La chimie radicalaire des xanthates

La chimie radicalaire des xanthates

Les xanthates 

La fonction xanthate 

La fonction dithiocarbonate (cf. schéma II-1) est plus communément appelée xanthate, du grec xanthos signifiant jaune, à cause de la couleur jaune caractéristique de ses sels métalliques – plus précisément de ses sels de cuivre et non de ses sels alcalins25. Ces composés ont été décrits pour la première fois par Zeise en 182226-28 . S O S R1 R2 Schéma II-1 : La fonction dithiocarbonate ou xanthate25-28 Les xanthates peuvent donner lieu à des réactions soit de type ionique, soit de type radicalaire. Mais, bien que découverts depuis presque deux siècles, ces composés ont comparativement été relativement peu étudiés. L’exemple le plus connu de réaction en chimie ionique, mais peu utilisé, est l’élimination de Chugaev29,30. Les applications en chimie radicalaire sont beaucoup plus nombreuses et peuvent impliquer la fragmentation de la liaison avec l’un ou l’autre des deux groupements : soit avec R1 (réactions par transfert de groupe xanthate), soit avec R2 (réaction de Barton-McCombie31-33, ou réaction de réarrangement de xanthates S-propargyliques34-37).

La synthèse de précurseurs xanthates 

La synthèse d’un précurseur xanthate débute à partir d’un alcool (cf. schéma II-2), qui est déprotoné par une base (le plus souvent de l’hydrure de sodium, de potassium, de la soude ou de la potasse), suivi par l’attaque nucléophile de l’alcoolate généré sur du sulfure de carbone, donnant un sel d’O-alkyl xanthogénate de potassium ou de sodium 1.Les sels les plus couramment utilisés sont les sels de type O-éthyl, O-méthyl et O-néo-pentyl. Ces sels peuvent être soit isolés pour être utilisés ultérieurement, soit directement consommés in situ dans une réaction de type SN2 – avec un halogénure d’alkyle par exemple – pour conduire au xanthate 2. Le sel d’O-éthyl xanthogénate de potassium 3 est commercial et très peu onéreux. Il se conserve bien à l’abri de la lumière et de l’humidité. Avant utilisation, il est généralement recristallisé à chaud dans de l’éthanol, afin d’éliminer les sous-produits d’oxydation. La synthèse de précurseurs xanthates se fait généralement à partir de ce sel via la substitution nucléophile d’un substrat électrophile (halogène, mésylate, tosylate ou autre) dans un solvant polaire, comme l’acétone, le diméthylformamide, l’éthanol ou encore l’acétonitrile (cf. schéma II-3) A noter que la réaction de substitution nucléophile par un sel de xanthate se fait le plus souvent sous atmosphère inerte (azote ou argon), afin d’éviter l’apparition de produits de type bis-xanthates, résultant d’une oxydation du sel par l’oxygène de l’air suivie d’une dimérisation du radical xanthate(cf. schéma II-4). La réactivité de cette substitution peut être astucieusement modulée pour obtenir des composés non symétriques, par exemple via le choix du solvant 39-41. Ainsi le xanthate MEQ1 dérivé de l’α,α’-dichloroacétone est un précurseur intéressant pour la fonctionnalisation ultérieure des produits sur lesquels il est additionné, par exemple pour former un thiazole par une synthèse de Hantzsch. Cependant sa préparation par la méthode habituelle ne permet pas de s’arrêter à la mono-substitution de la cétone de départ39 (cf. schéma II-5). L’addition lente du sel de xanthate sur un excès de cétone permet de limiter la di-substitution, mais conduit à un mélange difficilement séparable. L’utilisation d’eau à la place d’acétone comme solvant permet de  contourner ce problème, en faisant précipiter le produit de mono-substitution au fur et à mesure de la réaction, l’empêchant ainsi de réagir une seconde fois avec le sel de xanthate restant.

Quelques applications des xanthates en chimie ionique et radicalaire

La réaction de Chugaev

Une des réactions les plus connues se fondant sur la fonction xanthate est la réaction ionique d’élimination de Chugaev29,30 (cf. schéma II-9). Elle n’est cependant que peu utilisée. Il s’agit de la pyrolyse entre 100°C et 200°C d’un xanthate 4 possédant un hydrogène en position β permettant, via un mécanisme de syn-élimination intramoléculaire, la formation d’une oléfine 5 de stéréochimie prédéfinie. Les xanthates primaires sont habituellement plus stables que les xanthates secondaires et tertiaires, et nécessitent des températures plus élevées, jusqu’à 250°C. Cette réaction n’a cependant de réel intérêt que dans le cas où elle ne peut conduire qu’à un seul produit, i.e. s’il n’y a qu’un seul carbone en position β et possédant soit deux hydrogènes, soit un hydrogène (la molécule doit alors possèder une conformation fixe, comme une molécule cyclique par exemple). Cette réaction est similaire à la pyrolyse d’esters, mais l’utilisation de la fonction xanthate permet de travailler à des températures plus basses, et élimine donc la possibilité d’isomérisation de l’alcène obtenu.

Réarrangement sigmatropique de xanthates S-propargyliques 

Le réarrangement sigmatropique de xanthates S-propargyliques est une autre application ionique de la fonction xanthate et a été utilisé par le laboratoire comme une nouvelle approche à la synthèse d’esters et comme une alternative à la réaction de Mitsunobu pour les alcools secondaires Le xanthate S-propargylique 7 est préparé à partir de l’alcool 6 selon la procédure classique à partir d’une base, de sulfure de carbone et de bromure de propargyle. Il permet d’obtenir après un réarrangement sigmatropique σ[3,3] le xanthate d’allène 8, qui est en équilibre avec la bétaïne 9. Cette bétaïne, en parésence d’une source de protons, réagit selon une réaction acido-basique pour conduire à l’intermédiaire 10. L’hétérocycle formé est alors fortement nucléofuge et permet une substitution nucléophile de type SN2 de l’anion R’- sur le substrat pour conduire au produit final 11. Dans le cas où R’ est un groupe de type R’’COO, le produit 11 est alors un ester, dont la configuration de l’alcool porté par R est inversée par rapport à l’alcool 6 (cf. schéma II-10). 

La réaction de Barton-McCombie

 La réduction d’un alcool en alcane se fait assez aisément dans le cas d’alcools primaires et d’alcools secondaires peu encombrés, via la conversion par exemple en tosylates ou mésylates suivie d’une réduction, et dans le cas d’alcools tertiaires via une séquence d’élimination/hydrogénation. Cependant les cas des alcools secondaires encombrés ou présentant une conformation non favorable restent problématiques, c’est le cas en particulier des alcools présents dans les sucres. La réaction de Barton-McCombie permet la réduction d’une fonction alcool en alcane en s’appuyant sur la chimie radicalaire de la fonction xanthate31-33. Les réactions radicalaires étant le plus souvent peu sensibles aux effets d’encombrement, la réaction de Barton-McCombie permet alors de résoudre le problème posé par les alcools secondaires encombrés. De plus, elle utilise des conditions relativement douces, ce qui permet son utilisation en présence d’un grand nombre de groupements fonctionnels. 

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