, 1986, p. 70). De tels exemples sont nombreux ; nous avons choisi de n’en mentionner que quelques uns pour illustrer notre propos.

[4] La théorie de « sexual politics » ainsi que l’a définie Kate Millett se dessine en toile de fond. Le terme « politics » fait référence à « power-structured relationships, arrangements whereby one group of persons is controlled by another » (Sexual Politics (1969), London, Virago Press, 1983, p. 23).

[5] Nous citerons à ce propos, Feminist Readings/Feminists Reading, dans lequel les textes de Carter figurent aux côtés de ceux de Margaret Atwood et d’Alice Walker, Feminist Fiction, dans lequel Carter côtoie Ursula LeGuin comme auteurs de « feminist fantasy », ou bien encore (Un)Like Subjects, qui examine des textes littéraires écrits par des femmes à la lumière des théories féministes de Luce Irigaray et d’Hélène Cixous. Nous pouvons nous poser la question de savoir si Carter se serait reconnue dans tous les différents membres de cette filiation.

[6] Michelene Wandor ed., On Gender and Writing, London, Pandora Press, 1983.

[7] Michelene Wandor demandait à plusieurs écrivains ce qu’il en était de « the impact which feminism had had on her/his thinking and writing —choices of subject, choices of form and language, awareness of audience » (op. cit., p.1). Elle leur demandait d’aborder « the broader question […] about whether and how the gender of a writer has any impact on her/his choices of subject, approach, etc » (ibid., p. 2).

Pour la notion de « gender », nous renvoyons au point de vue féministe de Sally Robinson : « Any subject […] is marked by gender, race, class, and other cultural differences. The mechanisms of that marking are the means by which one becomes a woman […]. Gender, thus, can be conceived as a system of meaning, rather than a quality « owned » by individuals » (Engendering the Subject, Albany, State University of New York Press, 1991, p. 1). Elle précise son point de vue en faisant référence à Judith Butler : « Gender is a “doing” rather than a “being”  » (op. cit., p. 9).

[8] Carter, « Notes from the Front Line », op. cit., pp. 69-70.

[9] Nous ne nous interrogerons pas ici sur les critères qui font que l’on peut qualifier un écrit de féministe. A ce sujet, nous renvoyons à l’article de Rosalind Coward « Are women’s novels feminist novels? » (Coward, In The New Feminist Criticism, Elaine Showalter ed., London, Virago Press, 1986, pp. 225-239) qui, dans le cadre de la théorie littéraire féministe, a mis sur la sellette l’équation que certaines maisons d’éditions et écrivains féministes ont pu faire entre l’appartenance biologique au sexe féminin et le qualificatif de féministe.

[10] Carter, ibid., p. 71.

[11] Gamble, Angela Carter: Writing from the Front Line, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1997, p. 98.

[12] Lorna Sage rapporte les termes d’une lettre que lui avait envoyée Carter alors qu’elle enseignait à Albany : « The only snag is the Women’s Studies dept., which is truly terrifying —really hard line radical feminists, who have virtually boycotted me » (Sage, ibid., p. 41).

[13] The Sadeian Woman (1979), London, Virago Press, 1984.

[14] Pour ce débat sur la pornographie qui agite, encore aujourd’hui, le milieu féministe, je renvoie au livre de Nadine Strossen Defending Pornography et sa condamnation de ce qu’elle appelle les « MacDworkinites » as « quickfix puritans, Orwellian in their intentions and stalinist in their methods ». Son ouvrage est une réponse délibérément provocatrice à l’extrémisme d’Andrea Dworkin d’une part, et au livre de Catherine MacKinnon Only Words d’autre part. Elle s’y s’oppose à leur caractère puritain et leur affirmation que la femme n’est rien d’autre qu’une victime passive, non seulement en ce qui concerne la pornographie, mais également dans les relations sexuelles hétérosexuelles.

[15] Carmen Callil, « Flying Jewellery », The Sunday Times, 23 February 1992, p. 6.

[16] Andrea Dworkin a considéré SW comme « a pseudofeminist literary essay » (Dworkin, Pornography: Men Possessing Women, London, The Women’s Press, 1981, p. 84) et a été particulièrement virulente contre Carter, estimant qu’elle ne prenait pas en compte les atrocités endurées par les victimes. Sarah Gamble met bien en évidence comment les deux points de vue de Carter et de Dworkin sont incompatibles, à travers l’analyse respective de l’épisode Rose Keller relaté dans Sade : « While Dworkin is passionate in her defence of the female victim of the sex crime, Carter steadfastly refuses to regard such women as victims at all » (Gamble, op. cit., p. 100).

[17] L’exagération ne serait-elle pas, pour Carter, la seule réponse possible à l’exagération de Sade et à celle de féministes comme Dworkin ?

[19] Nicci Gerrard, « Porn in the USA », The Observer, Référence perdue et recherchée.

Il semble en effet qu’il est impossible de concilier la liberté de ton et le plaisir évident de Carter à s’intéresser aux questions de sexualité, et ce qu’il faut bien appeler un certain puritanisme de personnes qui ont réussi à faire retirer une brochure sur l’éducation sexuelle parce qu’elle était trop explicite, ou bien encore jugeaient une reproduction de la « maya desnuda » de Goya sexiste si on l’exposait en public.

[21] Carter, « The Language of Sisterhood », Leonard Michaels and Christopher Ricks, eds.,The State of the Language, Berkeley, University Press of California, 1980, p. 231.

[22] « Spacks endeavours to assess the feminine essence of women’s writing » (Sue Spaull, Feminist Readings/Feminists Reading, Charlottesville, University Press of Virginia, 1989, p. 87). Quant à Showalter, elle examine en quoi l’écriture féminine, c’est-à dire, à ses yeux, celle écrite et lue par des femmes, est spécifique. Pour les différents courants de l’analyse féministe, je renvoie au livre de Toril Moi Sexual/Textual Politics: Feminist Literary Theory (London, Methuen, 1985) et à l’ouvrage collectif Feminist Readings/Feminists Reading (Sara Mills and Lynne Pearce ed., Charlottesville, The University Press of Virginia, 1989).

[23] Sage, ibid., p. 32. « The whole idea is very tentative at the moment, obviously. I suppose I am moved towards it by the desire that no daughter of mine should ever be in a position to be able to write: BY GRAND CENTRAL STATION I SAT DOWN AND WEPT, exquisite prose though it might contain. (BY GRAND CENTRAL STATION I TORE OFF HIS BALLS would be more like it, I should hope.) » (Carter citée par Sage, ibid., p. 32). (Les majuscules sont de Carter.)

[24] Jordan, « The Dangerous Edge », Lorna Sage ed, Flesh and the Mirror, London, Virago Press, 1994, p. 190.

[27] Nous renvoyons aux réponses incisives et sans concession faites, à plusieurs reprises, par Elaine Jordan aux attaques proférées contre Carter par, entre autres, Robert Clark, Suzanne Kappeler ou Patricia Duncker. Nous noterons que les différents articles de Jordan sont le reflet de la propre animosité de Carter à propos de ces critiques : « if I can get up Suzanne Kappeler’s nose, to say nothing of the Dworkin proboscis, then my living has not been in vain » (citée par Elaine Jordan, ibid., p. 332).

[28] Bayley, « Fighting for the Crown », The New York Review of Books, 23 April 1992, p. 10.

[29] Carter, « The Language of Sisterhood », op. cit., p. 226. Cet article de Carter met bien en évidence sa position quant au féminisme : nous pouvons y lire à la fois, la manière dont elle s’inscrit dans la mouvance féministe et comment elle s’en écarte.

[30] Linda Hutcheon, « Ironie, satire, parodie », Poétique 46, Seuil, p. 143.

[32] Blodgett, « Fresh Iconography: Subversive Fantasy by Angela Carter », The Review of Contemporary Fiction, Fall 1994, p. 50.

[33] Rosinsky, Feminist Futures: Contemporary Women’s Speculative Fiction, Michigan, UMI Research, 1982, p. 11.

[37] Nous préciserons qu’à cet égard, cet article n’est pas isolé : « For the New Eve, it finally becomes apparent, is not only Evelyn transformed but Carter herself » (Blodgett, op. cit., p. 51).

Je renvoie à l’analyse des pronoms personnels que fait Benvéniste, à l’analyse qu’il fait du « il » par opposition au couple je/tu et, en particulier, comment la « troisième personne » comme « non-personne est le seul mode d’énonciation possible pour les instances de discours qui ne doivent pas renvoyer à elles-mêmes » (Benvéniste, Problèmes de linguistique générale, 1, Paris, Gallimard, 1966, p. 255).

Cornel Bonca considère également que les textes critiques sur l’œuvre de Carter « squeeze them into ideological frameworks (feminism, postmodernism, etc.) without giving her books much room to breathe » (Bonca, « In Despair of the Old Adams: Angela Carter’s The Infernal Desire Machines of Dr. Hoffman », The Review of Contemporary Fiction, Fall 1994, p. 57).

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