Exposition prolongée à de faibles concentrations de CO et sensibilité du myocarde à l’IR

Exposition prolongée à de faibles concentrations de CO et sensibilité du myocarde à l’IR

L’exposition prolongée à de faibles concentrations de CO, telles que retrouvées dans le cadre d’une pollution urbaine, est reconnue comme étant à l’origine d’un remodelage pathologique cardiomyocytaire (Bye et al., 2008 ; Andre et al., 2010) caractérisé notamment par une altération de la régulation des mouvements du Ca2+ intracellulaire. L’hyperphosphorylation PKA-dépendante des RyR-2 associée à une diminution de l’expression des pompes SERCA-2a au niveau du RS semblent être à l’origine de ce phénomène avec pour conséquence une surcharge sarcoplasmique diastolique en Ca2+. Ces altérations cellulaires, également retrouvées dans notre travail, sont discutées par Andre et al., (2010) comme pouvant résulter d’un stress oxydant exacerbé chez la population de rats CO. En effet, l’exposition prolongée au CO est à l’origine d’une baisse marquée des défenses enzymatiques antioxydantes associée à une modification du statut redox cardiomyocytaire (Andre et al., 2010 ; étude n°1). Dans ce contexte, il est intéressant de noter que les protéines régulant l’homéostasie calcique intracellulaire sont aujourd’hui largement décrites comme étant « rédox » sensibles (Zima et Blatter, 2006). Ainsi, une augmentation du stress oxydant cellulaire est rapporté comme étant à l’origine d’une hyperphosphorylation PKA-dépendante des canaux RyR-2, avec comme conséquence principale une fuite de Ca2+ du RS (Gyorke et Carnes, 2008 ; Sun et al., 2008) et une oxydation des pompes SERCA-2a, à l’origine d’un moindre recaptage du Ca2+ par le RS (Kobayashi et al., 2007 ; Kuster et al., 2010). Ainsi, en condition de stress oxydant, la fuite de Ca2+ (hyperphosphorylation des RyR-2) associée à l’altération du repompage calcique (oxydation des SERCA-2a), se traduit par une baisse de la charge calcique du RS et une augmentation de la concentration cytosolique en Ca2+ . Exposition prolongée à de faibles concentrations de CO et sensibilité du myocarde à l’IR Discussion – 174 – Un premier résultat majeur de ce travail de thèse (étude n°1) est que, le remodelage pathologique des myocytes cardiaques, résultant d’une exposition prolongée à une pollution de type environnementale urbaine au CO est à l’origine d’une plus grande vulnérabilité du cœur au stress d’IR. Celle-ci est caractérisée, dans notre travail, par une sévérité accrue des arythmies de reperfusion, une augmentation de la mort cellulaire au cours de la reperfusion et une moindre récupération de la fonction contractile cardiaque. L’aggravation des lésions d’IR chez la population de rats CO semble pouvoir être expliquée dans notre travail par i) une diminution des capacités de défenses enzymatiques antioxydantes, et ii) une surcharge calcique cellulaire, certainement à l’origine d’une instabilité membranaire, confirmant ainsi notre hypothèse impliquant le stress oxydant dans les désordres observés. L’augmentation massive de la production de RLO au moment de la reperfusion postischémique, joue une rôle majeur dans le développement des lésions de reperfusion (Zweier, 1988 ; Vanden Hoek et al., 1996). Il est ainsi largement reconnu qu’une altération du statut enzymatique antioxydant est à l’origine d’une exacerbation des lésions liées au stress oxydant au cours de la reperfusion post-ischémique (Yoshida et al., 2000 ; Marczin et al., 2003 ; Van Remmen et al., 2004). Dans notre travail, l’incubation d’un antioxydant non spécifique (NAC) au cours du protocole d’A/R cellulaires, permet de limiter la sévérité des atteintes fonctionnelles cardiomyocytaires. Les effets protecteurs de l’incubation d’un antioxydant non spécifique semblent pouvoir être expliqués, dans ce travail, par une normalisation de la surcharge cytosolique en Ca2+ au cours de la reperfusion. En effet, à l’étage cellulaire, l’état pro-oxydant est associé chez les rats exposés au CO à une altération de la régulation des mouvements de Ca2+ intracellulaires, ayant comme conséquence majeure une surcharge cytosolique en Ca2+. Le rôle du Ca2+ cytosolique dans la sévérité des lésions de reperfusion est aujourd’hui largement décrit (Netticadan et al., 1999 ; Abdallah et al., 2006 ; Venetucci et al., 2008). Ainsi, cette Discussion – 175 – surcharge ionique, induite au cours du phénomène d’IR est reconnue comme pouvant être à l’origine de modifications électrophysiologiques favorisant l’apparition de troubles du rythmes (Marban et al., 1994 ; Antoons et Sipido 2008), d’altérations fonctionnelles contractiles (Valverde et al., 2010), mais également de l’initiation de processus conduisant à la mort de la cellule par nécrose ou apoptose, via différents mécanismes tels que l’ouverture du mPTP (Crompton, 1999), une hypercontracture myocytaire associée à une péroxydation des phospholipides membranaires (Ganote, 1983) ou encore l’activation de différentes protéases à activité Ca2+ -dépendantes telles que les calpaines (Liu et al., 2004). Dès lors, il semble que chez la population de rats CO, l’exacerbation, stress oxydant-dépendante, de la surcharge cytosolique en Ca2+ au cours de la reperfusion myocardique soit impliquée de manière majeure dans la sensibilité accrue du cœur au syndrome d’IR. Un résultat original de ce travail de thèse est que l’exposition au CO, caractérisée à l’étage cellulaire par un état pro-oxydant, mais aussi pro-inflammatoire (identifié ici par l’expression myocardique de TNF-α), est à l’origine d’une surexpression tissulaire de l’isoforme inductible de la NOS (iNOS) (étude n°2). Cette surexpression de iNOS a pour conséquence principale une surproduction de NO au niveau myocardique chez les rats CO. Le rôle de la iNOS au cours de l’IR myocardique est encore sujet à controverses. En effet, certaines études mettent en avant le rôle de la iNOS dans le préconditionnement myocardique à l’IR (Zhao et al., 1997 ; Imagawa et al., 1999), alors que dans un grand nombre de travaux l’expression tissulaire de cette enzyme est associée à une aggravation des lésions d’IR (Wildhirt et al., 1997 ; Wildhirt et al., 1999 ; Wang et al., 2007 ; Ji et al., 2010 ). La iNOS est une enzyme exprimée dans des conditions pathologiques sous l’influence de produits bactériens, de cytokines pro-inflammatoires ou encore du stress oxydant (Xie et al., 1994 ; Zhen et al., 2008). Contrairement aux isoformes constitutifs de la NOS, la synthèse de NO par la iNOS n’est pas régulée de façon post-traductionnelle et est Ca2+ indépendante (Cho et al., Discussion – 176 – 1992 ; Xia, 2007). Ainsi l’expression tissulaire de cet isoforme peut être à l’origine d’une synthèse de NO jusqu’à 100 fois supérieure à celle induite par les isoformes constitutifs (Pacher et al., 2007). Bien que le NO soit reconnu comme bénéfique et cardioprotecteur dans des conditions physiologiques, il peut s’avérer délétère lorsqu’il est produit en trop grande quantité (Shah et MacCarthy, 2000). En effet, il a été démontré que le NO libre, lorsque synthétisé en grande quantité par la iNOS, a tendance en condition pro-oxydante, à réagir avec l’O2· – pour former du ONOO- (Mungrue et al., 2002 ; Billiar, 1995). Cette réaction se fait à une vitesse 5 fois supérieure à celle de la dismutation de l’O2· – par la SOD (Pacher et al., 2007). Le ONOOainsi produit est un EROA hautement réactif, reconnu comme étant le principal responsable d’un grand nombres de réactions cytotoxiques impliquées dans les lésions du tissus myocardique lors de l’IR (Yasmin et al. 1997 ; Wang et al., 2007 ; Ji et al., 2010). Plusieurs études ont notamment rapporté un rôle délétère majeur du ONOOsur les protéines régulatrices des mouvements calciques intracellulaire telles que les SERCA-2a (Lokuta et al., 2005) et les RyR-2 (Stoyanovsky et al., 1997 ; Xu et al., 1998) contribuant ainsi à perturber l’homéostasie calcique au cours de l’IR. Par conséquent, la potentielle formation en excès de ONOOchez la population de rats CO, lié à la surproduction de NO par la iNOS, pourrait, également contribuer à l’exacerbation des lésions cellulaires au cours de l’IR. Cette hypothèse est en partie confirmée lors de la phase cellulaire de notre étude n°2, puisque l’inhibition des précurseurs de la formation de ONOO- , O2· – et NO, par l’incubation respective de NAC et de SMT, a permis de normaliser la surcharge calcique cytosolique consécutive à l’A/R et ainsi de réduire la sensibilité des cardiomyocytes de rats CO au stress d’A/R. A l’étage de l’organe isolé, il est d’ailleurs intéressant de noter que l’inhibition spécifique et exclusive de la iNOS au cours de l’IR permet de normaliser la sévérité des lésions de reperfusion post-ischémique chez les rats CO au niveau des rats Ctrl. Ce résultat Discussion – 177 – suggère donc un rôle majeur de la surproduction iNOS-dépendante de NO au cours de l’IR dans la physiopathologie d’une exposition de type citadine au CO. 

Entrainement en endurance et cardioprotection

Comme discuté préalablement dans ce travail, le stress environnemental lié à l’exposition au CO est à l’origine d’un remodelage pathologique cardiomyocytaire, caractérisé notamment par i) une hausse du stress oxydant cellulaire et ii) une altération de l’homéostasie calcique intracellulaire. Ce remodelage cellulaire consécutif à 4 semaines d’exposition au CO semble jouer un rôle majeur dans la plus grande sensibilité du myocarde au syndrome d’IR. Dès lors, un autre objectif de ce travail de thèse était d’évaluer les effets potentiellement cardioprotecteurs d’un exercice physique régulier sur le remodelage pathologique cardiomyocytaire et sur la sensibilité du myocarde de rats CO au syndrome d’IR. L’exercice est en effet classiquement reconnu comme étant responsable d’une amélioration du statut enzymatique antioxydant et d’une amélioration/restauration des mouvements intracellulaires de Ca2+ (Powers et al., 2008 ; Kemi et Wisloff, 2010). Dans notre travail, la pratique d’une activité physique régulière, préalablement à la période d’exposition environnementale, a permis de prévenir les effets délétères du CO sur la régulation de l’homéostasie calcique cardiomyocytaire. En effet, alors que l’on observe au niveau des cardiomyocytes de rats exposés au CO une surcharge calcique cytosolique expliquée notamment par une fuite de Ca2+ au niveau du RS et un moindre repompage de cet ion, conséquence d’une baisse d’expression des pompes SERCA-2a ; les rats CO entrainés en endurance, présentent un phénotype cellulaire sain, caractérisé notamment par une concentration intracellulaire en Ca2+ normalisée. Ce résultat est expliqué dans ce travail par une restauration de l’expression des pompes SERCA-2a permettant ainsi une restauration de la séquestration du Ca2+ dans le RS. Ces résultats sont cohérents avec la littérature, puisque dans les différentes études centrées sur les effets bénéfiques de l’exercice chez des populations présentant des pathologies cardiaques, il est classiquement rapporté une Discussion – 179 – normalisation et/ou une amélioration des mouvements calciques intracellulaires à l’issue d’une période d’activité physique régulière (Wisloff et al., 2001 ; Kemi et al., 2008 ; Kemi et Wisloff, 2010). Dans ce travail, nous avons également rapporté une prévention des effets délétères du CO sur l’activité enzymatique antioxydante se traduisant par une normalisation de l’activité de la SOD et de la GPx chez les rats CO entrainés. Cette amélioration du statut enzymatique antioxydant suite à un entrainement en endurance pourrait être à l’origine de la prévention des altérations calciques (French et al., 2008). Toutefois, on ne peut écarter de potentiels effets bénéfiques directs de l’entrainement sur les protéines régulatrices de l’homéostasie calcique (Wisloff et al., 2001 ; Kemi et al., 2005). Les effets protecteurs de l’exercice sur le remodelage phénotypique des cardiomyocytes de rats exposés au CO sont associés à une normalisation de la sensibilité du myocarde au syndrome d’IR, constituant un autre résultat majeur de ce travail de thèse. En effet nous avons pu observer, dans ce modèle, une diminution de la sévérité des arythmies de reperfusion et de la mort cellulaire chez les rats exposés au CO et préalablement entrainés en endurance. Comme discuté au chapitre précédent, la sévérité accrue des lésions de reperfusion semble être en grande partie liée aux troubles de l’homéostasie calcique cellulaire (Netticadan et al., 1999 ; Abdallah et al., 2006 ; Venetucci et al., 2008) et à l’altération du statut antioxydant myocardique (Dhalla et al., 1999 ; Dhalla et al., 2000). Dans la littérature, les effets protecteurs de l’exercice permettant de réduire la sévérité des lésions d’IR sont largement décrits (Yamashita et al., 1999 ; Powers et al., 2008). Ces effets sont liés à une amélioration des capacités de défenses enzymatiques antioxydantes, dont notamment la SOD (Powers et al., 2008 ; French et al., 2008) et la GPx (Lew et Quintanilha, 1991 ; Kavazis, 2009), résultats également retrouvés dans ce travail. Les effets cardioprotecteurs de cette normalisation des défenses enzymatiques antioxydantes pourraient donc être directs (Powers et al., 2007), via un meilleur piégeage des RLO au cours de la reperfusion post-ischémique et Discussion – 180 – donc une meilleure préservation de l’intégrité cellulaire ; mais également indirects via une préservation des effets délétères du stress oxydant sur les protéines régulatrices de l’homéostasie calcique (French et al., 2008). En effet, il a été mis en évidence dans plusieurs études qu’un entrainement en endurance permettait de réduire la sévérité des lésions d’IR, via notamment une meilleure préservation des mouvements calciques au cours du cycle cardiaque pendant l’IR (French et al., 2006 ; French et al., 2008). Il semble donc, que la normalisation de la sévérité des lésions d’IR chez la population de rats CO préalablement entrainés puisse être expliquée par une préservation du statut enzymatique antioxydant permettant potentiellement une protection des protéines impliquées dans la régulation des mouvements de Ca2+ intracellulaire, dont les pompes SERCA-2a. Un résultat majeur de ce travail est qu’une stratégie de cardioprotection par un exercice d’intensité modérée pratiqué de manière régulière, permet de prévenir le remodelage pathologique cardiomyocytaire, via notamment une prévention des effets délétères du CO sur les capacités de défenses enzymatiques antioxydantes myocardiques et une normalisation de la concentration de Ca2+ cytosolique basale. Cette normalisation du phénotype cellulaire myocardique a notamment permis de prévenir la plus grande vulnérabilité du myocarde au syndrome d’IR.

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