La division sexuelle du travail

 La division sexuelle du travail 

De plus en plus, les femmes investissent le marché du travail, mais cette nouvelle réalité n‟a pas pour autant bouleversé la division traditionnelle du travail, par contre les hommes, pour leur part, n‟ont pas investi le champ du domestique.203 « Le « travail » ne recouvre pas la même réalité, selon la discipline des sciences sociales, et le terme ne prend pas le même sens. Pour les anthropologues, il signifie « tâches ou activités », et c‟est dans ce sens qu‟ils parlent de division sexuelle ou sociale du travail, distinguant ainsi, les taches de production des biens de celle de la reproduction des individus et de la force de travail204. La participation de la femme dans le monde de la production ne la libère pas pour autant du travail reproductif, ce qui se concrétise, par la « double activité » productive et reproductive » 205 . Pour les sociologues et les historiens, le concept « travail » date du 18ème siècle. Il ne fut dévolue que pour une certaines catégorie sociale celle des esclaves, des serfs et des serviteurs, dans les sociétés antiques ou de l‟ancien régime. Avec la généralisation des échanges des biens et services dans le marché, donc celle de la valeur, le travail devient ainsi, une « marchandise » comme les autres et s‟achète sur le marché. Toute activité qui n‟est pas « marchandise », n‟est plus perçue comme du travail, c‟est le cas notamment du travail domestique, travail effectué dans l‟unité domestique. Les fondateurs de la sociologie du travail partent d‟un modèle asexué de travail, son sujet, l‟homme, pourvoyeur économique. Ce modèle a été fortement interpellé dès les années soixante-dix par la problématique de la division sexuelle du travail (Kergoat, 1978) et dénoncé par les féministes: il s‟agissait d‟inclure dans ce concept206 : 1) Le sexe social (le genre) 2) Le travail domestique. « Il est ainsi élargi au travail non salarié, non rémunéré, non marchand, au travail informel. Travail professionnel et domestique production et reproduction, salariat et famille, classe sociale et sexe social sont considérés comme des catégories indissociables. A partir de cette proposition épistémologique de décloisonnement et d‟imbrication de dimensions auparavant séparées, il a été possible de construire un questionnement permettant de jeter un pont entre les différentes sphères d‟activité (Hirata, Zarifian, 2000) et de briser définitivement avec l‟ancienne notion de « spécificité » 207 . Le travail domestique est aussi vieux que l‟humanité, et doit être saisi comme un fait social total. Il a ses spécificités et il traduit une réalité sociale qui tend a changé avec le progrès technique, la mécanisation et l‟évolution des mentalités notamment avec l‟entrée des femmes dans le monde du travail. Le temps consacrés autrefois, par les aînées, dans les taches domestiques, n‟est plus le même. Le travail domestique se compose d‟une succession de taches : préparer à manger, nettoyer et désinfecter le linge et la maison, prendre soins des enfants, faire les courses etc. Ces tâches représentent une somme d‟effort considérable et demande du temps et de l‟énergie pour l‟accomplir. Tout le monde s‟accorde sur ce que l‟on appelle communément le travail domestique. C‟est un travail, qui regroupe une série de taches inhérentes à la vie quotidienne, centrées autour de la sphère privée, qui est l‟univers familial et exécutées par les femmes. Mais en revanche, il est estimé par certains comme créateur de richesse et par d‟autres comme ne l‟étant pas. Ce qui n‟est pas sans conséquence sur l‟appréciation du statut économique et sociale de ceux et celles qui l‟exécutent. Comme les femmes sont les principales productrices, par ces activités, il est beaucoup plus difficile, alors, d‟établir le statut de la femme travailleuse dans la société.

Définition du concept de la division sexuelle du travail 

Le « terme de la division sexuelle du travail » recouvre deux acceptations : « Il s‟agit d‟une part d‟une acceptation sociographique : on étudie la distribution différentielle des hommes et des femmes sur le marché du travail, dans les métiers et les professions, et les variations dans le temps et dans l‟espace de cette distribution ; et l‟on analyse comment elle s‟associe au partage inégal du travail domestique entre les sexes. Ce type d‟analyse a été et reste indispensable pour mesurer l‟égalité professionnelle hommes/ femmes. Mais parler en terme de division sexuelle du travail devrait aller au-delà du simple constat d‟inégalités. Et l‟on arrive à la deuxième acceptation de la notion : 1) Montrer que ces inégalités font système ; 2) Articuler cette description du réel avec une réflexion sur le processus par lesquels la société utilise cette différenciation pour hiérarchiser les activités, et donc les sexes, pour créer un système de genre » 208 . « La division sexuelle du travail est la forme de division du travail social découlant des rapports sociaux entre les sexes ; et plus encore : elle est un enjeu prioritaire pour la survie du rapport social entre les sexes. Cette forme est modulée historiquement et sociétalement. Elle a pour caractéristiques l‟assignation prioritaire des hommes à la sphère productive et des femmes à la sphère reproductive ainsi que, simultanément, la captation par les hommes des fonctions à forte valeur sociale ajoutée – politiques, religieuses, militaires, etc.» 209 . Alors qu‟un accord unanime se fait autour de cette définition, du point de vue de Danièle Kergoat, il est nécessaire d‟aller plus loin dans le cadrage conceptuel. C‟est pourquoi elle a proposé de distinguer très précisément entre les principes de la division sexuelle du travail et ses modalités. Cette forme particulière de la division sociale du travail a deux principes organisateurs : – Le principe de séparation par le fait de considérer qu‟il existe des travaux d‟hommes et des travaux de femmes ; – et le principe hiérarchique puisqu‟il est considéré qu‟un travail d‟homme « vaut » plus qu‟un travail de femme. Ces principes sont valables pour toutes les sociétés connues, dans le temps et dans l‟espace. Ils peuvent être appliqués grâce à un procès spécifique de légitimation, l‟idéologie naturaliste. Celle-ci renvoie les différences physiques entre hommes et femmes au sexe biologique, réduit les pratiques sociales à des « rôles sociaux » sexués, lesquels renverraient au destin naturel de l‟espèce210 . « Si les deux principes de séparation et de hiérarchie se retrouvent dans toutes les sociétés connues et sont légitimés par l’idéologie naturaliste, cela ne veut pas dire cependant que la division sexuelle du travail soit une donnée immuable. Au contraire, elle est en fait d‟une incroyable plasticité : ses modalités concrètes varient fortement dans le temps et dans l’espace comme l’ont abondamment démontré ethnologues et historien(ne)s. Ce qui est stable, ce ne sont pas les situations puisqu‟elles évoluent constamment mais c‟est l‟écart entre les groupes de différent sexe qui n‟évolue pas. C’est donc sur cet écart tout autant que sur les « conditions » qu’il convient de porter ce long travail de déconstruction et de reconstruction211 . Par «modalités», il est entendu par exemple la conception du travail reproductif, la place des femmes dans le travail marchand, etc. Si la condition féminine s‟est incontestablement améliorée, en tout cas dans certaine société notamment occidentale, l‟écart, lui, reste infrangible. Et c‟est cette distinction entre principes et modalités, l‟insistance sur la notion d‟écart qui permettent de déconstruire le paradoxe dont (Hirata & Kergoat) parlent au départ : tout change mais rien ne change ».

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