La genèse des dunites et leur rôle dans le transport des magmas

 La genèse des dunites et leur rôle dans le transport des magmas

Eléments de méthodologie

Stratégie d’échantillonnage L’étude des dunites de la DTZ s’est majoritairement appuyée sur un échantillonnage systématique sous forme de coupes depuis le sommet de la section mantellique, lorsqu’elle affleurait, jusqu’à la base de la croûte, lorsque non érodée, dans les différents massifs de l’ophiolite d’Oman ou au sein d’alternances harzburgites-dunites à Trinity. Cette approche a été motivée par les résultats obtenus par les précédents travaux qui avaient montré la structuration non aléatoire de la DTZ (Abily, 2011; Abily et Ceuleneer, 2013). Une telle structuration a été retrouvée dans tous les massifs explorés, à la fois dans le massif de Sumail dont le pendage régional est très faible (environ 10°) comme dans le massif de Fizh et la coupe de Trinity plus pentés (~ 30°) – l’échantillonnage a été réalisé de sorte que le pendage soit en partie résorbé par la pente naturelle des reliefs parcourus. Le pendage du massif de Bahla est plus difficile à déterminer du fait du rebroussement à la verticale du Moho dans ce massif intensément tectonisé (Abily, 2011). Les évolutions verticales définissant la structuration géochimique s’avèrent répondre à une logique verticale commune aux différentes coupes dominée par une « longueur d’onde » caractéristique de 50 à 100 m. Cet invariant est lourd de conséquences pour contraindre les processus physico-chimiques dont la DTZ est le siège. Il n’aurait pu être mis en évidence sans cette stratégie d’échantillonnage en coupes. Il en est de même pour la continuité latérale des signatures chimiques qui peut être suivie sur une distance caractéristique de plusieurs centaines de mètres dans le cas du massif de Sumail.

Approche pétrogéochimique

L’étude pétrogéochimique des dunites a consisté en un aller-retour permanent entre l’interprétation de la composition chimique en éléments majeurs de l’olivine, de la chromite et des phases imprégnantes d’une part, afin d’étudier à la fois la matrice dunitique et la nature des magmas interstitiels ayant circulé dans la DTZ, et entre les données acquises par analyses in situ et les La genèse des dunites et leur rôle dans le transport des magmas Chapitre 9 378 compositions des roches totales d’autre part. Cette seconde approche a notamment été motivée par le souhait d’explorer l’éventail de compositions chimiques qui pouvait exister dans ce type de roches. Les données de la littérature sont rares concernant les harzburgites appauvries et surtout les dunites de l’ophiolite d’Oman (Gerbert-Gaillard, 2002; Girardeau et al., 2002b; Godard et al., 2000; Hanghøj et al., 2010; Khedr et al., 2014; Monnier et al., 2006), et n’existaient pas pour un nombre d’échantillons aussi important, avec un référencement précis en 3D tel que le projet de thèse conduit ici. L’acquisition des compositions en éléments en traces incompatibles en très faibles teneurs dans les dunites pures (sub-ng.g-1) pour un grand nombre d’échantillons a été rendue possible grâce au développement d’une méthode de préparation chimique présentée au chapitre 4 (Rospabé et al., 2018a). Cette méthode peut s’appliquer à l’étude de harzburgites ou de dunites très appauvries mais également à l’analyse d’olivines séparées. La technique par ablation laser sur olivine, bien que commençant à donner des résultats de bonne qualité pour les terres rares (e.g. Drouin et al., 2009; Rampone et al., 2016; Stead et al., 2017), n’est pas encore une technique de routine pour des minéraux ayant des concentrations en éléments en traces aussi basses (cf. chapitre 3). L’approche par combinaison des données in situ et des données roches totales utilisée ici a permis de déconvoluer la surimposition des différentes signatures chimiques enregistrées au sein d’un même échantillon et reflétant les différents processus qui se sont succédés dans le temps pour aboutir à l’état final, i.e. les dunites actuellement à l’affleurement (cf. paragraphe 6.3.2 et la figure de synthèse 6.110) : la signature du protolithe, celles acquises lors de la dunitisation et du rééquilibrage associé à la percolation d’un MORB au travers de la matrice (métasomatisme cryptique), la signature de refertilisation (métasomatisme modal), voir l’altération liée à la serpentinisation. Cette approche apporte ainsi des contraintes supplémentaires sur le mode de formation des dunites à la transition manteau-croûte par rapport à l’approche plus classique qui consiste en l’analyse in situ des minéraux uniquement et qui apporte des informations, certes intéressantes, restreintes à la seule nature des magmas percolants. 

Zone de transition dunitique : drainage efficace des magmas vers la croûte ? 

Hétérogénéité des magmas sous les dorsales

L’étude des basaltes océaniques a montré une variabilité importante des compositions en éléments en traces et isotopiques des liquides alimentant les dorsales à différentes échelles, sur plusieurs milliers de kilomètres (e.g. Brandl et al., 2016; Dosso et al., 1999; Dupré et Allègre, 1983; Zindler et Hart, 1986), à l’échelle d’une succession de coulées de laves (Mougel et al., 2014), ou pour plusieurs inclusions fluides piégées dans un seul et même phénocristal d’olivine dans une lave (e.g. Danyushevsky et al., 2003; Nobumichi, 1998; Sobolev, 1996; Sobolev et Shimizu, 1993). Cette variabilité est très régulièrement interprétée comme reflétant une hétérogénéité de source, et signifie également l’absence d’homogénéisation des magmas entre la zone de fusion partielle et la mise en place dans la croûte ; les magmas stockés dans la croûte inférieure peuvent être partiellement ou totalement homogénéisés avant leur éruption en surface, les inclusions sont dans ce sens vues comme l’enregistrement de fractions des différents magmas parents (et/ou de leur produit de cristallisation) ayant alimenté la croûte et ayant été piégés avant leur homogénéisation. Synthèse et discussion générale des résultats 379 Les dunites incluses dans la section mantellique des ophiolites, mode d’affleurement différent de celui étudié au cours de cette thèse, sont interprétées comme des chenaux marqueurs de la migration des magmas (Aharonov et al., 1995; Kelemen et al., 1995a, 1995b, 1997a). Le modèle de ramification des chenaux dunitiques a été très largement adopté depuis le milieu des années 1990 pour expliquer l’extraction massive des magmas depuis la zone de fusion partielle jusqu’à leur distribution dans la croûte (Figure 9.1), cette chenalisation rendant plausible l’isolement des magmas et minimisant l’effet des rééquilibrages chimiques avec les péridotites environnantes (Braun et Kelemen, 2002; Kelemen et al., 1995a) tout en entretenant une variabilité chimique importante des liquides d’un chenal à un autre ou au sein d’un même chenal (Spiegelman et Kelemen, 2003). Ce modèle s’est imposé comme une alternative au modèle d’écoulement poreux (porous flow) qui invoque un transport interstitiel des magmas au sein du diapir mantellique ascendant et fondant partiellement par décompression (e.g. Godard et al., 2000; Gregory, 1984; Niu et Hékinian, 1997), ainsi qu’à l’extraction par fracturation hydraulique (e.g. Nicolas, 1986; Nicolas et Jackson, 1982; Shaw, 1980; Sleep, 1988). Ces modes de transport des magmas ne sont cependant pas mutuellement exclusifs et peuvent coexister ou se succéder dans l’espace et dans le temps. L’écoulement poreux domine sur l’ensemble de la colonne mantellique ascendante en fusion tandis que le rôle des chenaux dunitiques est plus important dans sa partie la plus supérieure pour la focalisation et l’extraction rapide des magmas. La fracturation hydraulique intervient quant à elle à plus basse température (< 1200°C) lorsque le manteau asthénosphérique s’accrète à la lithosphère (Ceuleneer et al., 1996; Rabinowicz et Ceuleneer, 2005).

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