La construction d’une stratégie de recherche

La construction d’une stratégie de recherche

Dans l’introduction, nous avons développé le contexte et les questions qui pouvaient subsister dans la compréhension du rôle du partage d’expériences dans les collectifs de pairs dans la TAE. Nous avons pris comme objet de recherche l’articulation entre les échanges dans les collectifs de pairs et la TAE au niveau des agriculteurices. L’objectif de ce chapitre est de montrer la démarche de recherche que nous avons élaborée pour comprendre ce qui est en jeu dans cette articulation du point de vue des agriculteurices. Contrairement à d’autres travaux, en sociologie notamment, nous ne nous intéressons pas à l’analyse de la dynamique du groupe et son fonctionnement pour en repérer par exemple les conditions des échanges. C’est uniquement le contenu des échanges et la façon dont cela rencontre (ou non) les TAE dans lesquelles sont engagé∙es les agriculteurices qui sont au cœur de notre travail. Nous pouvons penser qu’une démarche de recherche est l’occasion de travailler des concepts appris au cours du parcours académique pour les enrichir d’un autre contexte de recherche. Dans le cas de notre travail, l’incertitude de départ se trouve dans les cadres théoriques et méthodologiques à mobiliser ou à construire pour répondre aux questions posées dans le projet de thèse, également inscrites dans un contexte social et politique. L’objet de recherche choisi n’a pas d’inscription disciplinaire en soi pour aider à cerner des concepts de référence. De plus, cet objet de recherche est une articulation entre deux composantes, le collectif et la TAE au niveau individuel, c’est pourquoi son appréhension nécessite non seulement une compréhension des composantes séparément, mais aussi de leur dynamique d’articulation. Pour aboutir à l’appréhension de notre objet de recherche, la formulation des questions de recherche s’est inscrite dans une série d’ajustements guidés par des interactions constantes avec les terrains d’études et la littérature scientifique. Ce « bricolage » (Jollivet & Carlander, 2008) est un processus d’exploration avec des frontières disciplinaires floues, qui comprend des tâtonnements et des expérimentations de pensées que nous appelons dans ce qui suit : enquête scientifique.

L’enquête scientifique s’ouvre suite à la première confrontation au terrain d’étude qui soulève pour notre travail plusieurs questionnements et perturbations. Cette confrontation remet en question les éléments du cadrage initial de la thèse tels que définis dans le projet de thèse en termes notamment de concepts à mobiliser qui se traduisent difficilement dans l’expérience Pour étayer le traitement des questions de recherche, l’étude du concept d’expérience nous semble être une bonne piste pour cerner ce qui est en jeu. Mais l’expérience est loin d’être un concept simple à cerner du fait de sa nature polysémique (Rogalski & Leplat, 2011; Beaujouan et al., 2013; Osty, 2013; J.-M. Barbier, 2013; Maillot, 2013). C’est dans le travail de Joris Thievenaz, chercheur en sciences de l’éducation et de la formation qui s’inscrit dans la philosophie de l’œuvre de Dewey (1910, 1934, 1938b, 1938a), que le concept d’expérience a pris du « sens » pour nous. Thievenaz (2019) identifie plusieurs dimensions qui décrivent l’expérience que nous synthétisons ainsi : Si l’expérience est processuelle, qu’en est-il maintenant du partage d’expériences dans les collectifs de pairs ? Barbier (2013) reconnait que la communication de l’expérience se construit sur l’expérience du sujet, son activité mentale et le cadre social dans lequel il évolue. Cette représentation de l’expérience rend difficile de considérer l’expérience comme un matériau homogène qui pourrait être retracé dans le discours des individus. En effet, ce qui est partagé est le produit de plusieurs réélaborations spatio-temporelles. Cette compréhension de l’expérience, bien que riche, pose quelques obstacles à la reconnaissance de l’expérience dans ce qui est partagé entre les agriculteurices : qu’est-ce que nous considérons comme le vécu de l’agriculteurice ? Quelles autres expériences l’aident à développer une expérience actuelle ? Existe-t-il une ou plusieurs expériences derrière un conseil, une proposition d’action, un raisonnement ?

Ces questions n’épuisent pas encore celles qui émergeront de la poursuite de l’enquête scientifique, que nous présenterons en conclusion de cette première partie. Mais avant d’y arriver, il est nécessaire de faire un détour par les terrains d’études qui ont permis de faire l’expérience des méthodes et concepts choisis et de les réajuster tout au long de l’évolution de l’enquête scientifique. Le fruit de cette évolution donne lieu à un développement conceptuel plus conséquent dans le chapitre 1.2, ce qui correspondrait à un nouveau T1 et T2 dans la figure 1 et permet alors de former les questions de recherche que le travail de thèse se propose de traiter en conclusion de cette partie. d’années pour certains. L’objectif initial du groupe est de « tester toutes les pratiques possibles pour faire de l’agriculture durable ». Il s’agissait notamment de construire des systèmes en agriculture de conservation, des pratiques de macérations de plantes, la couverture des sols, etc. Le Tableau 1 récapitule les caractéristiques de 10 exploitations du collectif A, identifiées par chaque membre pour la réunion-bilan de 2020. Certains agriculteurs n’ont pas pu participer à cette réunion, mais les caractéristiques présentées représentent bien la diversité du groupe.

 

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