Effets de l’administration combinée de budésonide et surfactant sur la morbidité respiratoire à court terme du nouveau-né extrême prématuré

Le syndrome de détresse respiratoire (SDR)

La pathologie respiratoire est la complication de la prématurité la plus fréquente. Le syndrome de détresse respiratoire (SDR) ou maladie des membranes hyalines (MMH) est dû à un déficit quantitatif et qualitatif en surfactant. Le surfactant pulmonaire est un complexe protéo-lipidique qui, par ses propriétés tensioactives, prévient le collapsus alvéolaire lors de l’expiration, induit et maintient la capacité résiduelle fonctionnelle dès la naissance, et contribue aux échanges gazeux. Sa production par les pneumocytes de type II suit le développement pulmonaire et a lieu principalement durant le 3ème trimestre de la grossesse. Le cortisol et les hormones thyroïdiennes stimulent la synthèse de surfactant alors que l’insuline l’inhibe. La corticothérapie anténatale par une administration de glucocorticoïdes de synthèse (bétaméthasone, dexaméthasone) chez la mère lors de situations à risque de naissance prématurée, accélère la maturation pulmonaire fœtale, stimule la synthèse et la libération de surfactant, et réduit ainsi l’incidence et la sévérité du SDR . Le traitement du SDR repose, d’une part sur la mise en place précoce dès la salle de naissance d’un support ventilatoire adapté à la sévérité des troubles respiratoires, et, d’autre part, sur l’administration de surfactant par voie endo-trachéale. Le support ventilatoire peut être, pour les formes modérées, une pression positive continue nasale (PPCN), ou une ventilation mécanique invasive (VM) dans les formes sévères. L’utilisation précoce de la PPCN, dès les premières minutes de vie en salle de naissance favorise l’installation d’une capacité résiduelle fonctionnelle suffisante, stabilise les voies aériennes et prévient le dérecrutement des petits espaces alvéolaires, limite les efforts respiratoires, favorise la résorption du liquide pulmonaire, améliore l’oxygénation et diminue le recours à la VM . Ainsi, l’utilisation de PPCN prévient l’évolution du SDR vers la dysplasie bronchopulmonaire (DBP). L’administration endotrachéale de surfactant est le traitement étiologique du SDR. Le recours au surfactant concerne environ 80 à 90 % des enfants nés extrême prématurés. Plusieurs techniques sont utilisées pour administrer le surfactant : la méthode classique après intubation nasotrachéale suivi d’une VM ; la méthode INSURE (INtubation SURfactant Extubation) consistant en l’administration de surfactant après intubation trachéale et une brève ventilation manuelle ou mécanique (< 1h) suivie d’une extubation rapide et d’une mise sous PPCN; pour la méthode LISA (Less Invasive Surfactant Administration) le surfactant est administré à l’aide d’un fin cathéter intra-trachéal chez un enfant en ventilation spontanée sous PPCN. Une méta-analyse récente portant sur près de 6000 nouveau-nés prématurés d’AG < 33 SA a montré que l’instillation de surfactant par méthode LISA ou INSURE diminuait le recours précoce à la VM et permettait une diminution significative du risque de DBP ou décès à 36 SA d’âge corrigé (36 SA d’AC) (OR 0,49 ; IC 95% [0,30-0,79]). Les recommandations européennes les plus récentes sont donc la mise en place d’une PPCN précoce et l’instillation rapide de surfactant pour les enfants présentant un SDR en privilégiant l’administration la moins invasive possible.

La dysplasie broncho-pulmonaire (DBP)

Le SDR évolue souvent vers une pathologie respiratoire chronique, la dysplasie broncho- pulmonaire (DBP). Cette dernière est communément définie par la persistance d’une oxygénothérapie ou d’un support ventilatoire à 36 SA d’AC. Son incidence reste élevée en dépit d’importantes avancées dans la prise en charge périnatale aux termes très précoces, notamment la corticothérapie anténatale, l’administration de surfactant exogène et l’utilisation de plus en plus large d’un support ventilatoire non invasif (PPCN). Cela s’explique en partie par une prise en charge croissante et une amélioration parallèle de la survie d’enfants très immatures. Son incidence varie selon les centres et la définition utilisée, avec des chiffres pouvant aller de 25% à plus de 75% selon les cohortes. Selon l’étude française EPIPAGE 2, à 36 SA d’AC, r. La physiopathologie de la BDP est complexe, résultant de l’action de plusieurs facteurs anté- et post-nataux. De nombreux facteurs de risque sont décrits, tels que le sexe masculin, l’AG de naissance < 28 SA, le petit poids pour l’AG (PAG), l’origine caucasienne, la chorioamniotite, l’absence de corticothérapie anténatale, le tabagisme maternel . Une VM prolongée, une exposition prolongée à l’hyperoxie, la dénutrition néonatale, la persistance d’un canal artériel significatif, les évènements infectieux/inflammatoires (infection secondaire, entérocolite ulcéronécrosante (ECUN)) concourent également au développement de la DBP. L’inflammation joue un rôle déterminant. Elle peut être précoce, dès la période périnatale (SDR sévère, naissance dans un contexte de chorioamniotite…) et/ou secondaire à l’hyperoxie, la VM prolongée et agressive, les épisodes infectieux. L’hyperoxie, avec notamment la production de radicaux libres, l’hypoxémie, le volotraumatisme entrainent l’apparition d’un infiltrat pulmonaire composé de neutrophiles, un œdème alvéolaire et une inflammation pulmonaire.
Cette inflammation entrave l’alvéolarisation et le développement de la vascularisation pulmonaire faisant le lit de la DBP (« neonatal lung injury » hypothesis) .
La DBP a des conséquences à court et long terme. A court terme elle peut conduire au décès précoce de l’enfant, prolonge la durée d’hospitalisation et s’associe à une plus grande fréquence d’infections secondaires (notamment par le Virus Respiratoire Syncytial (VRS)) et de rétinopathie. A long terme, elle prédispose aux infections respiratoires durant l’enfance et altère de manière permanente les fonctions respiratoires à l’âge adulte. A long-terme, ces enfants sont plus à risque de développer des complications telles que l’hypertension artérielle, l’asthme, la Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO), ou une dysfonction ventilatoire. Ces complications peuvent conduire vers une insuffisance respiratoire chronique . Elle est également associée à un retard des acquisitions psychomotrices et augmente le risque de paralysie cérébrale .

Glucocorticoïdes et dysplasie broncho-pulmonaire

Les stratégies médicamenteuses limitant l’inflammation ont montré leur efficacité dans la prévention et le traitement des évènements aigus de la DBP. Les glucocorticoïdes de synthèse administrés par voie systémique sont les principales molécules étudiées. L’efficacité des corticoïdes par voie systémique sur l’inflammation pulmonaire, secondaire à la prématurité et la ventilation invasive, est indéniable mais son utilisation est limitée par ses effets secondaires à court et à long terme, notamment neurocognitifs et sensoriels . Les principaux effets secondaires décrits à court terme étant l’hyperglycémie, l’hypertension artérielle, le risque augmenté de perforation digestive et de sepsis secondaire, un ralentissement de la croissance staturo-pondérale, et notamment du périmètre crânien . A plus long terme, la corticothérapie est associée à un risque élevé de paralysie cérébrale, de cardiomyopathie hypertrophique et de retard de croissance staturo-pondérale. Les méta-analyses récentes montrent des effets bénéfiques de l’administration précoce de glucocorticoïdes (déxaméthasone ou béthaméthasone) durant la première semaine de vie avec une diminution des échecs d’extubation, une diminution du risque de DBP à 28 jours de vie et à 36 SA d’AC, une diminution du traitement pour persistance du canal artériel et de l’incidence de la ROP .
Mais ce bénéfice est contrebalancé par des effets adverses à court et long terme tels qu’une augmentation des perforations intestinales, des épisodes d’hyperglycémie, de la fréquence de l’hypertension artérielle systématique, de cardiomyopathie hypertrophique et de retard de croissance staturo-pondérale. A long terme, ce traitement est associé à un risque accru de troubles neuro-cognitifs et de paralysie cérébrale (RR 1,42 ; IC 95 % [1,06 – 1,91]) . Ces effets sont moindres lors d’une administration tardive avec des doses limitées de glucocorticoïdes . En France, selon le rapport de l’AFSSAPS en 2010, la corticothérapie postnatale ne peut être envisagée qu’en traitement de secours, après les trois premières semaines de vie, chez les très grands prématurés dépendants d’une ventilation mécanique, dans le but d’aider à l’extubation ou d’éviter une réintubation secondaire liée à la sévérité de la DBP .
D’autres glucocorticoïdes ont été étudiés, tel que l’hémisuccinate d’hydrocortisone. Ce traitement, administré à faible dose, précocement dès le premier jour de vie, et durant environ 10 jours, a été proposé pour prévenir la DBP. Les méta-analyses récentes  montrent un effet bénéfique modéré sur la survie sans BDP (RR 1,13 ; IC 95 % [1,01 – 1,26]) avec toutefois une augmentation de la prévalence de sepsis secondaires et de perforations digestives (OR 2.50; IC 95% [1.33 – 4.69]); (RR 1,69 ; IC 95% [1.07 – 2.68]). Ses effets adverses, en particulier neurologiques, semblent néanmoins moins sévères que les glucocorticoïdes de synthèse .
Enfin, des glucocorticoïdes administrés par voie locale (aérosols) (budésonide, béclométhasone) ont également été évalué chez l’enfant prématuré . L’étude de Bassler et al., la dernière en date, , a comparé les effets d’une administration précoce et prolongée de budésonide inhalé dès les vingt-quatre premières heures de vie à un placébo chez 863 enfants d’AG compris entre 23 et 27+6 SA (19–21). Les auteurs ont montré une diminution de l’incidence de la DBP à 36 SA d’AC (RR 0.74; IC 95% [0.60 – 0.91]) mais également une augmentation inattendue de la mortalité chez les enfants ayant reçu du budésonide inhalé. A deux ans, il n’y avait pas d’augmentation des troubles du neuro-développement . Une méta-analyse de la Cochrane regroupant 11 essais randomisés ne montrait pas de diminution significative de l’incidence de la DBP chez les patients recevant une corticothérapie inhalée dans les deux premières semaines de vie et son utilisation n’est pas recommandée .
Dans la revue de la Cochrane publiée en 2017, les auteurs concluent qu’il n’existe aucune preuve que les corticostéroïdes inhalés confèrent des avantages nets par rapport aux corticostéroïdes systémiques. Les glucocorticoïdes inhalés n’ont donc pas leur place dans la prévention ni dans le traitement de la DBP en pratique courante. Parallèlement, les auteurs concluaient qu’il serait intéressant de trouver un meilleur système d’administration garantissant l’acheminement sélectif des corticoïdes inhalés vers les alvéoles distales. Et c’est en cela que l’association surfactant – budésonide est novatrice.

Combinaison surfactant et Budésonide

L’association de glucocorticoïdes à action locale au surfactant utilisé dans la prise en charge du SDR de l’enfant prématuré a été proposée pour prévenir la survenue d’une DBP . Ainsi, l’instillation endotrachéale combinée de budésonide et de surfactant, pourrait, par son action locale, inhiber l’inflammation pulmonaire et ainsi prévenir la DBP, en évitant les effets adverses de la corticothérapie systémique. Deux études randomisées réalisées chez des enfants prématurés avec un poids de naissance < 1500 g présentant un SDR sévère ont montré une réduction significative de la DBP et/ou décès de 36 % (RR 0,6 ; IC 95% [0,49 – 0,74]). Les données expérimentales chez l’animal immature montrent également une diminution de l’inflammation pulmonaire et une amélioration des fonctions respiratoires à court terme . Dans cette configuration, le surfactant joue le rôle de « vecteur » et accroît la diffusion du budésonide dans les voies respiratoires . Le mélange surfactant/budésonide est stable pendant plus de 24 heures à température ambiante et le mélange est facile à préparer au lit du patient. Le budésonide n’altère pas les fonctions tensio-actives et l’efficacité du surfactant aux doses actuellement étudiées (< 1 mg/kg/dose) . Le budésonide a une affinité 200 fois supérieure à celle du cortisol pour le récepteur aux glucocorticoïdes . Du fait de ces caractéristiques biochimiques et de sa liposolubilité, une grande partie du budésonide est retenue localement dans le tissu pulmonaire par la constitution d’esters de budésonide suite à une interaction avec les acides oléiques et palmitiques cellulaires. La dé-estérification du poumon augmente d’ailleurs les concentrations de budésonide pulmonaire de près 40 % . La demi-vie dans le poumon de fœtus d’agneau est estimée à environ 4 heures ; 3 % du budésonide est retrouvé dans le poumon 6 heures après administration de budésonide et 0,4 % 24 heures après . Une très faible quantité de budésonide franchit la barrière alvéolo-capillaire. Administré en combinaison au surfactant, moins de 5% du budésonide se retrouve dans la circulation systémique ; il est alors rapidement métabolisé au premier passage hépatique par les enzymes CYP3A, et éliminé ensuite par voie urinaire. La ½ vie plasmatique est d’environ 4 heures et les concentrations sanguines sont quasi nulles 24 heures après administration trachéale. Concernant la distribution du budésonide, les données issues de l’expérimentation animale montrent une faible distribution dans les tissus périphériques en particulier le cerveau . Les facteurs influençant la pharmacocinétique sont peu connus et peuvent inclure : la posologie utilisée, le métabolisme, probablement le degré d’immaturité, la sévérité de la pathologie pulmonaire. Les études expérimentales et cliniques en cours ou déjà publiées, ont utilisé des doses de 0,250 mg/kg/dose de budésonide. Or, une étude récente menée chez des enfants extrêmes prématurés suggère néanmoins qu’une faible dose de budésonide (de 0,025 à 0,100 mg/kg/dose) combinée au surfactant peut avoir des effets systémiques métaboliques minimes . Ainsi, les doses de budésonide actuellement étudiées (0,250 mg/kg) pourraient également entrainer ces effets secondaires chez un enfant extrême prématuré au métabolisme limité.
La posologie optimale de budésonide, en terme de tolérance et d’efficacité, reste donc à déterminer chez ces enfants vulnérables, d’autant plus que l’amélioration de l’organisation des soins périnataux et des traitements mis en place ces dernières années (corticothérapie anténatale, PPCN précoce, clampage retardé du cordon…) ont déjà permis de diminuer la sévérité du SDR .

Table des matières

I. INTRODUCTION 
I.1. Le syndrome de détresse respiratoire (SDR)
I.2. La dysplasie broncho-pulmonaire (DBP)
I.3. Glucocorticoïdes et dysplasie broncho-pulmonaire
I.4. Combinaison surfactant et Budésonide
II. OBJECTIF DE L’ÉTUDE 
III. MATÉRIEL ET MÉTHODE
III.1. Population étudiée
III.2. Protocole
III.3. Définition des variables
III.4. Statistiques
IV. RÉSULTATS
IV.1. Caractéristiques périnatales des 2 groupes d’enfants
IV.2. Budésonide combiné au surfactant : morbidité respiratoire à court et moyen terme
IV.3. Budésonide combiné au surfactant : tolérance
V. DISCUSSION 
VI. CONCLUSION
VII.ANNEXES 
VIII. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 

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