EVALUATION DES PRATIQUES DES MEDECINS GENERALISTES FACE AUX INFECTIONS URINAIRES

EVALUATION DES PRATIQUES DES MEDECINS GENERALISTES FACE AUX
INFECTIONS URINAIRES

Notre étude a montré que 63% des prises en charge effectuées par les médecins généralistes dans le cadre de la gestion d’un IU à EBLSE permettaient un succès thérapeutique théorique. Notre critère de jugement principal était la dernière molécule prescrite qui devait respecter les recommandations de la SPILF 2014 (16). Il est probable que ce taux soit surévalué car de nombreux critères n’ont pas été étudiés comme la posologie, la durée de l’antibiothérapie ou la mise en place de mesures d’hygiène. Le Dr Turmel J. (20) a réalisé une étude avec la même méthodologie, mais prenant les recommandations de l’AFSSAPS de 2008 comme référentiel, il retrouvait un taux de prise en charge « conforme » dans 60% des cas. La publication de nouvelles recommandations sur la prise en charge des IU avec un volet portant spécifiquement sur la prise en charge des IU à EBLSE ne semble pas affecter la pratique des médecins généralistes. Ce phénomène s’explique probablement par le fait que l’étude n’a débuté que deux mois après la mise en ligne de ces recommandations. Il est difficile de croire que tous les médecins généralistes aient eu le temps d’en prendre connaissance. Au total, 70,8% des patients inclus dans l’étude présentaient au moins l’un des cinq facteurs de risques de portage d’EBLSE les plus retrouvés dans la littérature. (16, 22-25) Néanmoins, 25% des patients ne présentaient aucun facteur de risque. Cela montre bien qu’avec l’augmentation de la prévalence du portage digestif d’E.coli producteur de BLSE il deviendra difficile d’individualiser des facteurs de risque prédictifs d’IU à EBLSE. Bien que la population de notre étude soit âgée, l’âge élevé n’est pas un facteur de risque retenu dans les dernières recommandations de 2014. Le caractère rétrospectif et descriptif de cette enquête ne permet pas d’affirmer que certains antécédents constituent des facteurs de risques, ni même de déterminer l’incidence des IU à EBLSE. 41 De même le faible échantillon étudié et le caractère mono centrique de l’étude ne nous permet de pouvoir extrapoler ces résultats à la population générale. Le mode d’inclusion des médecins généralistes expose à un biais de recrutement. Le recueil des données auprès des médecins généralistes constitue plusieurs biais : ce travail porte sur une longue période et les questionnaires ont été envoyés à distance de l’épisode pouvant mener à un biais de mémoire. L’élaboration d’un questionnaire à réponses fermées permettaient une analyse quantitative mais expose au biais de réponse. Enfin, peu d’études ont été réalisées sur le même sujet. Ce sont principalement des thèses de médecine générale, dont les méthodologies sont variables et comportent certains biais. Nous avons défini l’IAS comme le fait de vivre dans une institution et/ou de porter une sonde urinaire à demeure ce qui n’est pas la définition du comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins (26). De ce fait, le nombre d’infections urinaires communautaires est probablement surévalué (58,3%) dans notre étude Néanmoins la force de notre étude réside dans son originalité : il s’agit d’une des premières études évaluant la prise en charge des IU à EBLSE en ville par les médecins généralistes à la lumière des nouvelles recommandations. L’évaluation des pratiques professionnelles couplée à un retour sur expérience permet d’améliorer les connaissances (27) et s’inscrit comme une des mesures du troisième plan d’alerte sur les antibiotiques (8). Notre thèse s’inscrit dans cette dynamique.

EBLSE et médecin généraliste 

Les infections urinaires à EBLSE sont peu courantes en médecine générale, le réseau ONERBRA-ville estimait la proportion d’E.coli BLSE en ville à 3,3% en 2013 (28). 42 Dans notre étude le pourcentage d’ECBU positif à EBLSE était de 0,96%. Ce pourcentage est stable au cours du temps : en 2006, l’enquête trans-réseau de l’ONERBRA retrouvait une prévalence d’ECBU positif à EBLSEde 1,1% (9). Les dernières données de l’enquête ONERBRA-ville de 2013 ne permettent pas de comparer strictement les résultats obtenus avec ceux de notre étude : les dernières publications concernaient les taux d’E.coli BLSE isolés en milieux communautaires et non le taux d’EBLSE (28). Néanmoins Pulcini C. et al (29) a montré que les médecins généralistes se sentaient concernés par le phénomène de résistance bactérienne : 91% des 70 médecins interrogés percevaient le phénomène de résistance bactérienne comme un problème national. Seulement 65% d’entre eux considéraient qu’il s’agissait d’un problème dans leur pratique quotidienne. Etre bien au fait de la problématique ne signifie pas être critique sur sa pratique. Dans notre étude seulement 29% des médecins (n=9) ont ressenti une difficulté dans le management de l’infection alors que la prise en charge n’était « conforme » que dans 63% des cas. Ce paradoxe était relevé par le Dr Turmel J. (20) dans sa thèse évaluant les pratiques de 78 médecins généralistes concernant la prise en charge d’un patient présentant une infection urinaire à EBLSE : il retrouvait que 67% des médecins ne s’étaient pas sentis en difficulté alors que seulement 60% des prises en charge étaient conformes aux recommandations de l’AFSSAPS de 2008 . Plus généralement, Pulcini C. et al (29) a montré que plus de 80% de médecins généralistes interrogés se sentaient confiants voire très confiants lors de la prescription d’un antibiotique quelle que soit l’infection traitée, que ce soit en termes de molécule, posologie ou durée. Cet excès de confiance s’oppose à la volonté des médecins d’avoir l’accès à une information plus complète sur la prise en charge de ces infections. Dans notre étude ils étaient 74,2% (n=23) à vouloir une information plus détaillée concernant le management de ces situations cliniques. Ce souhait d’information influençait significativement la conformité de la prise en charge (p=0,03). C’est dans ce cadre précis que les recommandations de bonnes pratiques doivent tenir une place prépondérante dans la formation médicale continue des médecins. Le Dr Boutfol W. (21) retrouvait une association statistiquement significative (p<0,05) entre la prescription d’une antibiothérapie de première intention « conforme » et la lecture des recommandations de la SPILF 2014. L’étude portait 43 sur l’analyse des pratiques de 150 médecins généralistes face à la prescription d’antibiotique dans le cadre de cas cliniques fictifs portant sur les infections urinaires à EBLSE. De la même manière Pulcini C. et al montrait bien l’importance des recommandations comme facteur influençant la prescription d’un antibiotique : sur 70 médecins généralistes, 81% alléguaient la parution de nouvelles recommandations comme pouvant influencer la prescription d’un antibiotique. Nous n’avons pas pu constater de réelles évolutions dans les pratiques des médecins généralistes après parution des recommandations comme expliqué ci avant. Les critères démographiques des médecins (âge, lieu d’exercice) n’influençaient pas de manière significative la conformité de la prise en charge d’un ECBU positif à EBLSE.

Les antibiotiques

La prise en charge des infections urinaires de façon probabiliste était « adaptée » dans 53,6% des cas (n=15). Le Dr Turmel (20) retrouvait des taux similaires avec 58% de prise en charge adaptée. Les quinolones étaient préférentiellement prescrites de manière probabiliste à hauteur de 39% (n=15) des cas. Cette antibiothérapie n’était indiquée en première intention que dans 33,3% des cas (n=5). Notre étude ne permettait pas d’identifier les causes expliquant cette situation. La résistance acquise aux quinolones est plus importante chez le sujet âgé (30), population largement représentée dans notre étude. Elles ne doivent pas être utilisées si le patient a reçu cette molécule dans les 6 derniers mois car elle expose largement à une sélection de mutants résistants. Ceci explique l’intérêt de stratifier sa prescription en fonction de la présentation clinique. La prescription de cette famille d’antibiotique à outrance n’est pas un fait nouveau, une thèse de 2010 analysant la prescription de 122 omnipraticiens chez des patients présentant une IU à entérobactérie montrait que 77% des prescriptions de quinolones auraient pu être évitées (31). 44 La prescription après documentation permettait de diminuer la prescription de quinolone, cette famille d’antibiotiques était prescrite dans 21% (vs 39% en probabiliste) des cas, « conforme » dans 70% des situations et indiquée de première intention dans 50% des cas (vs 33% en probabiliste). Il est important de sensibiliser les médecins généralistes à différer la prescription d’antibiotique après réception des résultats de l’antibiogramme comme cela est recommandé par la SPILF dans la majorité des situations cliniques (16). Les furanes étaient peu utilisés de manière probabiliste malgré leur indication en première intention dans le traitement de la cystite à risque de complication (16). Dans cette situation clinique dans notre étude cette molécule n’a été prescrite qu’une seule fois (12,5%). Il faut souligner l’intérêt de cette molécule qui ne possède que peu de résistance et reste très sensible pour le traitement des IU à EBLSE. La nitrofurantoïne était prescrite dans 35% des situations cliniques après réception de l’ECBU. Dans 59% des cas cette antibiothérapie était « conforme » et dans 30% des cas les patients étaient asymptomatiques. Aucun médecin lors de notre étude n’a prescrit de pivmécillinam. Cet antibiotique est largement prescrit dans les pays nordiques, il garde une bonne sensibilité sur les entérobactéries qu’elles soient BLSE ou non (32,33) Cette molécule était déjà indiquée dans le traitement de la cystite aigue compliquée et de la cystite aigue gravidique dans les recommandations de l’AFSSAPS 2008. Les recommandations de la SPILF 2014 place cette molécule en deuxième intention dans la prise en charge probabiliste des cystites aigues simples et dans le traitement de la cystite aigue à risque de complication après réception de l’antibiogramme. Le non usage de cet antibiotique peut s’expliquer par l’élaboration récente des nouvelles recommandations. De plus le pivmécillinam est rarement testé sur les antibiogrammes en laboratoire de ville ne renforçant pas sa popularité auprès des omnipraticiens non familiarisés avec cette molécule. Ce phénomène était aussi relevé dans les thèses du Dr Turmel (20) et du Dr Cornec .

Table des matières

INTRODUCTION
1. Contexte
2. Objectifs de l’étude
MATERIELS ET METHODES
1. Type d’étude
2. Population de l’étude
3. Critères d’inclusions et d’exclusions
4. Recueil des données
4.1 Données microbiologiques
4.2 Données cliniques
5. Méthodes d’analyse des données
RESULTAT
1. Enquête et recueil des données
2. Caractéristiques démographiques des médecins inclus
3. Patients inclus
3.1 Caractéristiques démographiques
3.2 Caractéristiques cliniques
3.3 Caractéristiques microbiologiques
4. Prise en charge des patients
4.1 Prise en charge avant réception de l’ECBU35
4.2 Prise en charge après documentation
5. Analyse rétrospective
6. Difficultés de prise en charge
DISCUSSION
ANNEXE(S)
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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