Fertilisation minérale dans la culture du bleuet nain sauvage

Au SLSJ, les pinèdes grises constituent des sites de prédilection pour l’implantation et la mise en production d’une bleuetière. Lors de la mise en place d’une bleuetière, les plants de bleuets, initialement présents avant la coupe forestière, colonisent progressivement le territoire défriché. Toutefois, le bleuet est généralement accompagné par d’autres espèces de plantes et arbustes dont le kalmia à feuilles étroites (Kalmia angustifolia L.), la comptonie voyageuse (Comptonia peregrina (L.) Coulter), la grande fougère (Pteridium aquilinum (L.) Kuhn) et la danthonie à épi (Danthonia Spicat (L.) P.Beauv. ex Roem&Schult.) (Gagnon et Pierre 2010). Il est bien connu que la présence de ces plantes indésirables (PI) nuit à la croissance, au développement et aux rendements en fruit du bleuet étant donné qu’une compétition s’installe, notamment pour l’acquisition des nutriments du sol. Avant qu’un contrôle des PI ne soit effectué par les applications d’herbicides, les résultats d’études portant sur l’effet des applications en fertilisants sur les rendements en fruits étaient plutôt variables. En effet, l’application de différents traitements fertilisants occasionnait soit une augmentation des rendements (Chandler et al. 1931; Smith et al. 1946; Trevett 1962; Rayment 1965), un effet nul ou non significatif (Eaton et Hall 1950) et même une diminution des rendements (Chandler 1943). Différents herbicides ont été développés depuis, et lorsqu’un contrôle de PI est effectué, les rendements en fruits sont grandement augmentés par l’ajout de fertilisants (Yarborough et al. 1986; Eaton 1994; Penney et McRae 2000; Yarborough 2004). Par contre, les applications répétées d’herbicides peuvent occasionner de nombreux problèmes agronomiques et environnementaux. En effet, certaines espèces de PI ont développé des résistances à l’hexazinone, un herbicide fréquemment utilisé pour le contrôle des PI en bleuetière (Yarborough 1991). De plus, des relevés de végétation effectués dans plusieurs bleuetières de la Nouvelle-Écosse entre 1984 et 2001 démontrent que la diversité des PI a doublée depuis les débuts d’utilisation des herbicides et des engrais (Jensen et Yarborough 2004). Finalement, l’hexazinone, l’herbicide le plus fréquemment utilisé en bleuetière, est très soluble dans l’eau et a une faible capacité d’absorption aux particules du sol (Bouchard et al. 1985), ce qui fait en sorte que cet herbicide est très mobile dans l’environnement et peut donc potentiellement se retrouver dans les eaux souterraines et de surface (Giroux 2003). L’utilisation de l’hexazinone peut donc occasionner des risques pour les écosystèmes aquatiques et la santé humaine (Peterson et al. 1997; Nieves-Puigdoller et al. 2007).

FERTILISATION MINÉRALE DANS LA CULTURE DU BLEUET NAIN SAUVAGE

L’azote (N) inorganique assimilé par les plantes se trouve sous forme d’ammonium (NNH4+) et/ou de nitrate (N-NO3-) et peut provenir soit de la décomposition de la matière organique du sol et/ou par l’ajout de fertilisants. L’application d’N sous forme ammoniacale (N-NH4+) est recommandée dans la culture du bleuet comparativement à la forme nitrique (NO3-) car le bleuetier ne prélève pas efficacement la forme nitrique (Townsend 1966; Townsend 1969; Percival et Prive 2002). De plus, il est préférable d’appliquer l’N sous forme de sulfate d’ammonium car certaines autres formes de fertilisants azotés, comme l’urée, peuvent augmenter le pH du sol ce qui n’avantage pas le bleuet par rapport aux autres espèces de PI. En effet, le bleuet est une plante acidiphile, c’est-à-dire une espèce qui se développe et qui préfère les sols avec des pH acides soient entre 4,6 et 5,2. De plus, le fait de maintenir un pH du sol bas peut permettre de diminuer la compétitivité de certaines PI telles que la grande fougère et la danthonie à épi (Lafond 2010a). Actuellement, les applications en N recommandées au Québec sont de 25 à 60 kg N ha-1 sous forme de sulfate d’ammonium ((NH4)2SO4) (Lafond 2014). En effet, plusieurs études ont démontré que la fertilisation azotée favorise la croissance du bleuet (Penney et McRae 2000; Percival et Sanderson 2004; Yarborough 2004; Eaton et al. 2009; Lafond 2010b; Lafond et Ziadi 2011). Plus spécifiquement, l’ajout de fertilisants azotés engendre une augmentation des rendements en fruits, de la longueur des tiges et de la concentration en N des feuilles (Penney et McRae 2000; Eaton et al. 2009; Lafond 2010b). Les applications de fertilisants s’effectuent généralement au printemps de l’année de croissance végétative, mais un fractionnement de la fertilisation peut être suggéré lorsque les doses appliquées sont supérieures à 50 kg N ha-1 afin d’éviter des pertes dans l’environnement, principalement par lessivage (Lafond 2010b).

Dans la culture du bleuet, il est également recommandé d’appliquer du phosphore (P) (Fortin et al. 2000; Lafond 2014). Toutefois, les résultats des études portant sur l’efficacité d’une fertilisation phosphatée sur le bleuet sont mitigés. En effet, certaines études démontrent que les apports en P favorisent la croissance des plants (Smagula et Dunham 1996) et augmentent les rendements (Percival et Sanderson 2004) alors que d’autres études indiquent que les applications de P n’ont aucun effet significatif sur la croissance et les rendements en fruits (Eaton et al. 1997; Sanderson et Eaton 2008). Étant donné la variabilité des résultats, un apport minimal de 20 kg ha⁻1 de P2O5 est alors recommandé dans les productions commerciales au Québec (Lafond 2014).

AMENDEMENTS ORGANIQUES DANS LA CULTURE DU BLEUET NAIN SAUVAGE

Les apports en engrais organiques dans la culture du bleuet sont pratiques courantes notamment sous le modèle de production biologique. Différents amendements tels que le fumier de poulet, le fumier de bovin, les lisiers de porc, les boues de papetière (BP) et les biosolides municipaux ont fait l’objet d’études pour leur efficacité sur la production de bleuet (Warman 1987; Lafond 2004; Lemay et Vallée 2010). Les travaux de Warman (1987), réalisés en Nouvelle-Écosse, n’ont pas permis de démontrer que les amendements testés (fumier de poulet, fumier de bovin, lisiers de porc, sciure) augmentaient les rendements en fruits et la concentration en N des tissus foliaires. De plus, une autre étude menée au SLSJ n’a également pas permis de démontrer que l’application de fumier de poulet granulé permettait d’augmenter les rendements en fruits (Lemay et Vallée 2010). Par contre, d’autres études, portant sur l’effet de l’apport de BP, démontrent une augmentation significative des rendements en fruits et des teneurs en N-P-K des feuilles comparativement aux parcelles témoins (Gagnon et al. 2003 ; Lafond 2004). Finalement, les travaux de Warman et al. (2009) ont permis de démontrer que les applications de biosolides municipaux compostés augmentent les teneurs en N et en K des feuilles, sans pour autant avoir un effet significatif sur les rendements en fruits.

Il ne semble pas y avoir dans la littérature scientifique de travaux portant sur l’utilisation de bois raméal fragmenté (BRF) pour la fertilisation du bleuet. À titre informatif, le BRF est constitué de copeaux provenant de tiges et de rameaux d’arbres feuillus (Betula papyrifera, Prunus pennsylvanica, Alnus viridis, Prunus Virginiana) ayant des diamètres inférieurs à 7 cm (Lemieux 1986). Des essais menés dans d’autres cultures comme les céréales annuelles et les pommes de terre n’ont pas permis de démontrer l’efficacité des BRF comme fertilisant organique (Beauchemin et al. 1990; Beauchemin et al. 1992b; N’Dayegamiye et Angers 1993; Larochelle 1994). En effet, les études démontrent que l’utilisation des BRF occasionne très souvent une immobilisation de l’N durant la première année après les applications (Beauchemin et al. 1990; Beauchemin et al. 1992a; Larochelle 1994), rendant ainsi l’N minérale présent dans le sol moins disponible pour les plantes. Par contre, lorsque les apports de BRF sont combinés à un amendement riche en N (lisier, fumier, engrais minéraux, etc.), l’immobilisation de l’N est diminuée et une augmentation significative des rendements peut être observée (Ndayegamiye et Dubé 1986; Beauchemin et al. 1990; Larochelle 1994). Toutefois, contrairement à la plupart des plantes agricoles, le bleuet est une plante sauvage et indigène aux sols pauvres issus des pinèdes grises ; les plantes y poussant ont donc développé d’autres mécanismes d’assimilation de l’N. L’assimilation de l’N sous formes organiques est un de ces mécanismes.

Table des matières

1 INTRODUCTION
1.1 PRÉSENCE DE PLANTES INDÉSIRABLES
1.2 FERTILISATION MINÉRALE DANS LA CULTURE DU BLEUET NAIN SAUVAGE
1.3 AMENDEMENTS ORGANIQUES DANS LA CULTURE DU BLEUET NAIN SAUVAGE
1.4 ASSIMILATION DE L’AZOTE SOUS FORMES ORGANIQUES
1.5 IMPACT DE DIFFÉRENTS AMENDEMENTS SUR LA DÉCOMPOSITION DE LA MO
1.6 OBJECTIFS DE L’ETUDE ET HYPOTHESES
2 MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1 SITE A L’ETUDE
2.2 DISPOSITIF EXPERIMENTAL
2.3 TRAITEMENTS FERTILISANTS
2.4 VARIABLES MESUREES
2.4.1 RECOUVREMENT VEGETAL
2.4.2 RENDEMENTS EN FRUITS
2.4.3 BIOMASSE AERIENNE
2.4.4 ASSIMILATION DE L’N ISSU DU FERTILISANT MINÉRAL ET ACQUISITION DE L’N
2.4.5 DECOMPOSITION DE LA LITIERE
2.5 ANALYSES STATISTIQUES
3 RÉSULTATS
3.1 Bleuet nain sauvage
3.1.1 RECOUVREMENT VEGETAL
3.1.1.1 Sites avec danthonie à épi
3.1.1.2 Sites avec comptonie voyageuse
3.1.2 BIOMASSE AERIENNE
3.1.2.1 Site avec danthonie à épi
3.1.2.2 Site avec la comptonie voyageuse
3.1.3 RENDEMENTS EN FRUITS
3.1.3.1 Site avec Danthonie à épi
3.1.3.2 Site avec Comptonie voyageuse
3.2 PLANTES INDÉSIRABLES
3.2.1 RECOUVREMENT VEGETATIF
3.2.1.1 Danthonie à épi
3.2.1.2 Comptonie voyageuse
3.2.2 BIOMASSE AERIENNE
3.2.2.1 Danthonie à épi
3.2.2.2 Comptonie voyageuse
3.3 ASSIMILATION DE L’N ISSU DU FERTILISANT MINÉRAL
3.3.1 SITES AVEC DANTHONIE À ÉPI
3.3.2 SITES AVEC COMPTONIE VOYAGEUSE
3.4 DECOMPOSITION DE LA MATIERE ORGANIQUE
4 DISCUSSION
4.1 Impact de la fertilisation azotée
4.1.1 Croissance des plantes indésirables
4.1.1.1 Danthonie à épi
4.1.1.2 Comptonie voyageuse
4.1.2 Croissance et productivité du bleuet
4.1.3 Productivité des sols
4.1.4 Gestion de la culture et des plantes indésirables
4.2 Les impacts de l’abondance des plantes indésirables
4.3 Nouvelles perspectives de recherche
5 CONCLUSION

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