Huile essentielle

Huile essentielle

Selon l’histoire, l’appellation « huile essentielle » proviendrait du terme « essence », né vers le XVIème siècle pour désigner les composants d’une drogue produite à partir de Quita essentia. Il s’agit d’un concentré de molécules synthétisées par une plante en réponse à la fluctuation temporelle des facteurs écologiques (Sangwan et al., 2001), notamment les facteurs biotiques hostiles (Iriti and Faoro, 2009), et extraite à partir d’une partie ou de la totalité de cette plante en fonction de la molécule recherchée. En fonction de la teneur en huile essentielle (HE) de la plante, de la volatilité des composants et donc du rendement, l’extraction peut se faire par expression, par fermentation, par effleurage ou extraction proprement dite (Rovio et al., 1999). Etant plus facilement réalisable, l’hydrostillation ou entraînement à la vapeur est la méthode la plus courante. Elle se fait généralement avec un appareil de type Clevenger, modèle sur lequel est basé le fonctionnement des alambics qui sont les extracteurs les plus prisés des communautés locales. Le matériel végétal est d’abord coupé en petit morceau (ou broyé ou laissé tel quel en fonction de la taille), puis macéré à ébullition. Les molécules volatiles contenues dans le macérat sont par la suite entraînées par les vapeurs d’eau pour se déposer à l’extrémité de l’appareil et passent par un réfrigérant qui les remet à la forme liquide. L’huile essentielle qui en ressort est ensuite recueillie dans un flacon ambré contenant du sodium anhydre qui va absorber le contenu aqueux de l’HE en laissant l’HE proprement dite qui de ce fait est constituée de molécules terpéniques et aromatiques (Andrianoelisoa, 2008). Etant lipophiles, ces molécules peuvent avoir plusieurs propriétés biologiques. Elles sont : – cytotoxiques lorsqu’elles agissent directement au niveau cellulaire en détruisant les organites, les membranes et le contenu cellulaire, affectant ainsi leur fonctions biologiques (respiration, défense, métabolisme, multiplication). – phototoxiques lorsque cette cytotoxicité est activée et engendrée par une réactivité de ces molécules à la lumière. – pro-oxydantes quand les composants des HE réagissent aux contenus cellulaires en formant des molécules ROS qui oxydent la cellule elle-même. – mutagènes quand elles réagissent avec l’ADN et entrainent un changement au niveau de ce dernier. Cette mutagénicité peut aussi parfois être photoactivée. Dans certains cas, les HE peuvent aussi avoir un effet antimutagène et anticarcinogène (Shaaban et al., 2012). Bien souvent, les HE agissent en masse à travers leurs composants majoritaires. Toutefois, chaque composant peut avoir une propriété se manifestant à une dose déterminée.  Aussi, les composants peuvent interagir entre eux ou avec les composants majoritaires pour engendrer une toxicité quelconque. Selon leur composition, les HE peuvent avoir une activité spécifique ou non (Bakkali et al., 2008). Ainsi, la littérature rapporte leurs efficacités dans les domaines antibiotique, antifongique, antiviral, antioxydant, insecticide, herbicide, antiparasitaire et médicinal (Adorjan and Buchbauer, 2010). Dans cet axe, l’activité antifongique des HE peut avoir un potentiel dans la protection post-récolte des fruits contre les maladies dues à des champignons phytopathogènes. En effet, 25-50¨% de la production mondiale sont perdues chaque année au stade post-récolte soit entre la cueillette et le consommateur (FAOSTAT, 2012), alors que l’exportation africaine de fruits représente près de 8 milliards U$D (Leoillet, 2017), ce qui donne à la qualité post-récolte des fruits, une portée économique mondiale. Les pertes post-récolte des fruits surviennent à la suite de manutentions ou de conditionnements inadéquats, ajoutés à une contamination préalable au champ. Les moyens de lutte les plus prisés par les opérateurs de la filière fruit pour la gestion des maladies post-récoltes sont de nature chimique étant donné la plus grande accessibilité de ces derniers. En effet, ils sont largement distribués partout dans le monde et sont moins couteux. Toutefois, ils présentent une menace écologique sérieuse, dans la mesure où : – ils sont toxiques même pour les organismes non ciblés, – les pathogènes commencent à développer une résistance à leur activité, – ils causent une contamination environnementale non négligeable (Da Cruz Cabral et al., 2013). Conscient de cet aspect négatif de leur utilisation à grande échelle, le consommateur rejette de plus en plus les fruits traités par ces produits au profit de fruits respectant le label biologique et écologique (Fravel, 2005). C’est dans cet axe que l’origine biologique et l’aspect biodégradable ainsi que socio-équitable des HE confèrent à leurs propriétés antifongiques un atout réel dans la protection des fruits contre les champignons phytopathogènes. En effet, les HE sont le plus souvent découvertes, puis mises en valeur et enfin prélevées au sein de la biodiversité locale des pays les moins avancés comme Madagascar où l’agriculture constitue 85% des activités économiques et génère 26% du PIB. De plus, leur action est principalement focalisée sur la partie octopaminergique du système nerveux des insectes et leur constitution complexe à partir de plusieurs molécules limitent les risques de développement de résistance à leur efficacité chez les pathogènes. Ainsi, les HE apparaissent comme étant plus inoffensives pour les mammifères qui ne partagent pas ce  système octopaminergique et certaines huiles essentielles perdent cette innocuité au-delà d’un seuil de toxicité variable d’une huile essentielle à l’autre (Koul et al., 2008). Des plantes déjà connues, domestiquées peuvent aussi présenter un intérêt dans cet optique d’utilisation, dans la mesure où nombreuses sont les plantes de culture à large exploitation qui ont des activités antifongiques, pour ne citer que le thym, le romarin, le citron, le girofle et la cannelle, qui peuvent inhiber totalement la germination ou la croissance des champignons phytopathogènes comme le genre Colletotrichum, Fusarium, Penicillium et souvent, ils peuvent aussi freiner le développement de maladies post-récoltes, comme la pourriture et l’anthracnose sur l’avocat, les fraises, les oranges, le citron et les abricots (Sivakumar and Bautista-banos, 2014)

La mangue, un fruit climatérique saisonnier connu sous le nom de Mangifera indica. Plusieurs variétés sont retrouvées dans les deux îles : Kent, Cogshall, Diego. Les mangues sont connues pour leur apport en fibres, vitamines A et C (Ibarra-garza et al., 2015). L’étude étant pionnière à Madagascar, une évaluation de l’état des lieux des pathologies post-récoltes d’origine fongique est nécessaire. Elle permettra de connaître les pathologies post-récoltes qui sévissent sur ces fruits dans le pays et les pathogènes qui y sont associés. Elle est suivie d’une évaluation de la fongitoxicité in vitro des HE choisies. Madagascar étant un pays producteur d’HE, deux d’entre elles ont été choisies pour cette étude : (1) Une HE extraite à partir d’une plante domestiquée sur l’île : l’HE de girofle, scientifiquement nommé Eugenia carryophyllata L. Les propriétés biologiques ( Lee and Shibamoto, 2001) et les utilisations des produits de cette plante et de son HE qu’elle soit extraite à partir de clou ou fleurs ou feuille, sont largement rapportées par la littérature (Briand, 1996; Meyer et al., 2008; Milind and Deepa, 2011). Elle présente l’avantage d’être cultivée à grande échelle dans l’île pour ses clous et par conséquent s’est parfaitement adaptée au climat de l’île. C’est une plante originaire du Zanzibar et introduite dans l’île quelque temps avant la colonisation (Francois, 1928). Des études sont en cours pour augmenter la surface attribuée à la culture de cette plante. Les études de la composition chimique de cette HE ont révélé qu’elle ne présente pas beaucoup de variation en fonction de sa provenance dans le monde, à part quelque diminution ou augmentation de la proportion du composant majeur qu’est l’eugénol. Toutefois, une étude récente à Madagascar a révélé qu’une microvariation de cette composition peut exister en fonction de l’organe dont l’HE est extraite mais aussi en fonction du stade phrénologique de cet organe. Ainsi la proportion en eugénol (60-90%) et un autre composant, le β-caryophyllène (11-19%) varie légèrement de façon antagoniste selon la maturité de l’organe dont l’HE est extraite (Razafimamonjison et al., 2014, 2013). (2) Une HE extraite à partir d’une plante endémique des forêts de l’Est de l’île : l’HE de ravensare, scientifiquement nommée Ravensara aromatica Sonnerat (reactualisée Cryptocarya agathophylla Van der Werf). Une étude a révélé que l’espèce régénère parfaitement par drageonnage et se bouture sans altérer la composition chimique de son HE. Selon la provenance sur l’île, la composition chimique de l’HE de l’espèce varie largement en termes de proportions et non en termes de composants et cette variation s’organise en cinq ANDRIANJAFINANDRASANA Soloniony Navalonamanitra, Thèse de Doctorat Introduction 5 chemotypes différents établis d’après leurs composants majeurs. Quatre types chimiques d’HE de cette espèce ont pu être collectés en quantité suffisante pour l’étude de leur fongitoxicité et de déterminer si le type chimique est un facteur limitant pour l’exploitation de cette espèce pour produire un traitement post-récolte alternatif contre les champignons phytopathogènes des fruits tropicaux. Il s’agit du type methyl chavicol (Type MC), du type methyl eugénol (Type ME), type limonène (Type L) et type sabinène (Type S) (Andrianoelisoa, 2008; Andrianoelisoa et al., 2010, 2006). De plus l’HE de type ME permettra d’établir les effets du méthylation sur la fongitoxicité d’une molécule à travers le modèle de l’eugénol. (3) Cinq autres HE, formulées industriellement par la société Xeda International, ont été utilisées afin d’avoir une large gamme d’HE à tester et évaluer la possibilité d’utiliser une HE reconstituée dans la mise au point d’un traitement post-récolte efficace. Il s’agit des HE de : – girofle – menthe – géranium – thym – et un mélange d’HE de menthe et de girofle, choisi pour tester l’hypothèse d’une augmentation de l’activité par synergie entre les composants majeurs et additivité de l’action inhibitrice. Les pathologies prises en considération dans cette étude sont liées à deux genres de champignons : (1) Le genre Colletotrichum , ce sont des champignons hemibiotrophes à l’origine de l’anthracnose (taches noirs) post-récolte des fruits (Coates and Johnson, 2013; Freeman et al., 1998; Mu et al., 2008). Trois phénomènes biologiques relatifs à la pathologie post-récolte des fruits et à la pathogénicité de ce genre sont abordés lors de cette thèse: – La germination des spores ou conidies (la sortie de latence). Une fois déposées sur le fruit, les spores entrent dans une phase de latence, pendant laquelle la germination ne se fait pas. La germination est définie comme étant l’extension du contenu cellulaire à l’extérieur de la conidie. Elle se fait par le clivage de l’enveloppe de celle-ci, suivie de la protrusion du contenu cellulaire par extension de la membrane cellulaire à travers ce clivage. Cette protubérance est appelée tube germinatif, et elle continue de croître par  extension polarisée de la membrane. Cette germination est déclenchée généralement par le changement des conditions hygrométriques du milieu. Dans un milieu riche en sucres et en nutriments, le tube germinatif croît par mitose unipolaire et forme une structure longiligne, hyaline, ramifiée ou non, appelée mycélium dont les filaments constituants sont appelés hyphes (Money, 1997; Webster and Weber, 2007). – La formation de l’appressorium. Dans un milieu pauvre en nutriments, l’apex du tube germinatif s’entoure d’une hyperstructure, munie d’une enveloppe très épaisse et fortement mélanisée. Son apex est muni d’une protrusion permettant aux spores du pathogène de se fixer sur l’organisme hôte (Planche 1). Ce sont donc des organes d’adhésion (Hasselbring, 1906). La mélanisation de cette structure permet de concentrer les solutés en son sein, tout en provoquant un flux hydrique qui va générer une pression de turgescence permettant de vaincre la résistance des stomates et de pénétrer la membrane cellulaire de la cellule hôte (Deising et al., 2000). Cela arrive lorsque les spores pathogènes de ce genre sont déposées sur un organisme hôte, qu’elles reconnaissent à travers la dureté du contact, l’hydrophobicité (donc milieu pauvre en nutriments et en eau), certains composés synthétisés par la cuticule de cette dernières comme la cire cuticulaire ainsi que les acides gras secrétés à la surface de cette cuticule ou des esters et des alcools secrétés par la plante (Gilbert et al., 1996; Kolaitukudy et al., 1995). Ainsi, la proximité des spores par rapport à la surface du fruit ainsi que les contenus cellulaires de ces derniers déterminent la quantité d’appressoria qui se forment et leurs dimensions (Allen et al., 1991). Génomiquement parlant, la formation et la germination de l’appressorium sont régulées par l’Adénosine Monophosphate Cyclique, un messager secondaire agissant comme un signal pour déclencher les divisions cellulaires nécessaires à la croissance (incluant la germination) et dont la production à partir de l’Adénosine Triphosphate est catalysée par l’enzyme Adénylate Cyclase, sans lequel, il n’y a ni germination des spores, ni formation d’appressorium, ni germination appressoriale, ni croissance mycélienne (Choi and Dean, 1997). Il est important de noter que la germination d’une spore et la formation de l’appressorium peuvent se faire avec ou sans division nucléaire ou cellulaire (Nesher et al., 2008). – La phase de quiescence : c’est une phase d’inactivité et de non évolution du pathogène. L’entrée dans la phase de quiescence n’est pas claire, ou plus adéquatement, n’est pas stable d’un pathogène à l’autre et d’un hôte à l’autre. Dans certains cas, le pathogène entre en dormance après la formation de l’appressorium. Dans d’autres cas, cela arrive après la germination de celle-ci (après la sortie du tube germinatif de  l’appressorium qui peut rester fonctionnelle ou se désintégrer après la croissance invasive du mycélium dans les cellules de la plante ou hôte) (Coates and Johnson, 2013). – La sortie de quiescence (la phase infectieuse) : elle est déclenchée par les changements physiologiques accompagnant le murissement du fruit dont premièrement la production d’ethylène. Il s’agit de la pénétration de la barrière cuticulaire (Figure 1). Elle se fait par la croissance d’un tube mycélien qui sort et croît du protrusion de l’appressorium. Cette croissance se fait sous l’impulsion de la pression de turgescence et l’action catalytique de l’enzyme cutinase. En contact avec la cuticule du fruit, cette enzyme dégrade cette dernière en libérant des monomères de cutines qui sont interprétés comme des signaux qui déclenchent la germination de l’appressorium et la dégradation de la barrière cuticulaire par des enzymes comme la protéase, chitine déacetylase, cellulase et pectinase (Amande et al., 2013; Domínguez et al., 2011; Knogge, 1996; Kolaitukudy et al., 1995). La protrusion au niveau de l’appressorium se met alors à croître de façon unipolaire dans la cellule hôte par extension membranaire (sans passer par une division cellulaire), se nourrit du contenu cellulaire de cette dernière et prend le nom d’haustorium (Dean, 1997; Emmett and Parbery, 1975)

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