Evolution des performances biomécaniques des perches de hêtres à l’ouverture de la canopée

L’ouverture de la canopée implique une augmentation des sollicitations mécaniques auxquelles l’arbre doit s’adapter. Le changement d’allocation de la biomasse entre la croissance radiale et axiale couplé à une anisotropie de la croissance radiale au niveau de la section ou de la modification des propriétés matérielles du bois peuvent impacter les performances biomécaniques de l’arbre. Dans le chapitre précédent, l’accent était mis sur les changements de croissance des arbres à l’ouverture de la canopée. Dans ce chapitre, nous essayons de comprendre quel est l’intérêt de ces modifications pour la biomécanique de l’arbre en nous focalisant sur le contrôle postural et la motricité des tiges. Ce chapitre est divisé en trois parties : L’objectif de cette partie est d’évaluer de façon rétrospective les contraintes de croissance du bois de hêtre, qui sont dues au retrait de maturation des cellules du bois et aux contraintes de support. Actuellement, les méthodes du trou unique et des jauges permettent la mesure des contraintes de croissance périphériques (Fournier et al., 1994). La méthode du trou unique évalue indirectement ces contraintes en se basant sur le déplacement mesuré après la libération des contraintes de croissance qui dépend entre autres des propriétés du bois tandis que la méthode des jauges permet une mesure directe de la déformation (déformations résiduelles longitudinales de maturation, DRLM). Après avoir écorcé le tronc, deux pointes sont plantées dans le sens longitudinal à une distance de 45 mm, un capteur développé par le CIRAD est installé (Fig. 4.1a). Un trou de 20 mm de diamètre sur 10 mm de profondeur est réalisé ce qui permet la libération des contraintes et engendre un déplacement des pointes qui est mesuré en µm par le capteur de déplacement (Fig. 4.1b). Une couronne de mesures uniformément réparties autour de la circonférence de l’arbre permet la caractérisation de la répartition des contraintes de croissance sur la périphérie du tronc (Fig. 4.1c).

Estimation rétrospective des contraintes de croissance

Ce déplacement est proportionnel à la déformation longitudinale due à la maturation des cellules nouvellement formées du bois. En connaissant les propriétés du bois, il est possible de convertir le déplacement mesuré en déformation (Sassus, 1998). Ici, nous nous baserons sur la relation observée par Fournier et al. (1994) entre les mesures réalisées par la méthode des jauges (mesure directe) et la méthode du trou unique (mesure indirecte) sur le hêtre. Pour cette espèce, la déformation est égale à 15.8 µdef par micromètre de déplacement mesuré. Lorsqu’il s’agit d’une mesure indirecte, le déplacement mesuré en µm est généralement désigné comme indicateur de contraintes de croissance (ICC, ou GSI en anglais) (Clair et al., 2003). Dassot et al. (2012) proposent une estimation rétrospective des contraintes de croissance du bois de hêtre. En se basant sur la principale caractéristique du bois de tension des angiospermes qui est son état de tension élevé (Trenard & Guéneau, 1975; Fang et al., 2008), et son aspect visuel, i.e. l’aspect nacré des fibres G du bois de tension, les auteurs identifient rétrospectivement le pourcentage de bois de tension par cerne (Barbacci et al., 2008). Des photographies des rondelles réalisées sous une lumière rasante permettent de mettre en évidence les plages de bois de tension (Fig. 4.2a). Suite à une analyse d’images, les pixels correspondant au bois de tension apparaissent en bleu tandis que les pixels de bois sans fibres G sont rouges (Fig. 4.2b). En sectorisant la surface des rondelles analysée, la proportion du nombre de pixels bleu permet d’obtenir un pourcentage de bois de tension par secteur (Fig. 4.2c). En combinant ce pourcentage de bois de tension obtenu aux valeurs d’ICC obtenues par la méthode du trou unique, il est possible de calibrer l’état de tension du bois à un pourcentage de bois de tension et infine d’obtenir, en rétrospectif, l’état de tension du secteur considéré du cerne.