ETUDE MORPHOXYNTAXIQUE DES DEMONSTRATIFS AUX XVIXVII SIECLE

ETUDE MORPHOXYNTAXIQUE DES DEMONSTRATIFS AUX XVIXVII SIECLE

Le démonstratif

Etymologiquement le terme « démonstratif » est un mot qui montre, situe, désigne, c’est à dire qui localise partialement un référent dans la situation d’énonciation de l’occurrence. Il permet au locuteur et au destinataire d’établir une relation de différenciations par rapport à un référent. Ainsi, selon GENEVIEVE JOLY, les morphèmes démonstratifs sont des symboles indexicaux ou embrayeurs, c’est-à-dire des signes destinés à la désignation, à la l’identification d’un référent mais de telle façon que cette identification ne peut se faire qu’en tenant compte de la situation d’énonciation. Plus précisément, les mots démonstratifs sont des symboles indexicaux incomplets ou « opaques » puisque leur énonciation signale seulement qu’une référence est faite à un objet présent dans la situation de l’occurrence mais ne permet pas d’identifier directement le référent1 . De ce fait, le sens de ces particules du discours ne peuvent être compris qu’en se référant à l’environnement énonciatif du démonstratif, c’est-à-dire la nécessité d’y avoir recours toutes les fois où il s’agit d’établir le sens d’un mot, d’une phrase ou d’un énoncé. Toutefois, pour bien comprendre le mécanisme de ces parties du discours, il s’avère nécessaire d’expliquer certaines de leurs caractéristiques dans la phrase. 

 Utilisation du démonstratif 

Le démonstratif est classiquement reconnu comme déterminant un groupe nominal dont le référent est présent (physiquement ou linguistiquement) dans le contexte et (ou) focalisé. En effet, Selon Hélène Manuélian LORIA2 , les études théoriques identifient essentiellement quatre utilisations du démonstratif en français

 Utilisation en premier mention (déictique) 

Le référent est identifié dans le contexte immédiat, et l’expression est parfois accompagnée d’un geste ostensif afin que l’identification se fasse sans ambigüité : 1 JOLY, Geneviève (1998), Précis d’ancien français : Morphologie et Syntaxe, Armand Colin, Paris, p269. 2 LORIA, Hélène Manuélian, « une analyse des emplois du démonstratif en corpus », TALN 2003, Batz-sur-Mer, p11-14 10 « Il est question de te dire qu’une beauté me tient au, cœur, et qu’entrainé par ses appas, je l’ai suivie jusques en cette ville… » Molière, Dom Juan, Acte I, scène2, v135

 Utilisation coréférentielle anaphorique 

La reprise peut être fidèle ou non, mais les expressions utilisées pour désigner le référent entretiennent une relation lexicale comme (hypéronymie, hyponymie ou synonymie). – Reprise fidèle (ou directe) : la tête nominale de l’antécédent est identique à celle de l’anaphore : « Je vouldroy bien afin d’aiser ma peine Estre un Narcisse, et elle une fontaine Pour m’y plonger une nuict à sejour : Et vouldroy bien que ceste nuict encore Durast toujours sans que jamais l’Aurore D’un front nouneau nous r »allumast le jour. » Ronsard, Les Amours, XX, p32 -reprise indirecte : elle peut prendre les formes suivantes : -reprise par hyperonymie : la reprise contient un nom plus générique que l’antécédent « Un loup survient à jeun qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. « Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage 🙁 …) Tu la trouble, reprit cette bête cruelle ; … » Fontaine, Les Fables, le Loup et l’Agneau, 10, vers 5-17, p38 – Reprise par synonymie : la tête de l’antécédent n’est ni plus ni moins spécifique que la tête de l’anaphore, mais elle est différente : « J’aura toujours en haine plus que mort Le mois de Mai, le lyrre, et le sort Qu’elle écrivit susune verte feuille : J’aurai toujours cette lettre en horreur, … » Ronsard, Les Amours, XXVII, 

 Utilisation coréférentielle reclassifiante

 Dans ces utilisations, la tête nominale n’est pas impliquée directement dans l’identification du référent. Il n’y a pas de relation lexicale entre les têtes nominales des deux syntagmes : elle permet au locuteur d’émettre un jugement ou d’apporter une information nouvelle sur le référent ou d’utiliser une figure de style : 11 « Au bout de trente pas, une troisième troupe Trouve encore à gloser. L’un dit : ces gens sont fou ! Le baudet n’en peut plus ; il mourra sous leurs coups. Hé quoi ? Charger ainsi cette pauvre bourrique ! » Fontaine, Les Fables, Livre troisième, LE MENUSIER, SON ENFANT ET L’ANE, vers 32-35, p54 « « Ce diable de Pantagruel, qui a convaincu tous les ruseurs et bejaunes sophistes, à ceste heure aura son vin, car cest Angloys est un aultre diable de Vauvert. Nous verrons qui en gaignera » » François Rabelais, Pantagruel, ch. XVII, p101 « Avec un grand bruit et grand fracas Un torrent tombait des montagnes (…) Un seul vit des voleurs ; et, se sentant presser, Il mit entre eux et lui cette onde menaçante. » Fontaine, Les Fables, Ensuite, au sein d’une classe de référent ayant la même propriété, le démonstratif est à même de désigner une entité particulière : « Bien vrai est-il, ce dit Platon, prince des philosophes, que si l’imaige de science et de sapience estoit corporelle et spectacle es yeulx des humains, elle existeroit tout le monde en admiration de soy. Car seulement le bruyt d’icelle espendu par l’air, s’il est reçu es auréoles des studieux et amateurs d’icelles qu’on nomme philosophes ne les laisse dormir ny reposer à leur ayse ; … » Rabelais François, Pantagruel ch. XVIII, p96 « Bon homme, ces deux filles sont-elles pucelles ? Frère, dist il y a deux que ainsi je les port, et, au regard de ceste cy devant, laquelle je voy continuellement, en mon advis elle est pucelles ; toutefois, je n’en vouldroys mettre mon doigt au feu. Quand est de celle que je porte derrier, je ne sçays sans faulte rien » Rabelais François, Pantagruel, ch. XV, p84 Aussi, le syntagme nominal en premier mention et le démonstratif employé dans un phénomène de reprise ne sont pas nécessairement co-référentiels : « On n’attend pas même qu’on en demande et l’on court au-devant du souhait des gens : tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d’honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent. Mais c’est assez de cette matière. »Molière, Dom Juan, Acte I, scène 1, v10-13. 12 Enfin, les démonstratifs pouvaient être aussi anaphoriques. Puisque dans la mesure où la référence du pronom se base sur la présence antérieure d’une expression lexicale et déictique. « Au cuoeur d’un val, oiu deux ombrayes sart, Dans un destour, de loing j’avisay celle, Dont la beauté dedans mon cuoeur se cele,» Ronsard, Les Amours, XXVII, p106. En outre, la mise en contraste de ces différentes caractéristiques majeures nous servira encore plus de faire une vue d’ensemble du système démonstratif et de s’interroger sur les différents effets de sens et de styles qu’il peut avoir dans une phrase. 

 Les effets de sens et de styles 

L’emploi des démonstratifs se prête à de nombreux effet de sens et de style dans plusieurs discours prononcés par les personnes dans le texte. Ces effets sont : -une expression de la proximité dans le temps et dans l’espace : « Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ? Et même en ce moment ou ta bouche cruelle Vient si tranquillement m’annoncer le trépas. » Racine, Andromaque, Acte IV, scène5, vers 1365-1367 -une nuance possessive « Ce fils même, ce fils, l’objet de tant de soins, Si je l’avais sauvé vous l’en aimeriez moins »Racine, Andromaque, Acte II scène6, vers919- 920 -une nuance laudative ou péjorative selon le ton et le contexte (linguistique ou extralinguistique) peut être péjoratif ou laudatif. « (…) je rends grâce à Dieu, mon conservateur, de ce qu’il m’a donné povoir veoir mon antiquité charnu, refleurir en ta jeunesse ; car quand par le plaisir de luy, qui tout regist et moderé, mon ame laissen ceste habitation humaine (…) je demeure en mon image visible en ce monde… »François Rabelais, Pantagruel, ch8, p44. « Vous vous taisez, Madame, et ce cruel mépris N’a pas du moindre trouble agité vos esprits ? » Racine, Andromaque, Acte IV, scène 2, vers 1131-1132.

Table des matières

Introduction
Chapitre1 : cadre conceptuel
Le démonstratif
Le déterminant démonstratif
Le pronom démonstratif
Chapitre2 : historique des démonstratifs
En latin
I. En ancien français
II. En moyen français
A. Chapitre3 : formes et emplois des démonstratifs au XVIe et XVIIe siècle
B. Les formes de démonstratifs au XVIe et au XVIIe siècle
C. L’emploi des démonstratifs au XVIe et au XVIIe siècle
I. Chapitre4 : diachronie des démonstratifs au XVIe-XVIIe siècle
II. Au XVIe siècle
III. Au XVIIe siècle
Conclusion
Corpus
Bibliographie
Tables des matières

 

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