INTRODUCTION ET EVOLUTION DU CHALUT AU SENEGAL

Les chaluts sont des arts traînants, de forme cônique, constitués d’un assemblage de pièces de filet caractéristiques (en sac à deux ou quatre faces) et armés de façon très particulière. Leur entrée (« gueule ») se trouvant dépourvue d’armature à la différence des dragues ; le train de pêche (filet et accessoires) est conçu pour qu’ils s’ouvrent (dans le sens horizontal et vertical) au cours du remorquage. A la différence des sennes, la traction est assurée à partir de bateaux spécialisés (chalutiers) par des câbles (funes) mis à l’eau (filage) simultanément.

Historique du chalut

Utilisés dès le XVIème siècle, les chaluts semblent être nés des dragues en Europe atlantique et des sennes en Europe méditerranéenne. L’origine du chalut vient des pêcheurs de La Rochelle et de Marennes, ils utilisaient des filets appelés dreige ou drague, un autre filet de ce nom avait été proscrit en avril 1726 pour ses ravages sur la reproduction des poissons. La pêche leur était interdite, ils se plaignirent au roi qui envoya un inspecteur des pêches, et se rendit compte que la drague, employée par les Rochelais, n’avait rien à voir avec l’engin destructeur. Par une lettre au compte de Toulouse, le 27/12/1727, le roi en autorisa l’usage, tous les marins du royaume l’employèrent à partir de décembre 1729, à la condition que ce filet porte le nom de rets traversier ou chalut. Dans les deux cas, l’évolution s’est faite à partir des chaluts à perche. ailes est substituée, au XVIIème siècle, la traction par navires. Ou le filet est traîné par deux unités ; et on est à l’origine de la pêche aux bœufs, la marche parallèle des remorqueurs attelés chacun à une fune lui ouvrant la gueule. Ou le filet est traîné par une seule unité ; origine du chalut à perche ; l’ouverture horizontale est assurée par une perche en bois qui, frappée sur les ailes, les maintient écartées. Sur l’Atlantique, pour agrandir l’ouverture des dragues, on a substitué à l’élément supérieur du cadre d’entrée une armature faite d’une longue pièce en bois. Ainsi sont nés les premiers chaluts à perche atlantiques. Donc, par une espèce de convergence, sennes et dragues ont donné naissance aux engins à perche : les premiers chaluts apparus (toujours en service d’ailleurs) sont donc, contrairement à la règle générale, des filets à armature : la poche est maintenue ouverte par l’intermédiaire d’espars fixés à travers la gueule à des patins qui facilitent le glissement sur le sol sous-marin. Mais l’ouverture du chalut est limitée horizontalement par la longueur de la perche et verticalement par celle des deux espars.

Vers 1830, l’invention des panneaux permet la disparition de l’armature : la perche est remplacée à la gueule du chalut par une paire de panneaux rectangulaires qui, sous l’effet du remorquage, se comportent comme un cerf-volant, tendent à s’écarter l’un de l’autre et ouvrent l’engin dans le sens horizontal. Il s’agit là d’une profonde mutation du chalutage. D’abord les panneaux sont fixés directement au filet par de courtes entremises assurant en même temps l’ouverture verticale : chaluts Otter-Trawl (O.T). L’efficacité des chaluts est accrue ensuite par la mise au point (vers 1925) d’un nouveau gréement : chaluts Vigneron- Dahl (V.D) ; des bras sont intercalés entre le filet et les funes ; les panneaux, au lieu d’être maillés à l’entrée du filet qui est prolongé par des ailes, travaillent très en avant de l’engin. Quant à l’ouverture verticale, elle est assurée par toute une série d’accessoires d’allégement ou d’alourdissement fixés directement dessus. Parallèlement, la pêche traditionnelle se maintient. Le chalut à perche persiste. En Méditerranée notamment, le chalutage à panneaux fait bien son apparition mais l’exploitation en bœuf se poursuit et connaît même un regain d’activité. Les recherches se poursuivent pour accroître l’écartement de la gueule du filet et son ouverture verticale sans augmenter, autant que faire se peut, la résistance à la traction. L’hydrodynamisme des panneaux s’accroît sans cesse. La forme des chaluts devient plus complexe. Après la seconde guerre mondiale, une série de nouvelles inventions étend le domaine du chalutage. Grâce aux progrès de la détection sous-marine (les sondeurs verticaux, sonars et netzsondes voient s’accroître leur portée et leur sensibilité), on met en évidence des concentrations de poissons nettement « décollés » du fond, soit en permanence, soit au cours de migrations verticales nycthémérales. La plupart n’atteignant pas la surface, restaient alors hors d’atteinte à la fois des chaluts de fond (ouverture verticale trop faible) et des engins de pêche pélagique. Après divers essais d’adaptation, des chaluts atlantiques existants à la pêche entre deux eaux (notamment en les allégeant), de nouveaux filets sont mis au point. Les premiers, semi-pélagiques puis à grande ouverture verticale, ne sont pas d’utilisation courante ; ils conservent les deux faces originelles et le contact avec le fond, mais leur coupe leur permet de s’ouvrir bien plus largement vers le haut. Les seconds se libèrent totalement du fond et le chalutage, jusque-là cantonné au domaine benthique, acquiert la possibilité d’exploiter les eaux en volume : les chaluts pélagiques sont nés ; après l’échec des tentatives faites avec des engins à deux faces, ceux à quatre faces (ouverts par des panneaux hydrodynamiques ou, secondairement, par remorquage en bœuf) se révèlent les mieux adaptés pour évoluer en pleine eau. Notons que les recherches se poursuivent et que les possibilités du chalutage pélagique ou de fond (forme du filet, exploitation des petits ou grands fonds) étaient encore loin d’être épuisés. En effet, le rôle considérable joué par le chalut dans l’économie des pêches continuait à susciter de nombreux programmes d’études et d’observations portant sur les engins eux-mêmes (travaux sur modèles réduits en bassins à courant d’eau) que sur le comportement simultané du poisson ou en présence du filet. Ces études, conjointement avec la généralisation de l’emploi des fibres synthétiques, ont déjà abouti à la construction de multiples nouveaux modèles de chaluts. L’adaptation, soit aux conditions de fond, soit aux évolutions du poisson, tend à se faire de moins en moins en modifiant le gréement du chalut traditionnel mais en utilisant tel ou tel de ces modèles, en quelque sorte « pré-adapté » à chaque cas.