Entre mutation du territoire et exigences du marché les nouveaux enjeux des terres viticoles

Entre mutation du territoire et exigences du marché les nouveaux enjeux des terres viticoles

La production de vin est un marché très important pour la France. Selon le CNIV5, en 2018, le pays a produit 4,6 milliards de litres de vin ce qui correspond à 17 % de la production mondiale. La France 2ème producteur mondial de vin derrière l’Italie en volume. Ce marché connait néanmoins quelques fluctuations, notamment avec une légère baisse de la consommation. En moins de vingt ans, la consommation de vin en France a chuté de plus de 20% (OIV6). Par exemple, en 2016, chaque Français d’âge adulte consomme en moyenne 51,2 litres de vin, contre 71,5 litres en 2000, ce qui correspond à une chute de 28,4%, selon les statistiques de l’OIV. Ou encore, en volume, la consommation de la France s’est réduite de 21,7%. Le biologique en France connaît une croissance importante depuis quelques années (figure 3). Selon un rapport de l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), en huit ans la surface du vignoble biologique a presque quadruplé, passant de 14  600 hectares certifiés en  2007 à 57  000  hectares en 2015.  Le chiffre d’affaires des viticulteurs convertis en AB est en moyenne de 17 000 euros par hectare, soit 46 % de plus qu’en conventionnel, notamment grâce à des prix de vente supérieurs (de 10 % à 40 % selon les produits). Malgré un investissement qui coûte cher pour une conversion au biologique, l’augmentation de la demande en vin biologique permet d’obtenir un excédent brut d’exploitation (EBE) de 6 400 euros à l’hectare contre 3 700 euros pour les viticulteurs conventionnels soit presque le double (Insee, 2017).

Une conversion décidé par des convictions

Aujourd’hui sur le vignoble de Bourgueil, environ 30% des exploitants sont passés en agriculture biologique. De plus en plus de vignerons passent en biologique par conviction, mais également pour suivre la demande qui s’oriente de plus en plus vers le vin biologique. Le vigneron 1 nous explique « Aujourd’hui il y en a plein qui sont en conventionnel sur l’AOC et qui en veulent a ceux qui sont en bio puisqu’ils vendent plus. Il y a ce que j’appelle les bio convaincus et les bio marketing. On est plusieurs a passer au bio par conviction alors que d’autres passent au bio pour des raisons marketing…mais peut importe ça fait des surfaces de terres bio en plus, c’est le principal  ». Le passage au biologique n’est cependant pas une priorité pour tous les vignerons de Bourgueil. En effet cette conversion demande de nouveaux investissements et une période de conversion de trois ans. Par exemple, les vignerons approchant de la retraite n’ont pas forcément la volonté de passer au biologique. Au contraire, d’autres pensent que cette conversion est importante pour la transmission des terres. En effet, si des exploitants en AB désirent racheter des terres, ils chercherons des terres exploitées en biologique pour éviter d’être encore en conversion. «  lorsqu’ils commencent à approcher de la retraite les viticulteurs réfléchissent quand même à la transmission […] . Nous qui sommes en bio, si nous recherchons à racheter des vignes, ce sera des vignes en bio. Si ce n’est pas le cas, nous devrons être en conversion sur ces parcelles pendant trois ans  » (vigneron 3). Les vignerons de l’AOC ne se convertissent pas tous pour les mêmes raisons. Certains sont convaincus de la nécessité de passer à l’agriculture biologique tandis que d’autres le font plus par stratégie. Même si cette conversion n’est pas évidente pour tous les vignerons, elle va devenir de plus en plus commune dans les différents domaines viticoles. Les exploitants finiront peut-être par tous se convertir pour s’aligner sur la demande, qui tend à valoriser la production de vin issue de l’agriculture biologique.

La conversion des exploitants de l’AOC en agriculture biologique n’est pas sans lien avec le changement climatique. Les conséquences de ce changement se font déjà ressentir sur le fonctionnement de la viticulture. La hausse des températures oblige les vignerons à réorganiser le calendrier des récoltes, «  une augmentation de 1°C correspond à un décalage de 10 jours pour le début des vendanges » (Boquet 2006). Le changement climatique n’impacte pas seulement le calendrier, c’est la qualité du vin qui est menacée. Une récolte avancée modifie les caractéristiques du vin et notamment son degré d’alcool. Ensuite, depuis 1950, la bande géographique favorable à la culture du raisin s’est décalée de 80 à 240 km vers les pôles (Boquet 2006). Toutes ces modifications vont engendrer une remise en question des pratiques viticoles. Les exploitants vont devoir adapter leur méthode et leur production à un climat qui se modifie. Plus encore, l’identité du terroir est menacée puisque certains cépages, spécifiques à l’AOC, devront être délocalisés en prévention des sécheresses. Dans ce cas l’AOC pourrait être remise en question. Le changement climatique n’entraine pas forcément que des problèmes liés à la chaleur et la sécheresse. Aujourd’hui plus que jamais, certains vignerons souffrent de ce changement avec l’arrivée tardive de gelées au printemps. Ce phénomène ne détruit pas la vigne mais endommage le bourgeon, mettant en péril la production à venir. Les exploitants peuvent voir plusieurs hectares de vignes inutilisables suite à ces gelées et de ce fait avoir une production annuelle réduite. Un néo vigneron de Bourgueil fortement touché par ces aléas climatiques a du réduire sa surface viticole de deux tiers. Suite à cette baisse de production il a été contraint de monter une micro entreprise pour subvenir à ses besoins.

 

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