Emmanuel Macron et l’Amazonie : communiquer sur un espace vivant, en danger et inter-étatique

Emmanuel Macron et l’Amazonie : communiquer sur un espace vivant, en danger et inter-étatique

La forêt amazonienne en France : la Guyane

La Guyane française est l’unique territoire européen en Amazonie. Il s’agit d’une collectivité territoriale de 270 000 habitants essentiellement concentrés sur le littoral dont le président est actuellement Rodolphe Alexandre. La Guyane est un territoire composé à 90% de forêt amazonienne, ce qui représente huit millions d’hectares, soit 1,5% de l’ensemble de la forêt amazonienne. 34 000 km2 de cette forêt constitue le Parc amazonien de Guyane, l’un des dix parcs nationaux de France. Créé en 2007, il intègre les communes de Camopi, Saül, Maripa-Soula, Papaïchton et Saint-Elie. Il a pour vocation de préserver un massif forestier abritant une biodiversité exceptionnelle. Il préserve et valorise la richesse des patrimoines culturels des populations amérindiennes, bushinengue, créoles… qui vivent sur le territoire . 4 Situation de la Guyane en Amazonie Si la Guyane n’est pas touchée par les feux de forêt, il ne s’agit pas moins d’une région dont la biodiversité est en danger. Le développement urbain rapide, l’ex- Le Parc amazonien de Guyane. Un parc national de caractère. Repéré à : http://www.parc- 4 amazonien-guyane.fr/fr/le-parc-amazonien-de-guyane/un-parc-national-de-caractere. 8 ploitation mal contrôlée des ressources marines et l’exploitation aurifère menacent grandement la forêt amazonienne guyanaise . L’orpaillage est pratiqué 5 de manière légale par des sociétés minières internationales, des petites et moyennes entreprises locales. En 2014 une quarantaine d’entreprises se partageaient la filière aurifère légale en Guyane : une trentaine de très petites entreprises, une dizaine de petites et moyennes entreprises et les multinationales : Newmont (Etats-Unis), Barrick (Canada), Reunion Gold (Canada), Nordgold (Russie), Columbus gold (Canada) et IAMGOLD (Canada). Fortement contestés, trois projets de mines industrielles ont vu le jour en Guyane dont deux ont été annulés. Le premier, le projet Cambior, avait été rejeté en 2008 par le président de la République Nicolas Sarkozy. Ce projet était situé sur la concession minière de Camp Caïman sur la commune de Roura, dans une zone rurale sur le flanc sud de la Montagne de Kaw. C’est dans un contexte de projet de création de parc national, le futur Parc amazonien de Guyane, que la société Cambior devenue IAMGOLD après fusion avec celle-ci, dépose ce projet de méga-mine à ciel ouvert. Le deuxième, la Montagne d’Or, a été abandonné en juin 2019. Emmanuel Macron estimait qu’il était incompatible avec les ambitions écologiques que la France s’est fixé. En 2015, alors ministre de l’économie, il avait pourtant affiché son soutien à cette mine industrielle. Ainsi, ce projet très médiatisé prévoyait le déboisement de 1513 hectares dont une part de forêt primaire. Le site était au moins peuplé par 2000 espèces végétales et animales dont 127 inventoriées étaient protégées . Selon la compagnie minière responsable de l’exploitation, 6 l’extraction de l’or aurait nécessité des milliers de tonnes d’explosifs et de cyanure et 195 millions de litres de fuel durant les 12 années années de vie du projet. Enfin, le troisième projet a vu le jour un an après l’abandon du projet Montagne d’or. Tout aussi contesté par les défenseurs de l’environnement et les peuples autochtones, il se nomme le projet Espérance. La Guyane est aussi victime de l’orpaillage illégal. La présence d’or en fait un territoire de prédilection pour les chercheurs d’or illégaux, appelés « garimpeiros » WWF. Guyane. Repéré à : https://www.wwf.fr/espaces-prioritaires/guyane. 5 6 WWF. Nouvelle chance de stopper la Montagne d’or. Repéré à : https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/concessions-montagne-dor. 9 en référence au taux très importants de chercheurs brésiliens. L’orpaillage illégal en Guyane est vecteur de fortes tensions sociales, d’insécurité, de problèmes environnementaux et sanitaires, de violences… Cette activité clandestine est responsable de pollution au mercure, de déstabilisation sociale (prostitution, apport de drogues, déforestation, violences envers les populations autochtones…) . 7 Elle est aussi une impasse pour les orpailleurs illégaux eux-mêmes, qui vivent dans des conditions misérables. Axel May a consacré un livre à cet orpaillage illégal, Guyane française, l’or de la honte. Déjà âgé de plus de dix ans, l’ouvrage décrit une situation très inquiétante et qui aujourd’hui ne s’est pas arrangée. Historiquement c’est dans les années 80 que cet orpaillage vient s’installer en Guyane. Au Brésil dans les années 60, la dictature mène un programme de colonisation de l’Amazonie brésilienne. Des agriculteurs venus des régions précaires du pays se tournent vers l’orpaillage artisanal face aux échecs de l’exploitation agraire. Puis à partir de 1985 une nouvelle ruée vers l’or débute dans l’Etat de l’Amazonie du pays. Face aux pressions des Etats occidentaux pour protéger la forêt et à la médiatisation des violences causées aux peuples amérindiens yanomani, le Brésil qui a mis fin à sa période de dictature en 1985, réprime violemment cet orpaillage . Cette répression et la vente des terres de l’Amapà aux 8 grands industriels de l’agronomie, obligent les garimpeiros à quitter le territoire brésilien et à émigrer vers le Suriname, le Guyana, le Vénézuela et la Guyane française. Ils apportent avec eux de nouvelles techniques qui sont par la suite adoptées par les orpailleurs bushinengués du Maroni tournés vers l’orpaillage 9 depuis la guerre civile au Suriname dans les années 80. Les pratiques des orpailleurs illégaux sont incontrôlables et génèrent de fortes dégradations environnementales : déforestation, abandon de déchets lourds, utilisation de mercure polluant les sols et l’eau pour plusieurs siècles, contami- May A. (2007). L’or de la honte. Paris. Broché. 7 Albert B, Le Tourneau F-M. (2005). Homoxi : ruée vers l’or chez les Indiens du yanomami du 8 haut rio Mucajai. Autrepart revue n°34 coéd. Autrepart-Institut de recherche pour le développement, p 3-28. Macdonald K. (2016). The geopolitic of gold in northern Amazonia, the extractive industries 9 and society, éd. Elsevier. 10 nant la flore, la faune et par répercussion les habitants du fleuve qui se nourrissent des poissons carnivores situés à la fin de la chaîne alimentaire. L’orpaillage illégal entraîne également des réseaux de prostitution, de drogues, d’immigration illégale, de vente d’armes… subit directement par les populations locales. C’est ce que montre un reportage de la Revue Z dans un hameau non loin du village Antecume-Pata, où les journalistes ont interviewé Aikumalé Alemin, un aide soignant wayana (une des ethnies amérindiennes présente en Guyane). Il explique que les garimpeiros « tirent sur tout ce qui bouge » et ne respectent non seulement pas les réglementations de protection de la biodiversité mais également les croyances amérindiennes. Ils « tuent à petit feu les jeunes wayanas » en les achetant avec de la drogue, terrorisent les habitants etc .

La forêt amazonienne 

La forêt amazonienne est la plus grande forêt fluviale au monde, elle abrite 10% des espèces sauvages de la Terre et 34 millions de personnes. Elle est repartie sur neuf pays : le Brésil (63 %), la Bolivie (6 %), le Pérou (10 %), la Colombie (7 %), l’Équateur (1,5 %), le Venezuela (6 %), le Guyana (3 %), le Suriname (2 %) et la Guyane française (1,5 %) . En fixant le carbone atmosphérique, elle est l’un des 11 puits de carbone de notre planète. Couper la forêt c’est réduire la capacité de notre environnement à réguler le climat mais c’est aussi libérer du CO2 emmagasiné par les arbres . 12 Historiquement au Brésil, deux périodes de conquête de la forêt amazonienne sont à distinguer. La première, jusqu’à la fin des années 1960 était non destructrice, la seconde jusqu’à aujourd’hui est « foncièrement prédatrice » . Dans un 13 premier temps, l’Amazonie était la zone géographique où l’on envoyait le trop plein démographique de certaines régions pauvres du sud et du sud-est. Dans son étude appliquée à saisir les enjeux stratégiques liés à ce qu’il qualifie de « tragédie amazonienne », Jean-Yves Carfantan souligne que c’est A partir des années Trente, et spécialement sous le président Getúlio Vargas, l’Etat brésilien a encouragé une ruée vers l’Ouest pour combattre la misère. C’est ainsi que, dès la Seconde guerre mondiale, le Brésil est devenu le principal fournisseur de caoutchouc des Alliés . 14 Suite au gouvernement de Vargas jusqu’en 1954, le régime militaire qui a pris le pouvoir pendant les dix années suivantes a amplifié cette politique soutenue par l’Eglise catholique. Ainsi, « jusqu’à la fin des années soixante, l’exploitation des ressources locales reste classique, au sens où la culture du latex ou du cacao sauvage, même si elle nuisait à la biodiversité, supposait le maintien d’un couvert forestier » . 15 Le tournant s’effectue dans les années 1970, avec l’ouverture de nouvelles voies de communication qui permettent de s’enfoncer profondément dans la forêt amazonienne, jusqu’alors restée inaccessible. Le gouvernement propose à cette époque à tout ceux qui le souhaitent de s’installer en Amazonie, « de défricher 50% d’une terre, d’en mettre le reste en valeur et surtout de s’y maintenir » et 16 d’espérer en devenir le propriétaire, si cette occupation n’est pas contestée. C’est le système d’usucapion. Les débuts d’une déforestation intensive est alors enclenchée. « La forêt devient un obstacle », explique Carfantan, « elle n’est plus une matière qu’on exploite ou qu’on replante, comme dans le cas du latex » . 17 Pour élever le bétail et cultiver en masse il faut la détruire définitivement. La politique de Jair Bolsonaro intensifie aujourd’hui l’exploitation de la forêt amazonienne par l’agro-industrie. Le président d’extrême droite ne soucie pas (ou peu, tant que sa politique n’impacte pas son commerce extérieur) de la préservation de la forêt. Cette vision envoie un signal positif à tous les fraudeurs qui exploitent la forêt en toute impunité. Selon le New York Times, de janvier 2019 à juillet 2019, ce sont près de 3.500 km² de forêt amazonienne qui ont été brûlé, de manière légale comme illégale . Cela représente une augmentation de 39 % 18 par rapport à la même période en 2018. La forêt est donc détruite pour être cultivée mais également pour la construction de barrages hydroélectriques (Petit Saut en Guyane) ou de projets miniers. La dernière catastrophe d’ampleur liée à un barrage minier date de janvier 2019 et a fait plus de 270 morts. La rupture du barrage de Brumadinho a libéré des millions de tonnes de résidus miniers provoquant une catastrophe écologique majeure dans toute la région. Comme nous l’avons vu pour la Guyane, la richesse de l’Amazonie se trouve aussi dans son sous-sol. L’or et les diamants y sont activement recherchés et exploités de manière légale et illégale polluant les rivières au mercure. Le pétrole est aussi exploité ainsi que d’autres métaux tels que le fer, le cuivre, la manganèse, le bauxite, le potasse ou l’étain. 

Le contexte diplomatique de l’été 2019

Les relations diplomatiques entre Emmanuel Macron et Jair Bolsonaro ont été des plus difficiles au cours de l’été 2019. Alors que la situation était mauvaise entre les deux présidents (liée à l’accord commercial entre les pays du Mercosur et l’Union européenne), les relations se sont envenimées suite au tweet d’Emmanuel Macron alarmant sur les feux de forêts en Amazonie. Tweet d’Emmanuel Macron, capture d’écran Le tweet appelant à la mobilisation des dirigeants étatiques était accompagné d’une photo. Révélée par Libération , cette photo n’illustrait pas des feux de 19 forêts actuels mais des feux bien plus anciens. Le photographe de ce cliché était en effet décédé depuis seize ans au moment du tweet Ce tweet précédait le G7 à Biarritz et ne visait pas directement Jair Bolsonaro selon le président de la République française. Avant lui, Antonio Guterres le Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unis (ONU), s’était lui aussi exprimé sur le sujet. « En pleine crise climatique mondiale, nous ne pouvons accepter davantage de dégâts sur une source majeure d’oxygène et de biodiversité », avait-il écrit. Le président brésilien avait réagi sur le même réseau social que son homologue français et s’était indigné du ton « colonialiste » du tweet d’Emmanuel Macron. « Lamentable que le président Macron instrumentalise une question intérieure au Brésil et aux autres pays amazoniens. Le ton sensationnaliste avec lequel il se réfère à l’Amazonie ne contribue en rien à régler le problème », écrit Jair Bolsonaro faisant référence à la photo erronée. Il adresse par la suite un deuxième tweet plus diplomate à Emmanuel Macron dans lequel il explique que « le gouvernement reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel ». Selon le président brésilien, les incendies auraient été déclenchés par des ONG qui souhaitaient « attirer l’attention » sur la suspension par le gouvernement des subventions à la préservation de l’Amazonie.

Table des matières

Résumé
Remerciements
Sommaire
Introduction
I. Une communication de circonstance
A. Crédibilité, légitimité et forme du discours
1. Présentation des supports de communication
2. Un contexte favorable à la prise de parole d’Emmanuel
Macron sur l’Amazonie
3. Un discours pédagogue et scientifique
B. Emmanuel Macron comme « sauveur de l’Amazonie »
1. L’omniprésence sur le sujet amazonien
2. La protection de la forêt pour le climat
3. L’opposition à Jair Bolsonaro
II. Une communication internationale pour un espace inter-étatique
A. Vers une internationalisation du poumon vert ?
B. La communication d’une vision développementaliste
III. La communication des autres acteurs
A. Pouvoirs locaux et ministères : les échos à la communication
du président de la république
1. Une communication macronienne
2. Les réseaux sociaux
B. La communication des associations
1. L’organisation de la campagne
2. La communication d’Emmanuel Macron : cible de la
campagne de Greenpeace France
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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